AREVA de plus en plus mal

Areva est une multi­na­tio­nale française du secteur de l’éner­gie, œuvrant prin­ci­pa­le­ment dans les métiers du nucléaire. Ses acti­vi­tés sont prin­ci­pa­le­ment l’ extrac­tion de l’ura­nium, fabri­ca­tion de combus­tible nucléaire, construc­tion de réac­teurs, trai­te­ment des combus­tibles usés, exploi­ta­tion nucléaire, propul­sion nucléaire navale, trans­port de combus­tibles. L’en­tre­prise s’est aussi récem­ment ouverte aux éner­gies renou­ve­lables : l’éo­lien, les bioéner­gies, le solaire ainsi que l’hy­dro­gène et le stockage d’éner­gie.

L’ac­tion­na­riat d’AREVA est parti­cu­liè­re­ment stable. L’Etat français contrôle direc­te­ment ou indi­rec­te­ment 86,52 % du capi­tal d’AREVA. Le premier action­naire est un établis­se­ment public, le Commis­sa­riat à l’Ener­gie Atomique et aux éner­gies alter­na­tives (CEA). La Banque Publique d’In­ves­tis­se­ment (BPI-Groupe) consti­tue égale­ment un action­naire public de la société.

En 2004, le groupe contrôle envi­ron 250 filiales. En 2013, Areva et ses nombreuses filiales emploient 45 340 personnes dont envi­ron 75% en Europe, 13% en Afrique et 12% en Amérique. L’en­tre­prise est présente au niveau indus­triel dans 43 pays et possède un réseau commer­cial dans 100 pays. Philippe Knoche dirige le groupe de manière tran­si­toire depuis le départ pour raison de santé du président du direc­toire Luc Ourcel.

La situa­tion actuelle

AREVA aussi est malade. Toute la presse écono­mique est à son chevet. Stan­dard and Poor’s, le croque-mort de la haute finance, prend déjà les mesures que la circons­tance impose, hélas…Les actions AREVA ont perdu 49 % depuis le début de l’an­née, 19 % du 16 au 24 novembre 2014. Le moral est en berne.

Des pertes abys­sales qui ne cessent de s’ac­cu­mu­ler (cf Média­part) : « Au premier semestre, Areva a annoncé une perte de 694 millions d’eu­ros. Selon certaines infor­ma­tions, la perte pour­rait à nouveau dépas­ser le milliard d’eu­ros à la fin de l’an­née. »… à compa­rer avec son chiffres d’af­faires 2013 qui est de 9 milliards. À l’ex­cep­tion de son acti­vité minière, toutes les autres branches sont en perte. Le groupe ne dispose d’au­cune marge de manoeuvre finan­cière. Son endet­te­ment atteint 4,7 milliards d’eu­ros pour 4 milliards de fonds propres. Pour­tant, le groupe a déjà cédé quelque 10 milliards d’eu­ros d’ac­tifs en trois ans, notam­ment sa filiale T&D et ses parti­ci­pa­tions dans Eramet et dans ST Microe­lec­tro­nics.

Les causes de cette situa­tion cala­mi­teuse

1) Dans le monde entier, le nucléaire civil s’ est déve­loppé dans les années 70–80. A partir de 1979 aux Etats Unis (acci­dent de Three Miles Island) et de 1986 dans le monde (Tcher­no­byl), le déve­lop­pe­ment du parc nucléaire a marqué un pallier : le nombre de réac­teur a cessé de croître. Mais depuis Fuku­shima, la décrue est amor­cée : arrêt de réac­teurs japo­nais, annonce de sortie du nucléaire, en Alle­magne, en Suisse, puis du Québec. L’Au­triche, la Suède, l’Ita­lie, la Belgique, l’Es­pagne avaient déjà amorcé leur sortie du nucléaire avant. Le nucléaire n’est plus un « créneau porteur » : trop cher et trop risqué. AREVA n’a pas livré de réac­teur depuis 7 ans.

2) L’ aven­ture de l’ EPR tourne au fiasco finan­cier. En Finlande le chan­tier OL3 (Olki­luoto) avait été conclus pour 3 Md € avec une livrai­son en 2009. On sait qu’il va reve­nir à 10 Md € et qu’il ne sera pas terminé avant 2018, dans le meilleur des cas. Non seule­ment les finlan­dais ne paie­ront pas le surcoût, mais ils demandent des péna­li­tés de retard qui attein­dront presque le prix de vente initial.

Pour AREVA, les provi­sions se trans­for­me­ront en pure pertes. Or un EPR coûte l’équi­valent de son chiffre d’af­faire annuel ! La survie d’ AREVA ne tient qu’à son statut de société natio­na­li­sée

3) L’ arrêt des réac­teurs japo­nais induit un sérieux manque à gagner dans la vente de combus­tible nucléaire et accen­tue le défi­cit présent.

Les remèdes envi­sa­gés

AREVA, société natio­na­li­sée donc pas libre et complè­te­ment faus­sée, est insub­mer­sible. L’ Etat français veille et impose la volonté de notre nucléo­cra­tie:.

  • Il procède au rempla­ce­ment des cadres et envi­sage une restruc­tu­ra­tion.
  • Le CEA pour­rait être retiré de l’ action­na­riat.
  • Pour renouer avec la crois­sance, il envi­sage d’injec­ter 2 milliards d’eu­ros dans l’en­tre­prise, grâce à la vente d’ac­tifs issus d’autres socié­tés de la filière nucléaire.
  • Une autre mesure consis­te­rait à mettre en place une société de défai­sance qui accueille­rait les acti­vi­tés défi­ci­taires d’Areva, de manière à redon­ner de la lati­tude aux acti­vi­tés récur­rentes qui conti­nuent à engen­drer des profits. Ainsi les actions seraient sauvées, tandis que le trou d’ OL3 serait comblé par … ? (devi­nez!)
  • l’aban­don pur et simple de la construc­tion de nouvelles centrales EPR est envi­sagé.

Le constat des diffi­cul­tés actuelles d’AREVA est clair. Les causes , comme toujours en matière de nucléaire, ne sont pas mises en évidence car il est très diffi­cile de recon­naître ses erreurs. L’ EPR en est une énorme : c’est la tour de Babel du 21e siècle.

La société de défai­sance du Crédit Lyon­nais avait bien rempli son office.Bernard Tapie en est très satis­fait. Les contri­buables un peu moins, mais quelle impor­tance ? L’ opéra­tion pour­rait être renou­ve­lée sans incon­vé­nients.

La France devrait elle aussi entre­prendre la sortie du nucléaire, comme ses voisins euro­péens et comme les améri­cains l’ ont déjà fait. Aux USA, il y long­temps que les élec­tri­ciens ont compris que le nucléaire n’est plus rentable, eu égard aux normes actuelles de sûreté impo­sées par le retour d’ex­pé­rience de Fuku­shima et de Tcher­no­byl, et aussi aux coûts des acci­dents majeurs.

Si AREVA était une entre­prise privée, elle aurait déjà déposé le bilan et les EPR en cours de construc­tion ne seraient jamais termi­nés.

Jacques Terra­cher

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