Libé­ra­tion du 15 octobre. « Italie blanche et chemises noires »

Un article de Laurent Joffrin.

(une fois n’est pas coutume sur notre site. Mais là, chapeau bas)

La « botte italienne », expres­sion géogra­phique, va-t-elle prendre aussi une signi­fi­ca­tion poli­tique, nette­ment moins rassu­rante ? Dernières nouvelles de la pénin­sule.

A Lodi, ville de Lombar­die célèbre pour son pont, qu’en­leva Bona­parte, la maire Sara Casa­nova, issue de la Ligue, a décrété que les enfants d’im­mi­grés devaient manger à part à la cantine. La muni­ci­pa­lité a fait adop­ter une réso­lu­tion deman­dant aux familles étran­gères de décla­rer ce qu’elles possèdent non seule­ment en Italie, mais aussi dans leur pays d’ori­gine. Cette attes­ta­tion étant souvent impos­sible à four­nir, ces enfants doivent prendre leur repas à l’écart des autres, avec un sand­wich ou une gamelle four­nie par leur famille. Cet apar­theid infan­tile a suscité l’in­di­gna­tion et une collecte a été orga­ni­sée pour aider ces familles. La maire a main­tenu sa posi­tion et exige toujours les certi­fi­cats de ressources prévus par sa réso­lu­tion.

A Bari, port des Pouilles en première ligne dans l’ac­cueil des migrants, un enfant d’ori­gine afri­caine a été pein­tur­luré de blanc à la bombe par un groupe de jeunes pour qu’il soit désor­mais de la « bonne » couleur : « Tu es noir, comme cela tu seras blanc ».

A Riace, village de Calabre où le maire commu­niste Dome­nico Lucano a fait venir des migrants pour repeu­pler sa loca­lité jusque-là en sévère déclin démo­gra­phique, le ministre de l’In­té­rieur Salvini a fait assi­gner l’édile à rési­dence sous l’ac­cu­sa­tion d’aide illé­gale aux migrants et prévu de faire « dépor­ter » les migrants accueillis par la popu­la­tion dans des camps de regrou­pe­ments plus vastes. Même indi­gna­tion dans le pays, même refus de modi­fier les déci­sions prises. Le ministre a seule­ment accepté, devant le tollé natio­nal, de reti­rer le mot « dépor­ter ». Il a néan­moins main­tenu la chose et Riace est en voie de norma­li­sa­tion xéno­phobe.

Ces trois exemples font suite à une série impres­sion­nante d’agres­sions racistes recen­sées depuis l’ar­ri­vée au pouvoir de la coali­tion Ligue-Cinq Etoiles. Elles ont provoqué d’in­nom­brables protes­ta­tions dans l’opi­nion italienne, mais Matteo Salvini n’en a cure : dans les sondages, les inten­tions de vote en faveur de la Ligue ne cessent de progres­ser. Dans une inquié­tante rémi­nis­cence, le pays de Dante, de Verdi, de Michel-Ange et de Gari­baldi, se souvient désor­mais qu’il fut aussi le pays de Musso­lini. Nul raccourci polé­mique dans cette remarque : Matteo Salvini ne cesse d’en­voyer des messages subli­mi­naux desti­nés à faire revivre ces mânes funestes dans l’es­prit des Italiens. Il pose torse nu, démarque fréquem­ment les apho­rismes les plus célèbres du Duce, use d’une rhéto­rique brutale et fami­lière, grimace à qui mieux mieux à la manière de… Il ne lui manque qu’une chemise noire et une paire de bottes.

Laurent Joffrin

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