Des syndi­cats (CGT, Soli­daires, FSU, Confé­dé­ra­tion Paysanne) et des asso­cia­tions (Green­peace, Oxfam, ATTAC, Amis de la terre) signent un texte de dénon­cia­tion du néoli­bé­ra­lisme

Paru dans le Jour­nal du Dimanche:

Alors que s’ouvre la 50e édition du Forum écono­mique de Davos, la planète brûle. Et jamais le système écono­mique et finan­cier mondial, inéga­li­taire et clima­ti­cide, symbo­lisé par ce rassem­ble­ment des élites écono­miques et poli­tiques, n’a été autant remis en ques­tion.

Scien­ti­fiques et écono­mistes sont chaque jour plus nombreux à tirer la sonnette d’alarme. Marches et grèves des jeunes pour le climat, mouve­ment des Gilets jaunes, mani­fes­ta­tions pour défendre nos retraites en France : ces derniers mois, ici comme dans de nombreux pays dans le monde, les mouve­ments sociaux et envi­ron­ne­men­taux portent des exigences communes et tentent de construire des projets de société plus égali­taires, démo­cra­tiques et fondés sur la justice sociale et la préser­va­tion des ressources de notre planète.

En France, les crises sociale et écolo­gique puisent leurs racines dans des décen­nies de poli­tiques d’af­fai­blis­se­ment des acquis sociaux et des services publics, de soumis­sion à des doctrines écono­miques produc­ti­vistes inef­fi­caces et destruc­trices, de toute-puis­sance du secteur finan­cier et de cadeaux fiscaux aux multi­na­tio­nales les plus polluantes.

Comment peut-on accep­ter que le lobbying d’en­tre­prises comme Total permette de contour­ner la loi avec le soutien du gouver­ne­ment et de conser­ver une niche fiscale pour l’huile de palme alimen­tant la défo­res­ta­tion à l’autre bout du monde? Comment peut-on accep­ter que des entre­prises comme Amazon échappent à leurs obli­ga­tions fiscales, imposent des condi­tions de travail indignes à leurs sala­riés et détruisent davan­tage d’em­plois qu’elles n’en créent, là encore avec le plein soutien du gouver­ne­ment? Comment peut-on accep­ter que les très riches émettent 40 fois plus de carbone que les plus pauvres, et qu’en plus ces derniers paient, en propor­tion de leurs reve­nus, une taxe carbone quatre fois plus chère?

Malgré les forts mouve­ments de résis­tance, Emma­nuel Macron pour­suit la mise en place de réformes néoli­bé­rales, sources d’ac­crois­se­ment des inéga­li­tés et de destruc­tion des conquêtes sociales qui struc­turent notre pays, et ne prend aucune mesure ambi­tieuse pour faire face au chan­ge­ment clima­tique et la destruc­tion de la biodi­ver­sité. C’est pour­tant bien la pers­pec­tive d’un chan­ge­ment de société qui est en jeu. En tant qu’ac­teurs des mouve­ments sociaux, écolo­gistes et syndi­caux, nous ne pouvons nous rési­gner à vivre encore des années de reculs sociaux, alimen­tés par les poli­tiques des gouver­ne­ments succes­sifs, et d’inac­tion face à l’ur­gence écolo­gique. Face au senti­ment gran­dis­sant d’exas­pé­ra­tion et de crainte pour l’ave­nir, nous ne pouvons accep­ter que la seule alter­na­tive dans les prochaines années soit des poli­tiques plus auto­ri­taires, discri­mi­nantes et xéno­phobes.

Il n’y aura pas de réso­lu­tion à la crise d’aujourd’­hui avec les solu­tions d’hier ou le repli sur soi. Nous, acteurs de la société civile, syndi­cats, asso­cia­tions, ne déte­nons pas la recette miracle pour inver­ser cette tendance. Mais nous affir­mons ici une volonté de recons­truire des pers­pec­tives de trans­for­ma­tion radi­cale de la société, écolo­gique, soli­daire et démo­cra­tique, fondées sur l’ac­cès aux droits pour toutes et tous et le rejet de toute discri­mi­na­tion de genre, d’ori­gine, de classe et d’orien­ta­tion sexuelle. Nous appe­lons à une véri­table tran­si­tion éner­gé­tique, agri­cole et indus­trielle, c’est-à-dire une trans­for­ma­tion profonde des façons de produire et de consom­mer qu’im­posent les crises écolo­gique et clima­tique. Nous aspi­rons à un meilleur partage des richesses passant par une vraie justice fiscale, l’élar­gis­se­ment des droits sociaux, la fin de la toute-puis­sance des marchés finan­ciers et de l’in­fluence des multi­na­tio­nales sur le poli­tique. En somme, l’op­posé de ce qui attire à Davos une élite écono­mique et poli­tique qui cherche avant tout à préser­ver ses privi­lèges et ses inté­rêts au détri­ment de condi­tions dignes de vie pour l’im­mense majo­rité.

C’est dans cette pers­pec­tive que nous appe­lons dans les prochains mois à débattre et bâtir un projet éman­ci­pa­teur du 21ème siècle.

Ce projet ne saurait irri­guer la société s’il ne parle pas aussi aux personnes les plus concer­nées, les plus précaires, celles qui subissent le plus dure­ment la violence du système néoli­bé­ral actuel et de toutes ses retom­bées. Ce projet doit être relié à notre quoti­dien, à ce qui se vit au travail, dans les diffi­cul­tés d’ac­cès aux services publics comme la santé, l’édu­ca­tion, le loge­ment, les trans­ports… Il doit s’an­crer dans des expé­riences et des luttes collec­tives déjà menées ou en cours, être débattu dans tous les cercles, en premier lieu les entre­prises qui doivent évoluer pour faire face aux enjeux de demain. Il doit montrer concrè­te­ment comment, par des poli­tiques natio­nales et locales alter­na­tives, soute­nant d’autres régu­la­tions inter­na­tio­nales, d’autres formes d’en­tre­prises, d’autres formes de gestion des communs, nous pouvons cesser de subir l’injus­tice sociale et la catas­trophe écolo­gique. Parce qu’il n’y aura pas d’em­plois sur une planète morte, il doit montrer comment l’in­dus­trie, les services, l’agri­cul­ture doivent, elles aussi, se soucier de proté­ger les ressources offertes par la nature.

C’est à ce chan­tier immense que nous voulons nous attaquer dans les mois à venir, en même temps que nous voulons barrer la route, collec­ti­ve­ment, aux projets du gouver­ne­ment qui s’y opposent : de la casse du système de retraites et de l’as­su­rance chômage à la ferme­ture des lignes de fret ferro­viaire, des priva­ti­sa­tions en cascade aux signa­tures d’ac­cords de libre-échange clima­ti­ci­des…

Notre initia­tive n’est pas une fin mais bien le début d’un proces­sus ouvert à tous les acteurs qui comprennent que notre système est à bout de souffle. Il doit nous amener à réflé­chir ensemble et à produire, à partir de situa­tions réelles, ancrées dans le quoti­dien du plus grand nombre, des propo­si­tions concrètes pour répondre à la double urgence clima­tique et sociale. Et ainsi montrer à nos conci­toyens qu’une autre vision du monde que celle des élites de Davos existe.

Liste des signa­taires : 

Jean-François Julliard, direc­teur géné­ral de Green­peace France ; 

Philippe Marti­nez, secré­taire géné­ral de la CGT ; 

Auré­lie Trouvé, porte-parole d’At­tac France ; 

Cécile Duflot, direc­trice géné­rale d’Ox­fam France ; 

Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre ;

 Nico­las Girod, porte-parole de la Confé­dé­ra­tion paysanne ; 

Cécile Gondard-Lalanne, porte-parole de l’Union syndi­cale Soli­daires ; 

Benoit Teste, secré­taire géné­ral de la FSU.

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