Femmes au foyer, immi­grés, temps de travail : quelques mélan­ges…

Un article d’O. Bouba Olga

Je viens de voir passer cet article de mars dernier, qui circule un peu ces derniers jours sur les réseaux sociaux, titré « les femmes au foyer pour libé­rer l’em­ploi : la propo­si­tion hallu­ci­nante d’un député FN », publié sur le site Terra­fe­mina.

Domi­nique Martin, euro­dé­puté FN, y explique notam­ment que « ça aurait l’avan­tage de libé­rer des emplois ». L’ar­ticle, très critique, a été partagé près de 50 000 fois. Je partage égale­ment, le propos est absurde.

Si je me fends d’un billet, c’est que l’ab­sur­dité ne se niche pas forcé­ment là où on l’ima­gine (j’ima­gine que Marine et Marion ont assez peu appré­cié, elles ne semblent pas être retour­nées à leurs four­neaux, en tout cas).

L’ab­sur­dité réside plutôt, comme indiqué dans mon dernier billet, dans l’idée que le nombre d’em­plois dispo­nibles dans un pays serait assi­mi­lable au nombre de parts de gâteau que l’on pour­rait se parta­ger et que, désolé, si le nombre de convives augmente un peu trop, autant en exclure certains, histoire de manger à notre faim, quand même.

Cet euro­dé­puté consi­dère qu’ex­clure les femmes serait une bonne solu­tion. Je ne doute pas qu’un sondage réalisé auprès des français (sondage repré­sen­ta­tif auprès de la popu­la­tion française selon la méthode des quotas, bien sûr), montre­rait que la majo­rité des français sont contre.

En revanche, je m’in­ter­roge sur les résul­tats du même sondage si la ques­tion n’était plus « d’ex­clure les femmes », mais plutôt « d’ex­clure les immi­grés ». Dans les deux cas, il s’agi­rait de réduire le nombre de postu­lants à l’em­ploi. Du point de vue de l’éco­no­mie d’un pays, la ques­tion est la même. Pas sûr que la réponse soit la même, je pres­sens que la majo­rité des français serait pour la limi­ta­tion des postu­lants immi­grés. Vous pouvez être « pour » l’ac­cès des femmes et « contre » l’ac­cès des immi­grés, mais recon­nais­sez que ce n’est plus un problème écono­mique, un problème de discri­mi­na­tion, plutôt.

Ce qui, désolé, serait moyen­ne­ment cohé­rent : si vous pensez que l’af­flux de repré­sen­tantes de la gente fémi­nine sur le marché du travail ne pose pas de problème, vous devez penser aussi que l’af­flux d’im­mi­grés ne pose pas de problème. Si vous pensez, à l’in­verse, que l’af­flux d’im­mi­grés pose problème, vous devez penser que l’af­flux de femmes pose problème. Vous faites ce que vous voulez, bien sûr, mais un peu de cohé­rence ne nuit pas. Je comprends cepen­dant que vous ne vouliez pas de discri­mi­na­tion, ni contre les femmes, ni contre les immi­grés. Vous devriez alors vali­der l’exis­tence d’un tirage au sort aléa­toire d’un certain nombre de personnes défi­ni­ti­ve­ment exclues du marché du travail, parce que la faute à pas de chance, un truc genre Française des Jeux, quoi.

On pour­rait multi­plier les exemples : j’ai entendu, il y a quelques temps, un syndi­cat étudiant expliquer que si on déca­lait l’âge de la retraite, cela augmen­te­rait le taux de chômage des jeunes, car plus de « seniors » en emploi, c’est plus de jeunes au chômage. Ou encore, par d’autres, l’idée que réduire le temps de travail serait la solu­tion. Gâteau à parta­ger, toujours.

Bref, si vous êtes cohé­rent, vous devez être pour :

  1. la limi­ta­tion de l’im­mi­gra­tion,
  2. le retour des femmes au foyer,
  3. le main­tien de l’âge de la retraite à ce qu’il est aujourd’­hui,
  4. la réduc­tion du temps de travail.

Ou bien, si vous êtes cohé­rent, toujours, vous devriez vous dire que :

  1. l’ac­cès des femmes au marché du travail n’est pas un problème,
  2. l’im­mi­gra­tion n’est pas un problème,
  3. déca­ler l’âge de la retraite n’est pas un problème,
  4. réduire le temps de travail n’est pas la solu­tion.

Je pres­sens des problèmes de disso­nance cogni­tive.

J’ima­gine un poli­tique de droite expliquer que déca­ler l’âge de la retraite, mon bon monsieur, cela ne posera pas de problème sur le chômage, mais que, en revanche, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, l’im­mi­gra­tion, vous compre­nez… Et puis les 35 heures, quand même!

J’ima­gine un poli­tique de gauche, énervé par les discours un brin (une poutre) xéno­phobes ou anti­fé­mi­nistes, se déses­pé­rant des discours anti-immi­grés, mais se déso­lant du déca­lage de l’âge de la retraite, quand même, parce que les jeunes, quoi, et puis la réduc­tion du temps de travail, ça semble pas mal, quand même…

Les propos de Domi­nique Martin sont absurdes, ça ne fait aucun doute. Au-delà de cette cible facile, réflé­chis­sons chacun à nos contra­dic­tions.

Source : http://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/2015/11/28/femmes-au-foyer-immigres-temps-de-travail-quelques-melanges/

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