Clemen­tine Autain dans l’Hu­ma­nité: « L’ex­trême droite et Macron,ce n’est pas pareil »

La dépu­tée insou­mise Clémen­tine Autain rappelle les dangers d’une extrême droite au pouvoir. Elle juge par ailleurs que la propo­si­tion pour les légis­la­tives, faite par la FI au PCF, à EELV et au NPA, repose « sur des bases fermes mais ouvertes ». Forts des 21,95 % de Jean-Luc Mélen­chon, les insou­mis ont ouvert la porte à un rassem­ble­ment à gauche regrou­pant le PCF, EELV et le NPA, pour les légis­la­tives. Pour la dépu­tée FI Clémen­tine Autain, après avoir battu Marine Le Pen au second tour de la prési­den­tielle dimanche, l’enjeu sera d’in­fli­ger une défaite à Emma­nuel Macron au mois de juin.

Q1 : Que repré­sen­te­rait une victoire de l’ex­trême droite, dimanche ?

Un terrible voyage au bout de la nuit. Il ne faut pas oublier que l’ex­trême droite cible d’abord les mino­ri­tés, en parti­cu­lier les étran­gers, les musul­mans et les habi­tants des banlieues popu­laires. Les femmes, ciblées par une miso­gy­nie consti­tu­tive de leur iden­tité poli­tique, en seront les premières victimes. L’ex­trême droite fera de l’État de droit des cocottes en papier.

La liberté sera sous surveillance, et la poli­tique anti­so­ciale, que nous contes­tons chez Macron, se pour­sui­vra.

C’est un cock­tail dange­reux quand nous connais­sons les modèles de Marine Le Pen : Donald Trump, Jair Bolso­naro, Viktor Orban. Et si Le Pen et ses amis prennent le pouvoir, méfions-nous de leur capa­cité à ne pas le rendre…

Q2 : Comment écar­ter ce risque, dimanche 24 avril ?

Avec la France insou­mise et l’Union popu­laire, je me suis battue pour que Marine Le Pen ne soit pas présente à ce second tour. Main­te­nant que nous avons raté cet objec­tif de très peu, la morale habi­tuelle du « front répu­bli­cain » peut-elle nous sauver ?Je ne le crois pas. Depuis 2002, on explique qu’il faut éviter le pire. Or, le moins pire de 2017, Emma­nuel Macron, est d’une grande violence sociale et liber­ti­cide. Nous sommes donc devant un os, surtout auprès des jeunes géné­ra­tions qui ne sont pas irri­guées comme les précé­dentes par le combat anti­fas­ciste. D’ailleurs, à la diffé­rence de 2002, nous n’avons pas de mani­fes­ta­tions monstres et immé­diates. Un ressort s’est cassé parce que les gens sont en colère face à une forme de non-choix, après être passés si près du second tour avec la candi­da­ture de Jean-Luc Mélen­chon. C’est dire si la situa­tion est dange­reuse. Nous devons mener un travail de conscien­ti­sa­tion sur ce que recouvre concrè­te­ment l’ex­trême droite. Un simple mot d’ordre de type « votez Macron » me semble de nature à divi­ser la grande famille éman­ci­pa­trice, et nous n’ar­ri­ve­rons pas ainsi à être massi­ve­ment compris sur le sens même à donner à ce vote. En réalité, c’est Emma­nuel Macron qui porte la respon­sa­bi­lité de rassem­bler les élec­teurs. J’en­tends que tant de gens ne supportent pas l’idée de remettre un bulle­tin de vote Macron dans l’urne. J’en vois la diffi­culté et j’en suis inquiète. En propo­sant la retraite à 65 ans, entre autres, il ne favo­rise pas un vote contre Marine Le Pen. Avec la poli­tique menée durant ses cinq dernières années, il nous a mis en danger face à Marine Le Pen. Or Macron et l’ex­trême droite, cela n’est pas pareil. Quand nous disons « pas une voix pour l’ex­trême droite », c’est notre façon d’en­trer en jeu pour ne pas tirer un trait d’éga­lité entre les deux. Mais c’est aussi une invi­ta­tion à ce que chacun prenne ses respon­sa­bi­li­tés.

Q3 Si Marine Le Pen est battue, Emma­nuel Macron aura cinq années de plus à l’Ély­sée. Comment la résis­tance à ses poli­tiques ultra­li­bé­rales devra-t-elle s’or­ga­ni­ser ?

Nous devrons infli­ger une défaite à Macron aux légis­la­tives. Cela néces­site la construc­tion d’une majo­rité à l’As­sem­blée natio­nale. C’est ambi­tieux mais nous devons l’être. Le scru­tin du 10 avril nous le montre : avoir de l’am­bi­tion permet de nous porter haut. C’est la respon­sa­bi­lité que nous avons, avec l’Union popu­laire. Nous devons être à la hauteur des suffrages qui nous ont été accor­dés, en parti­cu­lier ceux issus de la jeunesse et des quar­tiers popu­laires. Ils sont venus aux urnes grâce à la campagne de Jean-Luc Mélen­chon, contri­buant à notre score. Cela nous oblige. Nous devons pour­suivre et ampli­fier cette dyna­mique, en agré­geant toujours plus.

Q4 Juste­ment, quels rassem­ble­ments souhai­tez-vous à gauche pour les légis­la­tives ?

Des cour­riers ont été envoyés à EELV et au NPA, et une première rencontre s’est tenue avec les commu­nistes. Êtes-vous opti­miste ?J’ai l’op­ti­misme de la volonté !Des millions de gens en ont concrè­te­ment besoin, car ils attendent la hausse de leurs salaires, des moyens pour les services publics, la fin des lois liber­ti­ci­des…Et il y a urgence à mener la tran­si­tion écolo­gique et à bâtir une nouvelle Répu­blique. Je sais les rancœurs à surmon­ter. Les mots très violents à l’égard de Jean-Luc Mélen­chon pendant la campagne, venus d’Anne Hidalgo et de Yannick Jadot, et dans une moindre mesure de Fabien Rous­sel, ont construit des murs alors que nous avions besoin de passe­relles. Je sais aussi que, sur le fond, des points program­ma­tiques et stra­té­giques restent à discu­ter. Je note enfin que les propo­si­tions de discus­sions faites pendant la campagne prési­den­tielle au PCF et à EELV sont restées lettre morte. La décla­ra­tion de l’in­ter­groupe parle­men­taire insou­mis de mardi tend clai­re­ment la main, sur des bases fermes mais ouvertes. Elle propose une méthode : se rassem­bler sur le fond pour déga­ger une pers­pec­tive majo­ri­taire cohé­rente. J’in­vite toutes les forces et person­na­li­tés de gauche et de l’éco­lo­gie poli­tique à se saisir de cette porte ouverte.

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