Benalla, de Paris à Paris en passant par Poitiers.

Le Premier Mai 2018, à Paris, c’est dans les suites de la mani­fes­ta­tion répri­mée jusque dans les rues de la capi­tale en des chasses aux mani­fes­tants,qu’ Alexandre Benalla frap­pait un jeune homme inter­pellé préa­la­ble­ment par le vaca­taire de l’Ély­sée Vincent Crase, non sans avoir au préa­lable violenté sa compagne. Ainsi Benalla frappe un homme désarmé à terre que les CRS cogne­ront à leur tour. C’est un très proche de Macron qui avait obtenu la permis­sion d’al­ler casqué et armé accom­pa­gner les CRS ce jour de grande mani­fes­ta­tion.

Il a pu agir comme s’il avait pris le comman­de­ment des forces de police présentes sur la place. Son équipe de voyous aura été proté­gée ensuite pendant plus de deux mois et demi par tout l’ap­pa­reil d’État, depuis son sommet, la prési­dence, jusqu’au Minis­tère de l’In­té­rieur et la préfec­ture de police.

Les deux brutes affir­me­ront qu’ils étaient en devoir de porter assis­tance aux CRS en s’en prenant à des mani­fes­tants, en les frap­pant et en les inter­pel­lant . Les CRS sont des êtres si doux et si faciles à circon­ve­nir à un contre dix : ce sera le cœur de leur défen­se…

En fait, confirme le site Paris Luttes, « la violence de Benalla était telle­ment proche de celle exer­cée par les flics que personne n’a imaginé qu’il pouvait avoir une autre fonc­tion ». « Il n’est pas repro­ché au merce­naire de M. Macron d’avoir frappé, mais qu’il l’ait fait sans être vrai­ment poli­cier… On mesure par là à quel point la bana­li­sa­tion de la violence poli­cière a gangrené l’es­prit public. » (2)

Puis, par le mutisme de Macron et de Casta­ner pendant plusieurs jours, l’Exé­cu­tif marque son mépris de la presse. Ensuite LREM accepte une commis­sion d’enquête parle­men­taire,…et sabote le travail entamé. Le Ministre de l’In­té­rieur et autres inter­ro­gés y mentent effron­té­ment.

Bref, pour reprendre la formule de la dépu­tée de France insou­mise, Mathilde Panot, « le benal­lisme est une façon de gouver­ner ».

A cette période Macron réunit à la Maison de l’Amé­rique latine ses ministres, dépu­tés et autres cour­ti­sans en une masca­rade hallu­ci­nante. Il y affirme sa grande affec­tion pour Benalla sous les applau­dis­se­ments. C’est la priva­ti­sa­tion des services de sécu­rité de l’État qu’il justi­fie. Et son exigence d’agir selon son bon vouloir, sans être impor­tuné ni par la presse ni par le Parle­ment.

Un sorte de démo­cra­tie « illi­bé­rale » est affir­mée alors: contre-pouvoirs igno­rés, ministres trans­pa­rents, oppo­sants humi­liés .

Emma­nuel Macron affirma dans son livre-programme paru pendant la campagne prési­den­tielle, inti­tulé par anti­phrase Révo­lu­tion, que « certaines fautes vous disqua­li­fient radi­ca­le­ment ». Si l’ar­ro­gance hors norme de l’in­di­vidu ne le rendait sourd et fina­le­ment stupide, il saurait qu’il est rejoint par sa défi­ni­tion.

 

Des violences poli­cières en phase avec les violences de la police paral­lèle.

Notons que la violence de la brute de l’Ély­sée s’ins­crit dans une longue suite de violences d’État. Les mobi­li­sa­tions sociales, parti­cu­liè­re­ment depuis la procla­ma­tion de l’État d’ur­gence par F. Hollande puis sa consti­tu­tion­na­li­sa­tion par E.Macron (1), furent attaquées sous comman­de­ment de la hiérar­chie poli­cière et déci­sion de l’Exé­cu­tif par des hordes de CRS et gendarmes mobiles. Systé­ma­tique­ment ; d’abord les « cortèges de tête », mais pas seule­ment. Au moment d’éva­cuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en avril, dix mille grenades lacry­mo­gènes avaient té tirées en dix jours.

Et cette répres­sion est subie quoti­dien­ne­ment par la jeunesse et surtout celle des des quar­tiers popu­laires. De façon géné­rale, une répres­sion violente des mouve­ments sociaux, leur crimi­na­li­sa­tion, une crimi­na­li­sa­tion d’une jeunesse rebelle ou simple­ment d’al­lure non gauloise est à l’œuvre depuis des années dans ce pays. Ce ne sont pas des déra­pages indi­vi­duels de poli­ciers ou de gendarmes ou de police paral­lèle. C’est une poli­tique liber­ti­cide .

 

Néoli­bé­ra­lisme et poli­tique liber­ti­cide.

Hervé Kempf, dans Repor­terre du 25 juillet précise ce point crucial. « M. Macron a mis en œuvre à marche forcée un néo-libé­ra­lisme total, impo­sant une fisca­lité encore plus favo­rable aux riches, l’adap­ta­tion du droit du travail au profit des employeurs, la bana­li­sa­tion de l’état d’ur­gence, le déman­tè­le­ment du chemin de fer, une poli­tique anti-envi­ron­ne­men­tale, avant de se prépa­rer à des priva­ti­sa­tions multiples, à la déstruc­tu­ra­tion de la fonc­tion publique, et à la disso­lu­tion de la retraite par répar­ti­tion »

Il s’at­taque en effet de façon systé­ma­tique aux étudiants et aux chemi­nots, à tous les services publics, hospi­ta­liers en premier lieu; aux retrai­tés, handi­ca­pés, chômeurs, et aussi à liberté de la presse.

Cette répres­sion de plus en plus violente et souvent meur­trière dans les quar­tiers popu­laires et contre les mouve­ments sociaux et écolo­gistes a des noms rappe­lés par Hervé Kempf : Rémi Fraisse , Jérôme Laronze tués, les muti­la­tions de Robin Pagès à Bure le 15 août 2017 ou de Maxime Peugeot à Notre-Dame-des-Landes, le 22 mai 2018. « Les homi­cides d’Adama Traoré, de Wissam El-Yamni, d’Abou­ba­kar Fofana et de dizaines d’autres n’échappent au silence que par l’obs­ti­na­tion coura­geuse de leurs proches à faire entendre le cri de la justice ».

Chris­tian Salmon, dans Media­part du 11 août, revient sur les leçons à tirer de cet épisode (que l’on igno­rait alors être loin de sa fin)

« Il y a dans le macro­nisme, un mépris affi­ché contre les plus pauvres, les chômeurs, les illet­trés, « ceux qui ne sont rien ». »

« L’arbre Benalla ne cache pas la forêt des violences poli­cières comme on a pu l’en­tendre, c’est tout le contraire. Benalla est l’exemple venu d’en haut pour montrer que la violence étatique se légi­time d’elle-même, s’au­to­rise du seul président. La violence gratuite du conseiller élyséen a valeur d’exemple. (…)Les violences contre les migrants, les zadistes, les lycéens d’Arago prennent sens et trouvent leur cohé­rence dans une entre­prise concer­tée d’in­ti­mi­da­tion – comme si l’État avait déclaré la guerre à toute la société. C’est en cela que l’af­faire Benalla peut être quali­fiée d’af­faire d’État : parce qu’elle rend percep­tible une certaine vérité de l’État et que cette vérité est « violence ».

 

Au sénat, on y danse.

Benalla fut fina­le­ment entendu, le 19 septembre, par la commis­sion d’enquête du Palais du Luxem­bourg, qui cherche à établir quelles étaient réel­le­ment ses fonc­tions à l’Ely­sée.

Emma­nuel Macron lui-même et plusieurs de ses fidèles tentèrent de s’op­po­ser à cette initia­tive de la commis­sion d’enquête séna­to­riale. Emma­nuel Macron a appelé, mardi 11 septembre, le président du Sénat pour faire pres­sion sur lui…au nom de la sépa­ra­tion des pouvoirs. Chris­tophe Casta­ner, délé­gué géné­ral de LREM préci­sera : « Si certains pensent qu’ils peuvent s’ar­ro­ger un pouvoir de desti­tu­tion du président de la Répu­blique, ils sont eux-mêmes des menaces pour la Répu­blique ».

La ministre de la Justice Nicole Bellou­bet écrit ensuite dans Le Monde que le prin­cipe de sépa­ra­tion des pouvoirs inter­dit au Parle­ment d’enquê­ter sur « tout ce qui touche à la fonc­tion prési­den­tielle . « C’est la raison pour laquelle Alexandre Benalla n’a pas encore répondu à la commis­sion d’enquête du Sénat »,

La ministre de la Justice vint donc aider le gorille de Macron. Curieux.

Benalla répon­dra fina­le­ment aux séna­teurs, et les séna­teurs ne mirent point en danger la Répu­blique .

Un peu avant, le 25 juillet 2018, Benalla avait parlé, enfin, aux jour­na­listes du Monde. « Ces derniers lui demandent s’il était armé avant l’élec­tion prési­den­tielle, l’enquête ayant fait appa­raître qu’il n’avait obtenu un port d’armes que le 13 octobre 2017 »(4). « Alexandre Benalla répond par la néga­tive au Monde. Il a fait une demande d’au­to­ri­sa­tion de port d’armes fin 2016, sans succès. »

« Le jeune colla­bo­ra­teur du président recon­naît égale­ment avoir fait la demande « d’ac­qué­rir et de déte­nir des armes dans le QG » d’En Marche! Pendant la campagne. Demande exau­cée par la préfec­ture de police qui lui donne « l’au­to­ri­sa­tion de déte­nir des armes, des Glock 17 de mémoire, mais dans le QG unique­ment ».

« N’êtes-vous jamais sorti avec ? », relancent alors les jour­na­listes. La réponse de Benalla fuse : « Non, jamais. On n’est pas mabouls, il y a un risque pour la répu­ta­tion du candi­dat… »

Le feuille­ton de Benalla, tant aimé de la macro­nie n’al­lait pas s’ar­rê­ter déjà.

Rebon­dis­se­ment le 24 septembre. Media­part :

Alexandre Benalla et deux autres membres du SO posent pour une serveuse à Poitiers. © Docu­ment Media­part
Alexandre Benalla et deux autres membres du SO posent pour une serveuse à Poitiers. © Docu­­ment Media­­part

« La scène se passe le 28 avril 2017 », à Poitiers.

Après un meeting de Macron à Châtel­le­rault. Macron et son service d’ordre vont à l’hô­tel Mercure à Poitiers, et dînent dans le restau­rant atte­nant, Les Archives,

« À la fin du repas, vers minuit et demi, une jeune serveuse qui s’oc­cu­pait du service de la table du SO fait un selfie avec trois de ses membres. Parmi eux, Alexandre Benalla, le « direc­teur de la sûreté et de la sécu­rité » d’En Marche! » (4)

« Une fois la photo faite, Benalla glisse un mot à la jeune femme : une « surprise » l’at­tend sur le cliché, (…) sur la photo, Alexandre Benalla a en effet dégainé son arme. Il s’agit visi­ble­ment d’un Glock, soit la marque d’arme qu’A­lexandre Benalla était auto­ri­sée de déte­nir au sein du QG de campagne, mais abso­lu­ment pas en dehors. »

Benalla se prome­nait avec une arme, ce qui lui était inter­dit . Son sens de l’hu­mour, genre gang­ster ou maque­reau, l’amène à braquer son arme sur une serveuse et à se faire photo­gra­phier ainsi.

Benalla est une brute, un lâche qui cogne à terre un homme désarmé et en pour­suit d’autres avec les flics et cogne encore. C’est un menteur qui aime insul­ter les parle­men­taires. C’est donc aussi un homme qui aime faire peur aux femmes.

Bref, c’est un homme qui montre qu’il se veut un pouvoir illi­mité. Comme Macron. Comme les capi­ta­listes à l’ère du néoli­bé­ra­lisme.

Nous serions fiers si Poitiers deve­nait le lieu symbo­lique de la déca­dence grotesque du régime de Macron.

Le député LREM de Poitiers Sacha Houlié qui appar­tient au premier cercle du président ne saurait cepen­dant tarder à nous éclai­rer sur tout cela, n’en doutons pas. Sans détour et avec fran­chise.

Pascal Bois­sel

25–9–2018

 

Photo en une : Emma­­nuel Macron pose avec la serveuse du restau­­rant Les Archives à Poitiers le 29 avril 2017. © Docu­­ment Media­­part.

1. Emre Öngün, le 20 juillet 2018, http://reflexions-echanges-insou­mis.org/laffaire-benalla-est-en-realite-laffaire-macron-collomb/

2.Hervé Kempf, Repor­terre, 25 juillet, https://repor­terre.net/Derriere-l-affaire-Benalla-la-bana­li­sa­tion-de-la-violence-poli­ciere

3. Chris­tian Salmon, 11 août, https://www.media­part.fr/jour­nal/france/110818/benalla-ou-le-deuxieme-corps-du-roi-macron

4. Media­part, 24sep­tembre. https://www.media­part.fr/jour­nal/france/240918/en-pleine-presi­den­tielle-benalla-degaine-son-arme-pour-un-selfie

 

Une réflexion sur « Benalla, de Paris à Paris en passant par Poitiers. »

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