Recours devant le Conseil d’Etat contre les circu­laires « héber­ge­ment d’ur­gence »

Nous publions le commu­niqué de la ving­taines d’as­so­cia­tions qui ont déposé un recours contre les circu­laires prises récem­ment sur le contrôle de l’hé­ber­ge­ment des migrants.

Commu­niqué commun des Liste des asso­cia­tions requé­rantes : Fédé­ra­tion des acteurs de la soli­da­rité, Cités du Secours catho­lique, asso­cia­tion Droit au loge­ment ; asso­cia­tion les Petits Frères des pauvres ; Aurore ; Dom’a­sile ; Emmaüs France ; Emmaüs soli­da­rité ; France terre d’asile ; L’Ami­cale du nid ; Anas ; Uniopss ; La Cimade ; Fédé­ra­tion entraide protes­tante ; Fehap ; Fonda­tion Abbé Pierre ; Fonda­tion de l’Ar­mée du salut ; Ligue des droits de l’Homme ; Le CASP ; Centre Primo Lévi ; Gisti ; Le Refuge ; Le Secours catho­lique ; Méde­cins du monde ; Méde­cins sans fron­tières ; Oppe­lia.

Plus de vingt asso­cia­tions saisissent le juge des réfé­rés du Conseil d’Etat contre la circu­laire du 12 décembre orga­ni­sant le tri des personnes étran­gères dans les centres d’hé­ber­ge­ment.
A la fin de l’an­née 2017, le ministre de l’In­té­rieur et le ministre de la Cohé­sion des terri­toires ont édicté, sans concer­ta­tion, plusieurs circu­laires visant en parti­cu­lier l’hé­ber­ge­ment des ressor­tis­sants étran­gers. Et ce, malgré la vive oppo­si­tion de l’en­semble des asso­cia­tions et acteurs concer­nés qui s’est mani­fes­tée dès leurs paru­tions et une saisine du Défen­seur des droits.
La circu­laire du 4 décembre est rela­tive à « l’évo­lu­tion du parc d’hé­ber­ge­ment des deman­deurs d’asile et des réfu­giés ». Elle prévoit d’orien­ter les personnes de natio­na­lité étran­gère qui solli­citent un héber­ge­ment vers des dispo­si­tifs au regard de leur statut admi­nis­tra­tif. La circu­laire du 12 décembre orga­nise « l’exa­men des situa­tions admi­nis­tra­tives dans l’hé­ber­ge­ment d’ur­gence » par des « équipes mobiles » compo­sées d’un ou plusieurs agents de l’Ofii (Office français de l’im­mi­gra­tion et de l’in­té­gra­tion) et d’agents de la préfec­ture compé­tents en droit des étran­gers.


Par ces textes qui instaurent des procé­dures de recen­se­ment et d’éva­lua­tion des personnes sans abri ou héber­gées à raison de leur natio­na­lité et de leur statut admi­nis­tra­tif, le ministre de l’In­té­rieur et le ministre de la Cohé­sion des terri­toires contre­viennent aux prin­cipes fonda­men­taux qui gouvernent l’hé­ber­ge­ment des plus vulné­rables.

En parti­cu­lier, ils remettent en cause le prin­cipe d’ac­cueil incon­di­tion­nel en héber­ge­ment d’ur­gence prévu par le Code de l’ac­tion sociale et des familles au profit de « toute personne sans abri en situa­tion de détresse médi­cale, psychique ou sociale », quels que soient sa natio­na­lité ou son statut admi­nis­tra­tif, ainsi que son corol­laire, la conti­nuité de la prise en charge. Ces prin­cipes sont cardi­naux pour l’en­semble du secteur de la veille sociale, de l’hé­ber­ge­ment, et de l’ac­com­pa­gne­ment.

En prévoyant un tri selon la natio­na­lité ou le statut admi­nis­tra­tif des personnes dans les centres d’hé­ber­ge­ment, les circu­laires en viennent donc à hiérar­chi­ser, voire à mettre en concur­rence les situa­tions de pauvreté et de misère, sur le fonde­ment de critères discri­mi­na­toires.

Plus grave encore, pour mettre en oeuvre cette poli­tique de tri entre les plus vulné­rables, la circu­laire du 12 décembre 2017 a prévu un ensemble de mesures intru­sives et qui vont affec­ter la mission de protec­tion sociale des centres d’hé­ber­ge­ment.
D’une part, la circu­laire auto­rise des « équipes mobiles » compo­sées d’agents de la préfec­ture et de l’Ofii à inter­ve­nir direc­te­ment dans l’en­semble des struc­tures d’hé­ber­ge­ment d’ur­gence pour procé­der à l’iden­ti­fi­ca­tion et donc au tri des personnes. Du fait de cette intru­sion, les centres d’hé­ber­ge­ment vont se muer en des lieux de contrôle et de tri des personnes sans domi­cile, où risquent d’être réali­sées de véri­tables opéra­tions de contrôle d’iden­tité et des titres de séjour. A l’is­sue de ces contrôles dans les centres d’hé­ber­ge­ment, certaines personnes sans abri et sans droit au séjour pour­ront être visées par une assi­gna­tion à rési­dence ou un place­ment en réten­tion ainsi que par une mesure d’éloi­gne­ment du terri­toire, remet­tant direc­te­ment en cause le prin­cipe d’ac­cueil incon­di­tion­nel.

D’autre part, la circu­laire risque de trans­for­mer les inter­ve­nants sociaux, auxquels les personnes sans domi­cile font confiance, en véri­tables auxi­liaires de l’Ofii et de la préfec­ture. En effet, non seule­ment les centres d’hé­ber­ge­ment devront ouvrir leurs portes aux agents de la préfec­ture et aux agents de l’Ofii, mais, la circu­laire implique que les centres collectent et trans­mettent aux auto­ri­tés rele­vant du ministre de l’In­té­rieur un ensemble d’in­for­ma­tions à carac­tère person­nel et confi­den­tiel concer­nant les personnes héber­gées, contraires aux direc­tives de la Cnil.

Dès lors que le gouver­ne­ment persiste à mettre en oeuvre un tel projet malgré la forte oppo­si­tion des prin­ci­paux acteurs concer­nés, plus de vingt asso­cia­tions qui agissent dans le secteur de l’hé­ber­ge­ment social et qui défendent les droits et liber­tés ont mandaté maître Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassa­tion, afin de saisir le Conseil d’Etat d’un recours en annu­la­tion contre ces circu­laires, assorti d’une demande, en référé, de suspen­sion.

Les requêtes au fond seront dépo­sées le 11 janvier. Le Conseil d’Etat aura voca­tion à se pronon­cer d’ici envi­ron dix mois, au fond, sur la léga­lité de ces circu­laires.
Le dispo­si­tif de tri et de contrôle dans les centres d’hé­ber­ge­ment étant d’ores et déjà mis en oeuvre, ces recours seront assor­tis d’une procé­dure d’ur­gence : une demande de suspen­sion en référé contre la circu­laire du 12 décembre 2017.

Par cette action spéci­fique, les asso­cia­tions solli­citent du juge des réfé­rés du Conseil d’Etat qu’il suspende au plus vite les deux points qui sont les plus mani­fes­te­ment illé­gaux et atten­ta­toires aux droits et liber­tés :
– D’abord le fait que la circu­laire auto­rise, sans base légale, des équipes rele­vant du minis­tère de l’in­té­rieur à péné­trer dans des centres d’hé­ber­ge­ment proté­gés pour y réali­ser des contrôles ;
– Ensuite, le fait que les données person­nelles et confi­den­tielles des personnes héber­gées soient collec­tées et trans­mises aux auto­ri­tés, mais aussi que les centres d’hé­ber­ge­ment soient contraints de parti­ci­per à cette collecte illé­gale.

Le juge des réfé­rés saisi pourra orga­ni­ser une audience publique qui se tien­drait alors deux à trois semaines après le dépôt du recours. Cette audience permet­tra qu’un débat ait lieu entre les asso­cia­tions et les repré­sen­tants du gouver­ne­ment. A l’is­sue de ces débats, le juge des réfé­rés rendra sa déci­sion.
En tout état de cause, après le recours en référé, les argu­ments et critiques des asso­cia­tions contre les circu­laires seront exami­nés par le Conseil d’Etat réuni en forma­tion collé­giale pour statuer sur les recours en annu­la­tion.
Paris, le 10 janvier 2018

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