Pas le bon visage de la cause de son malheur

L’autre jour au dépouille­ment dans l’école à Poitiers, un des types du FN tour­nait autour des tables de dépouille­ment en notant les scores sur son petit carnet avec gour­man­dise. Il ne rele­vait même pas les commen­taires indi­gnés que les vieilles dames qui dépouillaient avec moi faisaient sur les paquets de bulle­tins FN qui arri­vaient par saccades …

Il se conten­tait de sourire et de savou­rer.

Le lende­main matin j’écou­tais les bavar­dages des jour­na­listes et je me disais que le FN n’avait même plus besoin de faire campagne expli­ci­te­ment contre l’im­mi­gra­tion, qu’il suffi­sait qu’il soit présent pour qu’on comprenne de quoi il est ques­tion c’est-à-dire de cette évidence xéno­phobe qui se nour­rit de toutes les frus­tra­tions quoti­diennes, l’in­suf­fi­sance de reve­nus, une consom­ma­tion inas­sou­vie, le manque de travail, le vieillis­se­ment, le mauvais temps, etc…

Et si la xéno­pho­bie fonc­tionne si bien comme expli­ca­tion univer­selle, c’est qu’on peut mettre un visage, un nom, sur les causes de son malheur, mais en plus il faut que ce visage soit détes­table, pas normal car étran­ger, que ce nom soit impro­nonçable.

Et c’est pour ça que nous, les « gauchistes » de tout poil, on se prend une bran­lée à chaque élec­tion, car on veut mettre en cause des méca­nismes écono­miques et sociaux, géné­rant exploi­ta­tion, inéga­li­tés et domi­na­tion, en oubliant que la figure du domi­nant est éminem­ment enviable et qu’il suffit de l’as­so­cier au mérite pour qu’elle appa­raisse comme légi­time.

Yves  Judde

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