Créer en France, les condi­tions d’une poli­tique de rupture !

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Oui, « nous avons besoin en France, d’un front social et poli­tique qui soit l’équi­valent de SYRYZA en Grèce et de PODEMOS en Espagne, une force de parti­ci­pa­tion citoyenne qui crée les condi­tions d’une poli­tique de rupture ». Par contre, si la victoire de SYRYZA crée un espoir en France, le mouve­ment social et poli­tique qui a rendu fierté et dignité aux Grecs n’est pas trans­po­sable en France sans une sérieuse analyse des échecs répé­tés du Front de gauche depuis 2012. Car ce qui carac­té­rise la situa­tion élec­to­rale en France, scru­tin après scru­tin, c’est certes à la fois la progres­sion du nombre des absten­tions et la montée du Front natio­nal en pour­cen­tage des votants, mais aussi les mauvais résul­tats du Front de gauche qui souvent restent margi­naux et empêchent toute pers­pec­tive à terme d’une alter­na­tive poli­tique dans notre pays.

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    Une démo­cra­tie repré­sen­ta­tive obso­les­cente

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Pour espé­rer qu’une force de parti­ci­pa­tion citoyenne puisse créer les condi­tions d’une poli­tique de rupture, il convient de bien analy­ser en premier ce phéno­mène de l’abs­ten­tion. Or, les commen­taires enten­dus ou lus dans les grands médias sur l’élec­tion légis­la­tive partielle du Doubs ont porté essen­tiel­le­ment sur la montée du Front natio­nal et la diffi­culté du Parti socia­liste à sauver la circons­crip­tion du très libé­ral Pierre MOSCOVICI.
La plus part oublie cepen­dant d’ana­ly­ser le fait majo­ri­taire de cette nouvelle élec­tion partielle qu’est la progres­sion des absten­tion­nistes, large­ment les plus nombreux au premier tour le 1er février avec 60 % et encore au-dessus des 50 % au second, malgré les risques d’une victoire de la candi­date du FN. Un oubli commode qui permet de taire les raisons possibles du phéno­mène absten­tion­niste qui est prin­ci­pa­le­ment le signe de l’ob­so­les­cence de notre système de démo­cra­tie repré­sen­ta­tive.

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    Des actions citoyennes mépri­sées

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Les raisons sont à cher­cher, entre autres, dans des déci­sions semblables à celle de la récente décla­ra­tion d’uti­lité publique (DUP) d’une ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges, dont l’ef­fet produit par sur les rive­rains du tracé et les oppo­sants à ce projet absurde est désas­treux.
En effet, cette DUP vient d’être prise par le gouver­ne­ment alors que toutes les procé­dures légales préa­lables, censées éclai­rer les déci­deurs poli­tiques, ont émis des avis néga­tifs. Ainsi, l’enquête d’uti­lité publique a formulé en juillet 2013, deux réserves impor­tantes concer­nant l’ab­sence de finan­ce­ment du projet et les risques sous-évalués pour plusieurs zones humides et notam­ment celle de Mougon à Iteuil. Enquête elle-même précé­dée de recom­man­da­tions majeures de l’Au­to­rité envi­ron­ne­men­tale pour une meilleure prise en compte des impacts envi­ron­ne­men­taux et suivie en octobre 2014 par le rapport de la Cour des comptes qui dénonçait à la fois, « l’ab­sence de réflexion préa­lable au projet qui ne s’ap­puie pas sur une défi­ni­tion des besoins de mobi­lité des habi­tants des régions concer­nées, et une sous-esti­ma­tion par RFF du coût de réali­sa­tion de la LGV en même temps qu’une exagé­ra­tion signi­fi­ca­tive du trafic voya­geurs poten­tiel ». Autant d’as­pects néga­tifs qui avaient justi­fié en juin 2013 la déci­sion de relé­ga­tion de la réali­sa­tion hypo­thé­tique du projet, au-delà des années 2030 par la commis­sion mobi­lité 21 dite commis­sion DURON. C’est donc logique­ment que le Conseil d’Etat a conclu, en décembre 2014, à l’im­pos­si­bi­lité de décla­rer d’uti­lité publique le projet. Avis que le gouver­ne­ment a négligé de publier offi­ciel­le­ment, comme pour ne pas avoir à justi­fier son refus de le suivre, préfé­rant pour des inté­rêts basse­ment élec­to­raux et des conni­vences poli­tiques du Président de la Répu­blique avec ses amis limou­sins, pronon­cer la DUP le 10 janvier 2015, à la veille de l’ex­pi­ra­tion du délai légal et entre deux réunions de la cellule gouver­ne­men­tale de crise char­gée de faire face aux évène­ments sanglants  à « Char­lie hebdo » et à l’hy­per casher pari­sien.
La déci­sion est donc incom­pré­hen­sible pour les habi­tants des 33 communes concer­nées dans la Vienne et la Haute-Vienne et pour les membres des asso­cia­tions oppo­sées au projet, pour qui, un tel fait du prince consti­tue un déni flagrant de démo­cra­tie et un mépris total pour l’ac­tion citoyenne. Ce sont de tels actes, comme à Sivens ou à Notre Dame des Landes qui, ajou­tés aux scan­dales finan­ciers et autres conflits d’in­té­rêts dans lesquels sont impliqués bon nombre de respon­sables poli­tiques, dissuade de plus en plus d’élec­teurs de voter, pour des hommes et des femmes à qui ils ne font plus aucune confiance pour les repré­sen­ter.

 

 L’abs­ten­tion, l’acte inachevé d’un refus de la poli­tique libé­rale

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L’abs­ten­tion se nour­rit donc d’une pratique poli­tique qui ignore de plus en plus l’in­té­rêt des gens, qu’il s’agisse de leurs besoins sociaux sans cesse contes­tés au nom de la rigueur budgé­taire ou d’amé­na­ge­ments concer­nant direc­te­ment leur envi­ron­ne­ment et leur vie quoti­dienne. Tout comme elle est alimen­tée par l’in­co­hé­rence totale d’une poli­tique de l’em­ploi qui justi­fie à la fois tous les plans de suppres­sion d’em­plois au nom de la compé­ti­ti­vité des entre­prises et la pour­suite de grands projets inutiles,  au nom de la néces­saire créa­tion d’em­plois, fussent-ils les plus précaires et les moins bien rému­né­rés. Comment ne pas voir égale­ment que la progres­sion de l’abs­ten­tion accom­pagne la montée du vote pour le Front natio­nal en ville mais aussi dans les communes rurales où, le senti­ment d’aban­don et de relé­ga­tion n’a jamais été aussi fort.
L’abs­ten­tion n’est donc pas tant la mani­fes­ta­tion d’un désin­té­rêt pour la poli­tique, que l’ex­pres­sion d’un mécon­ten­te­ment et du refus d’une poli­tique qui sacri­fie hommes et femmes au nom de l’in­té­rêt supé­rieur de la finance, qu’elle soit l’œuvre d’une droite ultra-libé­rale incar­née par l’UMP ou d’une gauche socio-libé­rale dont se réclame le PS, sans pers­pec­tive crédible de sortie de crise autre que la tenta­tion par dépit d’une aven­ture dange­reuse avec l’ex­trême droite. Autre­ment dit, absten­tion et montée du danger de l’ex­trême droite en France donnent-elles à voir la frac­ture qui se creuse depuis plusieurs années entre un élec­to­rat popu­laire et une élite poli­tique hors sol.
Mais ce double phéno­mène de progres­sion de l’abs­ten­tion et de l’ex­trême droite révèle aussi en contre­champ, que le Front de gauche n’est pas perçu pour l’ins­tant comme l’ou­til poli­tique capable d’en­trai­ner cette force citoyenne qui cherche à rompre avec les pers­pec­tives sans avenir que leur promet un système capi­ta­liste dont les thuri­fé­raires de tous bords prétendent qu’elles seraient désor­mais notre hori­zon indé­pas­sable .
La construc­tion d’une force du type SYRYZA en France passe donc par l’af­fir­ma­tion, haute et forte, par le Front de gauche et toutes ses compo­santes, de la néces­sité d’une rupture totale avec le système capi­ta­liste et avec le système insti­tu­tion­nel qui le sert dans notre pays. C’est cette volonté de rupture dont devraient être porteurs les « chan­tiers de l’es­poir » si ils veulent répondre à leur objec­tif de mobi­li­ser le plus grand nombre de citoyens pour construire une alter­na­tive poli­tique, sociale et écolo­giste.

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    Dénon­cer le PS comme le parti de la gauche capi­ta­liste

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Mais pour commen­cer, il est néces­saire de faire la clarté sur la nature du PS, qui se reven­dique parti de gauche à longueur de discours, en le quali­fiant sans ambages de parti de la gauche capi­ta­liste. Cela permet­trait de le discré­di­ter défi­ni­ti­ve­ment pour nous sortir de la crise sans remettre en cause le capi­ta­lisme qui non seule­ment est le respon­sable de la crise globale que nous subis­sons mais qui l’en­tre­tient pour assu­rer désor­mais son déve­lop­pe­ment  et sa péren­nité. Cette clarté poli­tique aurait aussi l’avan­tage de reje­ter sans ambi­guïté toute alliance possible au premier tour des élec­tions, à quelque niveau que ce soit, entre le PS et le Front de gauche ou l’une de ses compo­santes anti­ca­pi­ta­liste.
De même cette clarté  ne sera pas possible tant que des alliances isolées et à géomé­trie variable de compo­santes du Front de gauche avec le PS seront tolé­rées, comme ce fut le cas aux muni­ci­pales en 2014 à Poitiers ou comme c’est encore le fait de choix oppor­tu­nistes de membres du Front de gauche aux élec­tions dépar­te­men­tales.  Tout comme sont  illi­sibles certaines posi­tions du Front de gauche quand règne la caco­pho­nie entre ses compo­santes sur certains dossiers, comme ce fut le jusqu’à l’an passé avec la posi­tion inte­nable du Parti commu­niste qui votait avec CLAEYS à Poitiers pour parti­ci­per finan­ciè­re­ment aux études de la LGV Poitiers-Limoges et qui par ailleurs lais­sait entendre avec le Front de gauche qu’il était opposé au projet. La confu­sion reste d’ailleurs totale à Poitiers, à propos du deve­nir de l’an­cien théâtre.

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 Initier des pratiques nouvelles de démo­cra­tie citoyenne

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A l’op­posé des assem­blées citoyennes de 2013, peu suivies et main­te­nues prison­nières de rapports de forces entre les compo­santes du Front de gauche en désac­cord sur la stra­té­gie à adop­ter pour les muni­ci­pales, « les « chan­tiers de l’es­poir » doivent être l’oc­ca­sion d’ini­tier de nouvelles pratiques poli­tiques qui asso­cient concrè­te­ment les citoyens à l’éla­bo­ra­tion et à la mise en œuvre de propo­si­tions poli­tiques alter­na­tives, à partir de l’ex­pres­sion réelle de leurs besoins et de leurs propo­si­tions dans les domaines sociaux, écolo­giques, écono­miques et socié­taux qu’ils connaissent bien et dont ils sont déjà porteurs dans les luttes syndi­cales et asso­cia­tives qu’ils animent.
Cela implique que ces « chan­tiers de l’es­poir » abordent aussi le projet d’une Répu­blique nouvelle et pas seule­ment parce qu’elle serait la sixième de notre histoire mais parce qu’elle permet­trait elle aussi une rupture avec des insti­tu­tions et une pratique insti­tu­tion­nelle qui prive les élec­teurs de leur vote et les citoyens de parti­ci­per à l’éla­bo­ra­tion des projets qui les concernent dans leur vie quoti­dienne. Une telle réflexion est d’au­tant plus néces­saire que le projet proposé par le Mouve­ment pour la sixième répu­blique a besoin d’être mieux travaillé pour permettre l’exer­cice actif d’une démo­cra­tie citoyenne.
« Les chan­tiers de l’es­poir » ambi­tionnent de « mettre en mouve­ment les citoyens » dans les quar­tiers comme dans les entre­prises pour, dans les luttes, « bâtir une majo­rité d’idées nouvelles dans le pays » et la faire triom­pher le plus vite possible dans les urnes. Cette majo­rité ne pourra se construire qu’a­vec la masse des élec­teurs qui à ce jour ne trouvent pas le moyen d’ex­pri­mer leur refus de la poli­tique libé­rale autre­ment que dans l’abs­ten­tion.

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Chris­tian LANNEAU

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Une réflexion sur « Créer en France, les condi­tions d’une poli­tique de rupture ! »

  1. Créer une force anticapitaliste, unitaire et indépendante du PS et de combat est l’objectif d’Ensemble. Comme tu le démontres, ce n’est pas l’objectif du PCF dans son ensemble. Par ailleurs, la direction du PG peu intéressée par les méthodes de la démocratie est responsable d’une cacophonie du Front de gauche, et Mélenchon avec ses coups de gueule lasse. Dans la Vienne, et dans un nombre important de départements,  nous avons la chance d’avoir plus d’accord unitaires.

    Ensemble est enfin en position de s’affirmer comme force anticapitaliste unitaire de façon autonome et résolue. Ce que nous avons trop peu fait auparavant.

    Les chantiers de l’espoir sont en effet une perspective qui permet d’aller au-delà des échecs du Front de gauche, de s’adresser à toutes celles et ceux qui sont enthousiasmés par l’expérience courageuse de Syriza par exemple. Pour faire vivre une démocratie, car la « démocratie » que nous vivons s’atrophie chaque jour, comme tu en donnes un exemple concret qui nous touche.

    Oui, affirmons que nous agissons ainsi politiquement contre la force pro-capitaliste et néolibérale qu’est le PS, depuis sa direction nationale jusqu’à la plupart de ses directions régionales et départementales. Ayons un message clair pour être entendus.

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