Aux derniers hési­tants, aux cama­rades de la gauche radi­cale

Un article de notre cama­rade Samy Joshua, diri­geant histo­rique de la gauche révo­lu­tion­naire, mili­tant d’En­semble!, élu Front de gauche dans le secteur de Marseille dirigé par le FN Ravier. Article paru sur son blog de Media­part.
les parties souli­gnées en gras sont de mon fait.
PB, 6–4–2017
« Face aux dangers qui menacent et pour prépa­rer l’ave­nir, la tâche de l’heure est de mani­fes­ter au plus haut niveau possible l’exis­tence d’un camp du renou­veau démo­cra­tique, écolo­gique et social. Avec la campagne et le vote pour Jean-Luc Mélen­chon.

Au lende­main de la spec­ta­cu­laire victoire de Hamon à la Primaire, alors que les sondages le propul­saient à son plus haut, je m’étais adressé dans ces colonnes « Aux Hési­tants »[1], défen­dant le vote Mélen­chon alors appa­rem­ment en moins bonne posture. Ce ne sont donc pas les sondages qui lui sont deve­nus bien plus favo­rables qui importent dans mon argu­men­ta­tion.

La victoire salu­taire de Hamon signait la défaite des orien­ta­tions social-libé­rales dans ce qui se réclame encore de la gauche. Mais elle manque de cohé­rence. Sur le contenu, puisque même sans mettre en discus­sion des points de son programme aussi impor­tants que le revenu univer­sel ou la défense de l’OTAN, le refus d’en­ga­ger réel­le­ment la confron­ta­tion avec les trai­tés euro­péens suffit à prédire que le chemin à venir est connu : au mieux celui des illu­sions, au pire celui des renie­ments. Puis quant à l’at­ta­che­ment incom­pré­hen­sible à un parti qui lui est pour­tant hostile. Il compte 70% de candi­da­tures, vall­sistes et hollan­distes, et Valls lui-même dont on doute qu’il reçoive la monnaie de son renie­ment. Ce qui donne à la reven­di­ca­tion d’être « central » à gauche une colo­ra­tion parti­cu­lière. Il s’agi­rait donc en réalité d’être « au centre » d’une chaîne, fantas­ma­tique et toxique, qui irait de Valls jusqu’au candi­dat de la France Insou­mise ! En consé­quence, les purs calculs sonda­giers n’ont pas de consis­tance, qui ajoutent sur le papier celles et ceux qui ont acté la rupture avec l majo­rité du PS réel­le­ment exis­tant et la partie qui lui reste encore atta­chée, fusse par des fils tenus. Il n’y a pas de raccour­cis arith­mé­tiques possibles sur la voie de la reconquête d’une majo­rité popu­laire, avec l’in­dis­pen­sable travail de recons­truc­tion d’une gauche de combat.

Jean-Luc Mélen­chon a raison de s’adres­ser en prio­rité à la masse des indé­cis, laquelle, c’est abso­lu­ment vrai, fera l’élec­tion. Je voudrais ici plus modes­te­ment m’adres­ser à une caté­go­rie plus limi­tée, celle située à gauche, et bien à gauche. En soute­nant Poutou et son dyna­misme révo­lu­tion­naire ancré dans sa vie même d’ou­vrier mili­tant, mes cama­rades de la gauche révo­lu­tion­naire font un choix parfai­te­ment consé­quent. Et entiè­re­ment légi­time. Personne ne leur fera le coup grotesque du « vote utile ». Et après avoir fran­chi la scan­da­leuse barrière des parrai­nages, ils ont démo­cra­tique­ment le droit de défendre leur programme. Dont la bous­sole est l’an­ti­ca­pi­ta­lisme, l’in­ter­na­tio­na­lisme et la volonté de déve­lop­per les mobi­li­sa­tions de masse. Mais la propa­gande à ce sujet est-elle la tâche prin­ci­pale de l’heure, à ces élec­tions ci ? Alors qu’entrent en crise les deux prin­ci­paux partis de la 5ème Répu­blique, que les luttes popu­laires n’en peuvent plus de ne pas parve­nir à débou­cher, que le FN menace à une telle hauteur, l’objet de l’élec­tion n’est-il pas de mani­fes­ter au plus haut niveau possible l’exis­tence d’un camp de la résis­tance, celui de la recherche d’un renou­veau démo­cra­tique, écolo­gique et social ? Face à la possi­bi­lité d’un FN au second tour aux alen­tours de 40% (et peut-être au dessus) l’his­toire nous montre que l’ap­pel aux luttes, condi­tion toujours néces­saire, n’est jamais suffi­sant. Il faut dres­ser un bloc propre­ment poli­tique d’am­pleur suffi­sante. Et un espoir lié à ce bloc, fait non de ressen­ti­ment, mais capable d’ou­vrir une pers­pec­tive vers un monde nouveau. Un programme, fut-il taillé au cordeau, n’y suffira jamais. Pour y parve­nir personne n’est de trop, et en parti­cu­lier pas les votants pour Hamon à la Primaire, ou Hamon lui-même s’il tire les consé­quences de l’évo­lu­tion de son parti. Car contrai­re­ment aux années 30 convoquées si souvent à la légère, personne ne consi­dère que la social-démo­cra­tie soit « l’en­nemi prin­ci­pal ». Mais ce bloc à venir (qui ne limite donc pas aux fron­tières de la France Insou­mise) doit être à la fois suffi­sam­ment large pour donner confiance, et suffi­sam­ment en rupture avec l’ordre ancien de la 5ème Répu­blique et de ses partis domi­nants pour répondre au rejet massif que les poli­tiques néo-libé­rales auto­ri­taires ont provoqué.

Dans cet objec­tif qui vaut ailleurs en Europe comment se fait-il que dans certains secteurs de la gauche mili­tante l’on sache mesu­rer à sa juste valeur l’ap­port d’un mouve­ment comme Pode­mos et qu’on ne sache pas propor­tion­ner d’éven­tuelles critiques à la campagne de Mélen­chon ? Le programme de Pode­mos est en retrait évident sur celui de la France Insou­mise sur les ques­tions écolo­gique et fémi­nistes. Lors de la dernière campagne légis­la­tive, son diri­geant Pablo Igle­sias le reven­diquait comme étant pure­ment social-démo­crate. Son posi­tion­ne­ment inter­na­tio­nal ne compre­nait pas la sortie de l’Otan, même si, après la victoire de Trump, Igle­sias appelle à « son dépas­se­ment », mais… au nom d’une « défense euro­péenne » dont les inter­na­tio­na­listes mesurent le carac­tère inévi­ta­ble­ment guer­rier et impé­rial. Enfin la réfé­rence au « popu­lisme de gauche » des fonda­teurs de Pode­mos est haute­ment reven­diquée, ainsi que leur rejet consti­tu­tif de la divi­sion « gauche/droite » jugée dépas­sée. Comme est reven­diqué aussi le verti­ca­lisme absolu du fonc­tion­ne­ment retenu lors de son premier Congrès, et salu­tai­re­ment contesté au second. Cela dit, les combats dans l’Etat Espa­gnol sont-ils faci­li­tés ou pas avec Pode­mos ? Quelqu’un à gauche a un doute sur la réponse ? Certes compa­rai­son n’est pas raison. Mais les nôtres de combats seront-ils faci­li­tés ou pas avec un vote Mélen­chon à un haut niveau ? Tout se passe parfois comme si pour ces secteurs l’éloi­gne­ment au-delà des Pyré­nées  permet­tait de mesu­rer plus serei­ne­ment la portée géné­rale d’une rupture nouvelle tout en ne perdant aucune capa­cité critique. Comme si elle prému­nis­sait alors de la désin­vol­ture avec laquelle on peut combattre le vote Mélen­chon seule­ment au nom de critiques éparses, aussi esti­mables soient-elles[2]. Sans s’in­ter­ro­ger quand on chez soi sur la seule ques­tion qui vaille : pour penser l’ave­nir d’une gauche de combat, il faut accep­ter l’idée que la fin de l’hé­gé­mo­nie du PS soit une néces­sité abso­lue. Comme sans doute le dépas­se­ment des partis de gauche tels que l’his­toire nous les a légués (ce qui ne veut dire ni leur dispa­ri­tion, ni la fin des indis­pen­sables réfé­rences théo­riques éven­tuel­le­ment distinctes dont la produc­ti­vité doit être réaf­fir­mée). Contrai­re­ment à ce que n’a pas su faire le Front de Gauche, entravé par les conser­va­tismes d’ap­pa­reil, donner réel­le­ment le pouvoir à la base d’un futur nouveau mouve­ment. Tout en inven­tant son fonc­tion­ne­ment réel­le­ment démo­cra­tique, appelé de toutes parts comme l’a montré l’ex­pé­rience de Nuit Debout, et sans lequel l’échec est garanti. Ce n’est pas pour rien que la ques­tion de la démo­cra­tie interne (entre autres) a mis Pode­mos au bord de la scis­sion lors de son deuxième Congrès. Trou­ver aussi des moyens origi­naux de rela­tion avec les mouve­ments sociaux qui ne soient pas de subor­di­na­tion.

Nous n’y sommes pas arri­vés jusqu’à présent sans doute aussi parce que nous ne prenons pas la mesure des divi­sions profondes qui frappent cette gauche sur nombre de points[3]. Il est telle­ment facile de faire de chacune d’elle un obstacle insur­mon­table. Il faudra pour­tant la rassem­bler malgré tout, en s’ap­puyant donc déjà sur ce qui peut faire un large accord. Et sans fermer aucun des débats qui s’im­posent sur chacun de ces points de diver­gence éven­tuelle. Sauf que la déme­sure de certaines mises en cause (comme celle, tota­le­ment inac­cep­table, assi­mi­lant Mélen­chon et Le Pen), appe­lant en réponse des ferme­tures à tout débat chez certains parti­sans de la France Insou­mise n’est pas le bon chemin à prendre. Il faut retrou­ver le sens du débat serein.

Et alors le redire avec force : rien ne sera possible si ne mani­feste pas, à cette élec­tion, la force la plus impor­tante possible (et désor­mais, tout le monde le voit, elle peut l’être, impor­tante !) qui puisse soute­nir une triple pers­pec­tive de rupture, de renou­vel­le­ment et de large rassem­ble­ment. Donc avec la campagne et le vote pour Jean-Luc Mélen­chon. Il semble que beau­coup d’hé­si­tants de ces dernières semaines l’aient compris. Convaincre les derniers de le faire aussi c’est la tâche des derniers jours.

https://blogs.media­part.fr/samy-johsua/blog/050417/aux-derniers-hesi­tants


[1] https://blogs.media­part.fr/samy-johsua/blog/060217/aux-hesi­tants

[2] https://blogs.media­part.fr/domi­nique-vidal/blog/200317/pourquoi-je-ne-vote­rai-pas-melen­chon

[3] On lira sur ce point avec grand inté­rêt https://www.media­part.fr/jour­nal/culture-idees/110317/comment-sortir-la-gauche-de-limpasse?onglet=full

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