Du Front de gauche au front commun anti-austé­rité

Séisme, trem­ble­ment de terre, tout a été dit au lende­main du résul­tat des élec­tions euro­péennes. Mais le résul­tat était prévi­sible, celui d’un FN en tête. Bien évidem­ment qu’il faut s’en alar­mer, j’y reviens plus loin, mais il ne faut pas oublier les raisons d’un tel résul­tat.

Les condi­tions dans lesquelles s’est menée cette campagne n’étaient pas bonnes. Deux semaines de campagne offi­cielle, des euro­péennes qui suivaient de près les muni­ci­pales, absence de débats et l’an­nonce des résul­tats avant le vote ! Mais là ne sont pas les seuls problèmes, même s’il ne faut pas en nier la portée.

Le problème est plus grave et plus profond. Nos conci­toyens ne s’in­té­ressent pas à l’Eu­rope ? En réalité c’est l’Eu­rope qui ne s’in­té­resse pas aux peuples ! Pire même, au fil des ans, cette Europe s’est construite sans eux et contre eux. Et depuis 2010 les poli­tiques austé­ri­taires n’ont eu de cesse d’écra­ser les peuples, de les asser­vir.

Comment s’éton­ner alors de ce soi-disant désin­té­rêt des peuples ? Les peuples ont constaté que la droite et les sociaux-démo­crates mènent les mêmes poli­tiques. En France, dans l’élec­to­rat de Hollande de 2012, la colère le partage au désar­roi voire à la déses­pé­rance, ce qui nour­rit, au fil des élec­tions, la confu­sion et aussi le vote FN. Un FN qui surfe avec bonheur sur ce déses­poir social, et sur une posture anti-système « UMPS ». Un FN qui parvient à emprun­ter à tous les réper­toires poli­tiques, gauche comprise, et à s’adres­ser à toutes les classes sociales. La percée des droites popu­listes, de l’ex­trême droite, est une donnée de ce scru­tin euro­péen. Mais il est marqué aussi par une percée de la gauche radi­cale en Belgique, aux Pays-Bas, en Irlande, en Grèce, au Portu­gal, en Espagne ; dans ces quatre derniers pays, là où des plans dras­tiques d’aus­té­rité ont été impo­sés, là aussi, pour les 3 derniers, où se sont déve­lop­pées les résis­tances sociales. Une course de vitesse est enga­gée, pour empê­cher que la droite popu­liste et raciste n’em­porte le morceau et ce d’au­tant qu’il n’y aura aucun chan­ge­ment de cap à la tête de l’Eu­rope. Les poli­tiques libé­rales sous forme d’aus­té­rité toujours plus violente vont se pour­suivre. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, la prime ira à ceux qui semblent capables de propo­ser un projet alter­na­tif, fut-il natio­na­liste et raciste.

En France, le scru­tin a confirmé ces tendances lourdes euro­péennes : absten­tion très forte, FN arrivé en tête, PS au pouvoir très violem­ment sanc­tionné. L’UMP s’en tire très mal et ne profite pas de la débâcle socia­liste. Mais surtout, empê­tré dans les affaires jusqu’au cou, il appa­raît tota­le­ment discré­dité et donne une image désas­treuse de la poli­tique.

Dans ce contexte, on aurait pu imagi­ner de meilleurs résul­tats à la gauche du PS. Entre 2009 et 2014, EELV voit son score dimi­nuer de moitié. Quit­ter le gouver­ne­ment en mars n’a pas suffi pour convaincre.

Et le Front de gauche ? Alors que l’on aurait pu attendre un bien meilleur résul­tat qu’en 2009, le score a été quasi égal à celui obtenu cinq ans aupa­ra­vant. C’est une très grande décep­tion.

Pour­tant, il était possible d’es­pé­rer un score appro­chant celui obtenu lors de la prési­den­tielle de 2012. Pourquoi un tel échec ?

Incon­tes­ta­ble­ment, le FDG n’est pas apparu comme une alter­na­tive à gauche crédible et utile. Pire même, le FDG subit aussi, de manière atté­nuée, la sanc­tion réser­vée à la gauche dans son ensemble. Sans doute plusieurs raisons à cela. Une est à cher­cher dans la dernière séquence élec­to­rale, celle des muni­ci­pales, durant laquelle le FDG a brouillé son message poli­tique avec la divi­sion de ses prin­ci­pales compo­santes sur la stra­té­gie à suivre, listes auto­nomes ou avec le PS. Il aurait pour­tant fallu incar­ner une véri­table oppo­si­tion de gauche face à un PS qui impose l’aus­té­rité.

La deuxième raison est peut-être plus profonde : le FDG n’a pas su rele­ver le défi qui est le sien, celui de montrer que sa construc­tion est syno­nyme de renou­veau et de refon­da­tion d’une gauche de combat. Il a laissé s’étio­ler la dyna­mique liée à cette campagne. L’es­poir suscité alors exigeait des réponses appro­priées : faire du FDG un outil au service des hommes et des femmes qui avaient renoué avec la poli­tique et qui mani­fes­taient l’en­vie de le construire. Ce n’est pas ce qui s’est produit. Il n’y a pas eu de volonté poli­tique au sein des orga­ni­sa­tions du FDG pour trans­for­mer ce cartel en véri­table front social et poli­tique. Or rompre avec les formes tradi­tion­nelles d’or­ga­ni­sa­tion de la « vieille gauche » discré­di­tée et assi­mi­lée au système, à laquelle PCF et PG se rattachent par leur histoire, est essen­tiel.

Pour autant, rien n’est perdu. Face aux enjeux aujourd’­hui, les respon­sa­bi­li­tés du FDG n’ont jamais été aussi grandes : d’abord rassem­bler le FDG, l’an­crer à la base, dépas­ser ses limites de cartel. Puis, ensemble le dépas­ser tel qu’il est aujourd’­hui en s’adres­sant à ceux et celles qui refusent l’aus­té­rité, ne se retrou­vant plus dans la poli­tique du gouver­ne­ment, chez les socia­listes et les écolo­gistes notam­ment. Dans la conti­nuité du 12 avril, il s’agit de propo­ser à toutes les forces critiques, du NPA à Nouvelle Donne, aux listes fémi­nistes jusqu’à la gauche du PS et d’EELV, aux forces syndi­cales, aux orga­ni­sa­tions du mouve­ment social, la consti­tu­tion d’un front commun anti-austé­rité. Au-delà, il faut faire preuve d’au­dace et oser porter un projet de société éman­ci­pa­teur qui s’af­firme clai­re­ment comme alter­na­tive au système capi­ta­liste et produc­ti­viste. C’est à cela qu’il faut d’ur­gence s’at­te­ler.  

Myriam Martin

http://blogs.media­part.fr/edition/les-invites-de-media­part/article/040614/du-front-de-gauche-au-front-commun-anti-auste­rite

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