Brexit : « Quit­tons cette Europe dont les tares ont atteint des dimen­sions effrayantes »

[source : http://www.belaali.com/2016/06/brexit-quit­tons-cette-europe-dont-les-tares-ont-atteint-des-dimen­sions-effrayantes.html]

 

Quel plai­sir de voir les chiens de garde du capi­tal (médias, Banque centrale euro­péenne, FMI, Banque mondiale, Commis­sion euro­péenne etc. etc.) aboyer et se lamen­ter à longueur de jour et de nuit depuis ce fameux vendredi 24 juin 2016. Le peuple anglais vient de leur infli­ger une sacrée raclée. Ils sont furieux et incon­so­lables. Quel pitoyable spec­tacle donnent-ils lorsque leurs inté­rêts de classe sont mena­cés. Autour d’eux, tout n’est qu’a­gi­ta­tion et affo­le­ment. Le choix de ces vilains britan­niques « est un véri­table big bang contraire à l’avis de presque tous les experts, à la raison écono­mique et au souhait des autres Euro­péens. L’in­croyable s’est produit. Les Britan­niques veulent quit­ter l’Union euro­péenne (UE) » (1). La valeur de la livre ster­ling chute, le Royaume-Uni perd son triple A, les marchés finan­ciers sont déso­rien­tés, les bourses dégrin­golent, les actions des banques et des compa­gnies d’as­su­rance s’ef­fondrent. La panique s’est empa­rée de la City. Les traders ne dorment plus. « Le quar­tier d’af­faires londo­nien est groggy, choqué, anéanti, après les résul­tats du vote qui scellent la sortie du Royaume-Uni de l’Union euro­péenne » (2). La Banque d’An­gle­terre va injec­ter des milliards de livres pour conso­ler les marchés finan­ciers. La Banque centrale suisse va elle aussi inter­ve­nir sur les marchés de change pour stabi­li­ser le franc suisse. L’As­so­cia­tion bancaire inter­na­tio­nale demande aux respon­sables poli­tiques de clari­fier la situa­tion.

Les jour­na­listes, les experts, les poli­to­logues et les socio­logues déferlent sur les plateaux de télé­vi­sion expri­mant sans rete­nue leur haine et leur mépris pour la volonté du peuple anglais. Pour tout ce beau monde, l’ave­nir du Royaume-Unis est sombre. « Tout cela va avoir de sales consé­quences » (3), « les agri­cul­teurs britan­niques devront dire adieu à une enve­loppe de 4 milliards d’eu­ros d’aide » (4); bref en dehors de l’Union euro­péenne point de salut !

Les hommes poli­tiques regrettent une déci­sion doulou­reuse car « les Britan­niques par réfé­ren­dum ont décidé de quit­ter l’Union euro­péenne. C’est un choix doulou­reux et je le regrette profon­dé­ment » décla­rait François Hollande (5). Jean-Claude Junker président de la Commis­sion euro­péenne, Martin Schulz président du parle­ment euro­péen, Donald Tusk président du Conseil euro­péen, eux aussi, regrettent cette déci­sion doulou­reuse (6). Ils savent qu’il leur sera diffi­cile, pour l’ins­tant, de faire voter à nouveau les anglais comme ils l’ont fait dans le passé avec les autres peuples. Mais ils peuvent très bien bloquer le proces­sus de sortie.Tant que les méca­nismes de l’ar­ticle 50 du traité de Lisbonne ne sont pas enclen­chés, le Royaume-Uni reste membre de l’Union. Préci­sons que ce fameux article 50 est rédigé de manière telle que toute sortie volon­taire d’un État membre devient diffi­cile. Ainsi tout est fait pour que la volonté des peuples qui dési­rent quit­ter l’Union euro­péenne soit contour­née ou igno­rée. Toute l’his­toire de l’Union n’est que mépris et trahi­son des volon­tés des peuples. « Les Irlan­dais devront revo­ter » décla­rait avec force Nico­las Sarkozy le 15 juillet 2008 après le rejet par le peuple irlan­dais du Traité de Lisbonne qui repre­nait l’es­sen­tiel d’un autre traité rejeté lui aussi par les français et les néer­lan­dais en 2005. On consulte les peuples non pas pour qu’ils expriment leur propre volonté mais celle des gouver­ne­ments. La démo­cra­tie bour­geoise n’est qu’un concept creux sans contenu réel. Les gouver­ne­ments sont là pour servir les inté­rêts de la classe qu’ils repré­sentent. Les classes domi­nantes l’uti­lisent comme instru­ment idéo­lo­gique au service exclu­sif de leurs inté­rêts.

L’Union euro­péenne et toutes les insti­tu­tions qui gravitent autour d’elle sont un exemple éloquent de ce déni de démo­cra­tie. L’Union euro­péenne a systé­ma­tique­ment rejeté avec force et mépris la volonté des peuples expri­mée démo­cra­tique­ment à plusieurs reprises. Les peuples danois, français, néer­lan­dais et irlan­dais ont rejeté par réfé­ren­dum le traité de Maas­tricht, le projet de traité consti­tu­tion­nel et le traité de Lisbonne en 1992, en 2005 et en 2008. Mais cette volonté popu­laire a tout simple­ment été igno­rée. Sa réac­tion épider­mique et agres­sive contre les résul­tats du réfé­ren­dum du 5 juillet 2015, où le peuple grec a rejeté par une majo­rité écra­sante (61,31 %) les nouvelles mesures d’aus­té­rité, montre combien il lui est insup­por­table d’ac­cep­ter le moindre proces­sus permet­tant aux peuples de s’ex­pri­mer. Tous les réfé­ren­dums ont été perdus par l’Union euro­péenne. Dès qu’elle donne la parole aux peuples, la réponse est inva­ria­ble­ment la même : NON!
Bertolt Brecht disait dans un de ses poèmes :

« (…)Le peuple, par sa faute, a perdu

La confiance du gouver­ne­ment

E ce n’est qu’en travaillant double­ment

Qu’il pourra la rega­gner.

Ne serait-il pas plus simple

Pour le gouver­ne­ment

De dissoudre le peuple

Et d’en élire un autre ? » (7)

L’Union invoque le rôle des partis racistes et xéno­phobes dans le triomphe du « out » britan­nique. Belle manière pour occul­ter sa propre respon­sa­bi­lité dans cette débâcle. Elle oublie un peu vite que ces courants poli­tiques sont, non seule­ment au Royaume-Uni, mais dans toute l’Union euro­péenne ses propre créa­tures. Impuis­santes à surmon­ter les crises à répé­ti­tion du capi­ta­lisme, les bour­geoi­sies euro­péennes ont instru­men­ta­lisé ces forces du passé, qui veulent faire tour­ner la roue de l’his­toire en arrière, pour main­te­nir vaille que vaille l’ac­cu­mu­la­tion et la concen­tra­tion de la richesse entre les mêmes mains. Déma­go­gie, racisme, xéno­pho­bie, isla­mo­pho­bie et iden­tité natio­nale sont les ingré­dients essen­tiels utili­sés par les classes domi­nantes pour mieux détour­ner les classes popu­laires des vrais problèmes qui les rongent au quoti­dien : chômage de masse, préca­rité, destruc­tion des services publics, suppres­sion progres­sive des liber­tés privées et publiques etc. Ces thèses nauséa­bondes remplacent en quelque sorte le vide des programmes des gouver­ne­ments et des partis qui les soutiennent. Leur fuite en avant dans les poli­tiques ultra-libé­rales d’aus­té­rité ne fera qu’ag­gra­ver la situa­tion écono­mique et sociale d’une Europe déjà rava­gée par le chômage et la pauvreté. L’Union euro­péenne ressemble à ces magi­ciens qui ne maîtrisent plus les forces malé­fiques qu’ils ont eux mêmes créées !

L’Union euro­péenne et toutes ses insti­tu­tions ne sont pas réfor­mables. Les poli­tiques écono­miques, dont l’aus­té­rité n’est qu’une dimen­sion parmi d’autres, sont inti­me­ment liées à la nature de classe de l’Union. Les inté­rêts des oppres­seurs et ceux des oppri­més sont irré­mé­dia­ble­ment anta­go­nistes. C’est une illu­sion de croire que l’Eu­rope, telle qu’elle est construite, va se méta­mor­pho­ser par on ne sait quel miracle en une Europe démo­cra­tique, sociale, soli­daire, écolo­gique et tutti quanti. Cette idée de vouloir réfor­mer l’Eu­rope de l’in­té­rieur est non seule­ment erro­née mais dange­reuse. Rester dans l’Union et la zone euro pour les réfor­mer de l’in­té­rieur ne peut que prolon­ger encore la souf­france que connaissent aujourd’­hui des millions de travailleurs euro­péens et conso­li­der un peu plus la dicta­ture du capi­tal. Il faut donc rompre défi­ni­ti­ve­ment avec cette hideuse Europe qui a trans­formé les travailleurs en véri­tables esclaves travaillant sans relâche sous les ordres des créan­ciers, spécu­la­teurs, usuriers et autres para­sites du monde entier.

Il faut se saisir du « Brexit » comme d’une oppor­tu­nité pour mobi­li­ser les travailleurs et les progres­sistes de toute l’Eu­rope afin de commen­cer l’édi­fi­ca­tion d’une autre Europe, celle du progrès, de la pros­pé­rité et de la paix entre les peuples. Il faut briser cette construc­tion mépri­sante et arro­gante qui nous condamne à l’aus­té­rité perpé­tuelle. Il faut quit­ter cette Europe dont les tares ont atteint des dimen­sions effrayantes. Il est urgent de chan­ger de bord, de sortir au plus vite de cette longue nuit et marcher vers un jour nouveau, vers une Europe nouvelle.

Moha­med Belaali


(1)http://www.cour­rie­rin­ter­na­tio­nal.com/article/vu-dalle­magne-brexit-un-desastre-pour-angela-merkel

(2)http://temps­reel.nouve­lobs.com/brexit/20160624.OBS3292/un-suicide-econo­mique-apres-le-brexit-la-city-se-reveille-en-panique.html

(3)http://www.libe­ra­tion.fr/planete/2016/06/24/brexit-tout-cela-va-avoir-de-sales-consequences_1461959

(4)http://www.lefi­garo.fr/conjonc­ture/2016/06/25/20002–20160625ARTFIG00015-sept-consequences-econo­miques-a-rete­nir-sur-le-brexit.php

(5)http://www.elysee.fr/decla­ra­tions/article/decla­ra­tion-a-la-suite-du-refe­ren­dum-britan­nique/

(6)http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-16–2329_fr.htm

(7) Bertolt Brecht « La solu­tion ».

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