« Les dix raisons pour lesquelles nous pensons que tous les Français doivent être vacci­nés »

Dans une tribune au « Monde », un collec­tif de dix méde­cins réani­ma­teurs, parmi lesquels Nadia Aissaoui, secré­taire du Collège des ensei­gnants de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, à l’hô­pi­tal euro­péen Georges-Pompi­dou, à Paris, explique pourquoi le vaccin appa­raît comme la seule issue pour frei­ner l’épi­dé­mie .

TRIBUNE

Nous sommes méde­cins inten­si­vistes réani­ma­trices et réani­ma­teurs (MIR), spécia­listes des patients les plus graves et les plus à risque de mourir par insuf­fi­sance aiguë des poumons, des reins, du cœur, du foie ou du cerveau. Notre métier est de faire de la méde­cine aiguë (du diagnos­tic) et de la réani­ma­tion (stra­té­gies et outils pour soute­nir les organes) en assu­rant une perma­nence, une conti­nuité et une sécu­rité des soins.

Soixante-dix ans après l’épi­dé­mie de polio­myé­lite qui a vu naître notre spécia­lité, les réani­ma­teurs sont en première ligne depuis main­te­nant dix-huit mois face à une des pires crises sani­taires de notre histoire. En France, plus de six millions de patients ont été diagnos­tiqués avec le Covid-19 et plus de 110 000 ont péri. Les vagues épidé­miques se succèdent et chacun de nous, s’il n’est pas immu­nisé, peut être le vecteur et la victime du virus.

Seule issue

La soli­da­rité natio­nale et l’en­traide hospi­ta­lière ont été merveilleuses. Si elles ont limité les dégâts en permet­tant d’avoir une des morta­li­tés les moins impor­tantes des cas sévères sur la planète, elles ont aussi épuisé les person­nels soignants, les ressources de santé et ont affecté la santé physique et mentale de nos conci­toyens. Le vaccin appa­raît alors la seule issue pour frei­ner l’épi­dé­mie en immu­ni­sant les popu­la­tions.

Ce vaccin est une vraie prouesse scien­ti­fique, médi­cale et socié­tale. Il permet de limi­ter les cas graves rele­vant de l’hos­pi­ta­li­sa­tion ou de la réani­ma­tion, dimi­nuant le nombre de décès, et ce quel que soit le variant. Cette lueur d’es­poir est la seule à pouvoir main­te­nir une acti­vité de méde­cine préven­tive et cura­tive à la hauteur des ambi­tions du XXIe siècle, et la seule à auto­ri­ser l’es­pé­rance. Cet espoir de vivre norma­le­ment ne pourra être obtenu que si tous les Français se vaccinent. Voici les dix raisons pour lesquelles nous pensons que tous les Français doivent être vacci­nés :

Depuis dix-huit mois, nous sommes témoins de première ligne de comment le Covid-19 a rendu malades, tué, abîmé les vies de ceux qui survivent, affecté les familles et les soignants, et semé la peur chez chacun de nous. Des patients de tout âge sont passés en réani­ma­tion, et des personnes de tout âge se sont trou­vées handi­ca­pées, isolées, endeuillées, mala­des…

Pour les patients en réani­ma­tion, le Covid-19 est toujours une longue mala­die. Des semaines à combattre le virus et ses compli­ca­tions font fondre les muscles et rouillent les arti­cu­la­tions. Pendant plusieurs semaines, chaque geste est un effort doulou­reux : s’as­seoir, se nour­rir, se laver, etc.

Le « syndrome post-réani­ma­tion », fait de stress post-trau­ma­tique, de cauche­mars et de symp­tômes divers, met plusieurs semaines à dispa­raître. Il faut souvent des mois pour reve­nir à son état anté­rieur. Ces compli­ca­tions psychiques sont souvent une barrière à la reprise du travail ou à la restau­ra­tion d’un bon équi­libre person­nel et fami­lial.

Le Covid long, une réalité

Les familles aussi sont affec­tées par ces séjours prolon­gés en réani­ma­tion. La peur de la mort, de la souf­france, des séquelles, de l’aban­don est perma­nente. Comme pour les patients, les soignants font de leur mieux pour accom­pa­gner les familles et commu­niquer avec elles pour que l’ex­pé­rience de la réani­ma­tion soit la meilleure possible. Souvent, dans les mois qui suivent la réani­ma­tion, les familles vont encore moins bien que les patients.

Le Covid long est une réalité qui peut affec­ter des patients qui n’ont pas eu une forme sévère initia­le­ment, mais qui vont présen­ter des symp­tômes respi­ra­toires, cardio­vas­cu­laires, psychia­triques de façon souvent prolon­gée… Cette affec­tion encore peu connue est aussi une source de handi­cap.

Les enfants aussi peuvent être infec­tés par le virus du Covid-19. Ils présentent une forme diffé­rente de la mala­die, moins respi­ra­toire avec une atteinte cardiaque et vascu­laire parfois fatale.

Les jeunes géné­ra­tions souffrent plus parti­cu­liè­re­ment des effets secon­daires du confi­ne­ment, du télé­tra­vail, de l’école en visio­con­fé­rence et de l’iso­le­ment. Les violences et maltrai­tances sur les enfants ont augmenté. Le climat de peur et de guerre pèse sur nos enfants. Ils souffrent. Chaque semaine, un nombre crois­sant d’ado­les­cents est admis pour tenta­tive de suici­de…

Beau­coup de projets médi­caux et d’avan­cées ont été entra­vés par le Covid-19. L’épi­dé­mie aura induit des dépenses de santé gigan­tesques et absorbé des budgets qui étaient réser­vés à la qualité et la sécu­rité des soins : le déve­lop­pe­ment de nouveaux tests diagnos­tiques et de trai­te­ments du cancer, les mala­dies cardio­vas­cu­laires, les mala­dies orphe­lines, mais aussi dans tous les pans de la méde­cine.

Au fil du temps, tous les soignants restent mobi­li­sés, la popu­la­tion applique les gestes barrières mais le virus sévit. Les reports d’ac­ti­vi­tés non-Covid oscil­lent au rythme des vagues. Des milliers de patients ont leurs consul­ta­tions repor­tées. Certains patients devront conti­nuer à souf­frir avant d’être opérés. Certains cancers restent non diagnos­tiqués, d’autres évoluent lente­ment… Les séances de dialyse s’en­chaînent pour ceux que la greffe rénale aurait pu sauver…

Enfin, la réani­ma­tion doit conti­nuer d’al­ler de l’avant et progres­ser. Les patients de réani­ma­tion qui n’ont pas le Covid-19 sont toujours là. Il faut que la place faite à tous les patients soit égale. Une vie vaut une vie.

En résumé

Un an après le début de la pandé­mie, les chances de voir le Covid-19 dispa­raître spon­ta­né­ment appa­raissent assez minces. D’où les attentes placées dans la vacci­na­tion, dont les auto­ri­tés sani­taires espèrent qu’elle permette une sortie de crise progres­sive dans les mois qui viennent. D’au­tant que ces vaccins appa­raissent fiables et effi­caces. Reste à immu­ni­ser la popu­la­tion dans des délais raison­nables, sans rogner les impé­ra­tifs sani­taires.

Nos réponses à vos ques­tions : A quel point les vaccins sont-ils effi­caces ? Quels effets secon­daires ont-ils été obser­vés ?

Liste des signa­taires :

Nadia Aissaoui, secré­taire du Collège des ensei­gnants de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion,prati­cienne hospi­ta­lière, hôpi­tal euro­péen Georges-Pompi­dou, Paris ; Elie Azou­lay, président de la sous-section de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion du Conseil natio­nal des univer­si­tés, service de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, hôpi­tal Saint-Louis, Paris ; Djillali Annane, président du Syndi­cat des méde­cins réani­ma­teurs, service de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, hôpi­tal Raymond-Poin­caré, Garches ; Valen­tin de Villiers de La Noue, interne en méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, vice-président de l’As­so­cia­tion natio­nale des jeunes méde­cins inten­si­vistes réani­ma­teurs ; Stephan Ehrmann, président du Collège des ensei­gnants de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, service de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, CHRU de Tours ; Etienne Javou­hey, président du Grou­pe­ment fran­co­phone de réani­ma­tion et d’ur­gences pédia­triques, service de réani­ma­tion et d’ur­gences pédia­triques, hôpi­tal Femme Mère Enfant, Lyon ; Khal­doun Kutei­fan, président du Collège de réani­ma­tion des hôpi­taux extra-univer­si­taires de France, service de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, hôpi­tal Emile-Muller, Mulhouse ; Lionel Liron, président de l’As­so­cia­tion des réani­ma­teurs du secteur privé, service de réani­ma­tion poly­va­lente adulte, Médi­pôle Lyon-Villeur­banne ; Charles-Edouard Luyt, secré­taire du Conseil natio­nal profes­sion­nel de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, service de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, La Pitié-Salpê­trière (AP-HP), Paris ; Eric Maury, président de la Société de réani­ma­tion de langue française, service de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, hôpi­tal Saint-Antoine, Paris ; Michel Slama, service de méde­cine inten­sive et de réani­ma­tion, CHU Amiens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.