Gauche : ne plus tarder

« Le choc qu’a repré­senté la double gifle admi­nis­trée aux dernières élec­tions n’en finit plus de provoquer des réac­tions inquiètes, voire effa­rées. Va-t-on vrai­ment lais­ser la gauche s’af­fai­blir sans limites jusqu’à dispa­raître comme en Italie ? Pour néces­saires qu’elles soient, ces réac­tions ont une faiblesse, celle d’être désor­don­nées, et partant de ne pas déga­ger une pers­pec­tive commune et crédible de résis­tance et de reconquête.

La situa­tion que nous connais­sons a certai­ne­ment des causes multiples. Il est donc normal qu’on cherche à les cerner, ce qui suppose que les analyses se déve­loppent, s’épaulent voire se confrontent. Mais le rythme de l’ana­lyse n’est pas celui de l’ac­tion. Ou plutôt il n’est plei­ne­ment produc­tif que s’il est pris dans une dyna­mique poli­tique qui permette le regrou­pe­ment plutôt que la culture de son point de vue propre.

Or le temps nous presse ; le retard est si grand qu’il va venir bien­tôt à manquer.

Il existe entre nous un point d’ac­cord fonda­men­tal. La respon­sa­bi­lité prin­ci­pale de l’af­fais­se­ment du soutien aux diverses compo­santes de la gauche et de l’éco­lo­gie poli­tique, de la montée de l’abs­ten­tion et du renfor­ce­ment de l’ex­trême droite, réside dans la poli­tique Hollande-Valls. Dans sa forme, tant le renie­ment des promesses de campagne fut total et provo­ca­teur, jusqu’à épou­ser sans complexe le langage même et les formules de l’ad­ver­saire libé­ral. Et bien sûr sur le fond, les choix succes­sifs durcis­sant au fur et à mesure la conver­sion complète aux poli­tiques de la finance et du Medef, impo­sées y compris contre les mobi­li­sa­tions popu­laires qui les contestent, qui sont pour­tant parti­cu­liè­re­ment porteuses d’ave­nir. Poli­tique de l’aus­té­rité qui fait pour­tant la preuve partout qu’elle est le problème, pas la solu­tion.

A quoi il faut ajou­ter le rejet d’une réelle et profonde tran­si­tion éner­gé­tique, pour­tant immé­dia­te­ment indis­pen­sable et poten­tiel­le­ment créa­trice de profu­sion d’em­plois non délo­ca­li­sables. Et l’aban­don de la quasi-tota­lité des réformes socié­tales promises, dont l’em­blé­ma­tique droit de vote pour les étran­gers non commu­nau­taires. Ceci enfin dans une cari­ca­ture des compor­te­ments anti­dé­mo­cra­tiques d’une Ve Répu­blique mani­fes­te­ment à bout de souffle.

Cette poli­tique est à la racine de nos diffi­cul­tés. Il faut impé­ra­ti­ve­ment rompre avec elle. Il faut qu’elle soit combat­tue sans compro­mis (et déjà par le rejet du budget recti­fi­ca­tif, comme, urgem­ment, par l’aban­don du Traité trans­at­lan­tique) sans quoi il ne restera plus qu’à tenir la chro­nique d’une catas­trophe inévi­table.

C’est ce à quoi nous appe­lons. Mais ces appels sont condam­nés à prêcher dans le désert s’ils restent disper­sés. Nous nous devons de plus de ne pas nous canton­ner au refus. Il faut donner à voir les issues possibles. Nous ne manquons pas d’idées pour les énon­cer, parfois diver­gentes c’est vrai, mais bien plus souvent communes sur des points essen­tiels. Ce qui manque c’est l’af­fir­ma­tion que nous voulons nous y atte­ler ensemble et un cadre commun pour les discu­ter. Membres des Socia­listes Affli­gés, d’Eu­rope Ecolo­gie-Les Verts, du PCF, du PG, d’En­semble !, du Front de Gauche, de Nouvelle Donne, Fémi­nistes, Mili­tant-e-s du mouve­ment social, nous appe­lons à agir en ce sens. Prendre ainsi nos respon­sa­bi­li­tés c’est aider à ce que se lève l’in­dis­pen­sable grand mouve­ment citoyen qui donnera corps à l’al­ter­na­tive à gauche. Nous ne souhai­tons pas nous y substi­tuer, mais aider au contraire à son mûris­se­ment.

Ne plus tarder, pas une minute.

(1) Signa­taires : Clémen­tine Autain, porte-parole d’En­semble !, Julien Bayou, conseiller régio­nal EELV, Françoise Casteix, ancienne dépu­tée euro­péenne, Nouvelle Donne, Leila Chaibi, membre du bureau natio­nal du PG, Caro­line de Haas, mili­tante fémi­niste, François Longé­ri­nas, membre du Bureau natio­nal du PG, Isabelle Lorand, membre de l’exé­cu­tif natio­nal du PCF, Elise Lowy, conseillère régio­nale et membre du bureau exécu­tif d’EELV, Philippe Marlière, poli­to­logue, co-fonda­teur des socia­listes affli­gés, Myriam Martin, porte-parole d’En­semble !, Fran­cis Parny, vice-président du conseil régio­nal d’Ile-de-France et membre de l’exé­cu­tif natio­nal du PCF, Jean-François Pélis­sier, conseiller régio­nal d’Ile-de-France, porte-parole d’En­semble !, Danielle Simon­net, conseillère de Paris, secré­taire natio­nale du PG, Marie-Chris­tine Vergiat, dépu­tée euro­péenne, Front de gauche, Marie-Pierre Vieu prési­dente du groupe Front de gauche Midi Pyré­nées. »

3 réflexions sur « Gauche : ne plus tarder »

  1. A mon sens ce texte a deux carences essentielles :

    – le manque flagrant de référence aux luttes, et donc ce qui en découle logiquement, la non référence aux acteurs des luttes. Je pense que reconstruire un front nécessite aussi de s’adresser à ATTAC, à Copernic, aux syndicalistes, mais aussi aux secteurs en lutte comme les cheminots, les intermittents, les postiers, localement à Federal Mogul. La continuité de la manifestation du 12 avril en somme, dans la perspective d’un front social et politique.

    – l’autre idée dérangeante pour moi, c’est de « sauver la gauche ». Qu’est ce que cela veut-il dire concrètement ? Construire une majorité gauche plurielle bis avec les mécontents du PS et les autres ? ou bien construire une alternative à gauche, clairement en rupture avec l’austérité, totalement indépendante du PS social-libéral, issue d’un travail à la base ? Vous devinerez que je souscrit à la seconde option.

    Cela dit, les débats ne font que commencer et je pense que des rencontres sont nécessaires entre les différentes organisations. Cela va se faire il me semble.

    Alex, NPA

  2. Cet appel est une étape. Les dernières élections ont montré que c’était le FN qui commençait à représenter une alternative à la social-démocratie. Cet appel dit qu’il faut qu’une autre issue politique soit donnée à gauche. Il faut autre chose.

    Pourquoi réduire cette étape, cet appel de personnalités de partis, à un choix – comme le fait Alex du NPA –  entre la base contre le sommet, le bien contre le mal, le social contre le politique ?

    Pour ce qui est des luttes, rien ne sert de faire comme si les personnes qui appellent se fichaient des luttes puisque nombre d’entre elles ont participé à la mobilisation du 12 avril dernier à Paris et continueront.

    Des appels ont déjà eu lieu, combinant social et politique, national et local,  par exemple pour les cheminot.es http://www.frontdegauche86.fr/appel-greve-a-la-sncf-une-mobilisation-necessaire-et-legitime/

    Plutôt que d’être commentateur des choses qui bougent, gardien de je ne sais quel trésor programmatique qui risquerait à tout moment de disparaître pour je ne sais quelle raison, qu’attendent les militant.es non sectaires du NPA pour participer à ce que les choses évoluent et pas seulement au niveau du seul conseil municipal ou de la ville de Poitiers ?

  3. Après le score décevant du Front de gauche et le succès électoral du FN, alors que le PS perd ses implantations locales (depuis les Municipales), que le gouvernement qu’il soutient est des plus impopulaires, et que l’ UMP rebondit de scandale en scandale, tout ce qui concourt à une dénonciation de la politique néolibérale du gouvernement de Hollande secondé par Valls, souvent félicités par le MEDEF, est bon à prendre.

    Montrer qu’une gauche de transformation sociale existe et  agit. Puisque c’est peu su, malheureusement.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.