La pomme, le pesti­cide et la ministre

En quelques jours, les pesti­cides comme les pommes ont fait la « une » de l’ac­tua­lité. Coup de com’ de la ministre de l’Éco­lo­gie ou réelle « offen­sive » contre les pesti­cides ? Préoc­cu­pa­tion de santé publique ou mesure de diver­sion ?
Pas facile d’y voir clair.

La ministre monte au créneau

Ségo­lène Royal a annoncé l’in­ter­dic­tion, à partir du 1er janvier 2016, de la vente en libre-service aux parti­cu­liers des produits désher­bants conte­nant du glypho­sate, dont le fameux Roun­dup fabriqué par Monsanto. Un amen­de­ment à la loi de tran­si­tion éner­gé­tique devrait être déposé au Sénat en juillet, a-t-elle précisé. Dans les faits, il ne s’agit pas vrai­ment d’une inter­dic­tion. Les parti­cu­liers pour­ront conti­nuer à se four­nir en pesti­cides conte­nant du glypho­sate : les points de vente devront seule­ment limi­ter l’ac­cès à ces produits qui devront être vendus non plus en rayon mais au comp­toir.
La ministre de l’Éco­lo­gie a annoncé des aides finan­cières, « dans le cadre du plan éco-phyto » pour les points de vente qui se mettront en confor­mité avec la loi. Cette aide « servira à aider à former les sala­riés pour le conseil ».
Les incon­di­tion­nels du désher­bage chimique pour­ront cepen­dant conti­nuer d’ache­ter leur dose de pesti­cides.

De quoi s’agit-il ?

Le Roun­dup, fabriqué par la multi­na­tio­nale Monsanto, est le premier désher­bant utilisé par les jardi­niers amateurs qui sont quelque 17 millions en France. Au total, 2 000 tonnes de cette substance sont utili­sées chaque année par les parti­cu­liers, et 8 500 tonnes par les agri­cul­teurs et autres profes­sion­nels ! En mars dernier, le prin­cipe actif du Roun­dup, le glypho­sate, a été classé comme cancé­ro­gène « probable chez l’homme » par le Centre inter­na­tio­nal de recherche sur le cancer. Une étude aussi­tôt dénon­cée par Monsanto qui, dans un commu­niqué du 23 mars, fustige la « science poubelle » (junk science) de l’agence inter­gou­ver­ne­men­tale, comme le rappelle le site d’in­for­ma­tion Basta­mag.

Manger des pommes  …

C’est ce que dit la pub. Et recom­mandent les nutri­tion­nistes. Mais jusqu’à combien ?
Le 16 juin dernier, Green­peace a publié un rapport détaillant les résul­tats de tests réali­sés sur des échan­tillons de sol et d’eau de ruis­sel­le­ment en prove­nance de vergers de pommes situés dans 12 pays euro­péens. Inédite de par son échelle géogra­phique et le choix de tester unique­ment des vergers de pommes en agri­cul­ture conven­tion­nelle, l’ana­lyse révèle que les 3/4 de ces échan­tillons contiennent des rési­dus de pesti­cides. Les résul­tats soulignent égale­ment que 70% des pesti­cides iden­ti­fiés présentent une toxi­cité très élevée pour les humains ou la biodi­ver­sité. Sur les 85 échan­tillons préle­vés en avril 2015, 53 pesti­cides diffé­rents ont été détec­tés.
Ces échan­tillons repré­sentent un ’ins­tan­ta­né’ de la conta­mi­na­tion aux pesti­cides au moment de la florai­son dans les vergers.
« Ces tests prouvent la présence de cock­tails de pesti­cides dans les vergers de pommes qui nour­rissent la très grande majo­rité des Euro­péens. Les consé­quences pour la santé et l’en­vi­ron­ne­ment sont connues et alar­mantes : il est large­ment temps de mettre fin à cet usage massif des pesti­cides qui dure depuis bien trop long­temps », déclare Anaïs Fourest, char­gée de campagne agri­cul­ture à Green­peace.

Alors effet d’an­nonce calculé ?

L’ONG Géné­ra­tions futures, qui milite farou­che­ment contre les pesti­cides, tempère l’an­nonce de Ségo­lène Royal. « Le projet de plan Ecophyto 2 prévoit déjà dans son axe 4 l’in­ter­dic­tion de ‘la vente en libre servi­ce’ des pesti­cides au 1er janvier 2018. L’an­nonce de la ministre de l’Éco­lo­gie ne fait donc que reprendre ce point et l’ap­pliquer à un produit pesti­cide en parti­cu­lier mais ne signi­fie pas l’ar­rêt de la vente du Round Up aux parti­cu­liers », écrit l’ONG.
Et pendant ce temps, l’agri­cul­ture indus­trielle se pour­suit. Très gour­mande en pesti­cides et autres produits phyto­sa­ni­taires, elle sait pouvoir comp­ter sur Stéphane Le Foll. Le 9 juin sur la chaîne Public Sénat, il décla­rait ne pas avoir d’ « alter­na­tive » pour pouvoir inter­dire le glypho­sate. L’uti­li­sa­tion de produits chimiques en agri­cul­ture a progressé de 5% par an en moyenne entre 2009 et 2013.
Et pendant ce temps, les projets de ferme-usines se pour­suivent.
Gran­deur de la commu­ni­ca­tion, misère du libé­ra­lisme : il est temps de réagir.

Bruno Rion­det, 19 juin 2015.

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