Tribune. Alors que des droites extrêmes et auto­ri­taires conti­nuent d’étendre leur influence sur le globe, assom­bris­sant l’ave­nir, le spectre des années 30 est hypo­cri­te­ment brandi par le pouvoir macro­niste espé­rant faire ainsi oublier la vraie nature de sa poli­tique, marquée par une crimi­na­li­sa­tion accrue des mouve­ments sociaux et par un inquié­tant déni des droits démo­cra­tiques. L’ac­tion syndi­cale et les mouve­ments sociaux sont aujourd’­hui en France la cible d’une répres­sion poli­tique violente, allant jusqu’à des peines de prison, qu’il s’agisse de syndi­ca­listes ou de sala­rié·e·s mobi­li­sé·e·s pour la défense de leurs emplois, et aujourd’­hui de jeunes lycéen·­ne·s et étudiant·e·s.

Le 9 avril 2018 à Nanterre, dans le cadre de la mobi­li­sa­tion contre la loi ORE, une centaine d’étu­diants de l’uni­ver­sité se sont réunis paci­fique­ment en assem­blée géné­rale. Alors qu’ils s’or­ga­ni­saient pour contes­ter un système de sélec­tion à l’en­trée à l’uni­ver­sité repro­dui­sant et aggra­vant les inéga­li­tés sociales, ils ont été violem­ment expul­sés de la salle qui les accueillait par des CRS, à coups de matraque et sous les regards sidé­rés des person­nels présents. Les témoi­gnages des person­nels ont attesté du carac­tère paci­fique des parti­ci­pant·e·s. Pour­tant trois d’entre eux ont été arbi­trai­re­ment placés en garde à vue et incul­pés de « violences volon­taires contre personnes dépo­si­taires de l’au­to­rité publique ». Le 17 octobre, le tribu­nal de grande instance de Nanterre a rendu un verdict d’une gravité excep­tion­nelle : deux de ces jeunes, Roga et Victor, ont été condam­nés à six mois de prison ferme et à quatre mois de prison avec sursis, pour avoir parti­cipé à cette assem­blée géné­rale.

Le 22 mai 2018 à Paris, agis­sant pour les mêmes reven­di­ca­tions, 102 personnes, dont 40 mineurs, ont été inter­pel­lées et placées en garde à vue plus de quarante-huit heures pour avoir tenu une assem­blée géné­rale dans le lycée Arago. Ces jeunes ont été inter­pel­lés et parqués pendant des heures dans des bus de la police, puis dans des cellules de commis­sa­riats, empê­chés de boire, de manger ou d’al­ler aux toilettes, sans se voir noti­fier leurs droits légaux, sans avoir accès à un avocat, à un méde­cin, et même à leurs parents, pour­tant leurs repré­sen­tants légaux. Les jeunes d’Arago ont été accu­sés de deux nouvelles infrac­tions : « l’in­tru­sion sans auto­ri­sa­tion dans un établis­se­ment scolaire en réunion en vue d’y trou­bler la tranquillité ou l’ordre de l’éta­blis­se­ment » (431–22, 431–23 du code pénal, sanc­tionné d’un à trois ans d’em­pri­son­ne­ment), ainsi que « la parti­ci­pa­tion à un grou­pe­ment en vue de commettre des dégra­da­tions ou des violences » (222–14–2, puni d’un an d’em­pri­son­ne­ment). Ces deux infrac­tions repro­chées illus­trent le rempla­ce­ment d’un système pénal fondé sur la répres­sion d’actes accom­plis par celle d’in­ten­tions et de compor­te­ments collec­tifs, guidé en consé­quence par la logique du soupçon géné­ra­lisé.

Ce bascu­le­ment menace l’exer­cice des droits et des liber­tés publiques, surtout quand l’Etat semble décidé à user de toutes les stra­té­gies d’in­ti­mi­da­tion possibles pour casser l’élan de poli­ti­sa­tion qui s’est exprimé dans la jeunesse, et pour tenter de muse­ler l’op­po­si­tion poli­tique dans le pays. Le carac­tère scan­da­leux de la condam­na­tion à des peines de prison de jeunes enga­gés dans une mobi­li­sa­tion lycéenne et étudiante est symp­to­ma­tique d’une dérive inquié­tante, et plus géné­rale, consis­tant à crimi­na­li­ser l’ac­tion mili­tante, celle des orga­ni­sa­tions syndi­cales, asso­cia­tives, comme celle de simples citoyens enga­gés contre l’en­fouis­se­ment de déchets nucléaires, ou contre des violences poli­cières. Ces gardes à vue et ces traduc­tions en procès consti­tuent un usage abusif du système judi­ciaire à des fins de répres­sion poli­tique.

Nous, ensei­gnant·e·s et person­nels des établis­se­ments scolaires et des univer­si­tés, lycéen·­ne·s, étudiant·e·s, parents, citoyen.ne.s, fonc­tion­naires et sala­rié·e·s en lutte, artistes et écri­vain·e·s, nous appor­tons notre soutien à ces jeunes actuel­le­ment visés par une répres­sion poli­tique qui cherche à étouf­fer, à l’aide d’un arse­nal poli­cier et judi­ciaire, la reven­di­ca­tion de cette jeunesse d’un droit à l’édu­ca­tion pour toutes et tous. Nous souhai­tons expri­mer notre vive inquié­tude quant à cette exten­sion du champ crimi­nel à l’ac­tion citoyenne et poli­tique. Nous exigeons que les droits démo­cra­tiques et les liber­tés publiques, malme­nés par ce gouver­ne­ment, soient respec­tés. Tout·e·s ensemble, nous expri­mons notre soli­da­rité avec nos étudiant·e·s et tou·­te·s les jeunes mis en examen ou condam­nés et deman­dons solen­nel­le­ment à la justice une relaxe géné­rale.

Premiers signa­taires :

Comité Arago ; UNEF ; UNL ; UNL-SD ; FIDL ; Union des étudiantEs de Toulouse (UET) ;

FSU ; SNASUB-FSU ; SNESUP-FSU ;

UL CGT Nanterre ; CGT éduc’ac­tion 92 ; FERC CGT ; Info’Com CGT ;

Union syndi­cale Soli­daires ; Soli­daires étudiant·e·s Nanterre ; SUD Educa­tion ; SUD Rail ; SUD Collec­ti­vi­tés Terri­to­riales ; SUD Poste 92 ;

CNT ;

Attac France ; Fonda­tion Coper­nic ; Droit au loge­ment (DAL) ; Comité Justice pour Adama ; Asso­cia­tion des socio­logues ensei­gnant·e·s du supé­rieur (ASES) ; Collec­tif Rosa Parks ;

Parti commu­niste français (PCF) ; Groupe parle­men­taire France insou­mise ; Espaces des luttes de La France insou­mise ; Nouveau parti anti­ca­pi­ta­liste (NPA) ; Parti de Gauche ; Gauche démo­cra­tique & sociale (GDS) ; Alter­na­tive liber­taire 92.

Le lien vers la péti­tion :

https://www.change.org/p/emma­nuel-macron-l-%C3%A9du­ca­tion-m%C3%A9rite-mieux-que-descentes-de-police-et-coups-de-matraque?recrui­ter=921838264&utm_source=share_peti­tion&utm_medium=copy­link&utm_campaign=share_peti­tion