« Répres­sion d’État: nous ne céde­rons ni au chan­tage, ni à la peur »

Tribune libre parue dans Media­part le 5 janvier

https://blogs.media­part.fr/les-invites-de-media­part/blog/050121/repres­sion-d-etat-nous-ne-cede­rons-ni-au-chan­tage-ni-la-peur

Un groupe de mili­tantes, dont Gene­viève Legay, s’in­surgent contre la répres­sion poli­tique, les arres­ta­tions sans fonde­ment et les pres­sions exer­cées contre les personnes cher­chant à exer­cer leur droit à la critique et à la mani­fes­ta­tion. « Nous ne céde­rons ni à la peur ni au chan­tage. Et nous n’ou­blie­rons pas de tenir le ministre de l’In­té­rieur, et le gouver­ne­ment, respon­sables du saccage de notre justice et de nos liber­tés. »

Le monde célé­brait récem­ment l’an­ni­ver­saire des cinq ans de l’Ac­cord de Paris, et la France n’a pas été avare d’auto-satis­fac­tion quant au rôle qu’elle se targue d’avoir joué dans sa conclu­sion. Mais pour nous, 2015 amorce une évolu­tion bien plus funeste : l’éro­sion de l’Etat de droit, et la lente dispa­ri­tion des liber­tés publiques dans notre pays. L’état d’ur­gence est devenu notre « new normal » : déci­dés dans des moments de choc, de confu­sion, loin des regards, les glis­se­ments les plus graves se sont produits.(..)

Hollande et son gouver­ne­ment ont amorcé ce déla­bre­ment dès novembre 2015, en assi­gnant à rési­dence, de manière « préven­tive », des mili­tant·e·s écolo­gistes afin de les empê­cher de mani­fes­ter lors de la COP 21. Et M. Macron, qui avait pour­tant construit sa campagne sur la concorde et liber­tés, a ampli­fié cet élan au point de faire des liber­tés, indi­vi­duelles et publiques, un théâtre de ruines. L’état d’ur­gence a été inscrit dans le droit commun par la « Loi renforçant la sécu­rité inté­rieure et la lutte contre le terro­risme » (SILT), en novembre 2017.(…)

tout ce sur quoi aler­taient déjà les collec­tifs et asso­cia­tions des quar­tiers popu­laires il y a de nombreuses années et qui faisait le quoti­dien des habi­tant·e·s de ces quar­tiers est désor­mais devenu la norme. Enfin nul d’entre nous ne peut l’ou­blier : de nombreuses personnes ont été muti­lées dans les mani­fes­ta­tions de Gilets jaunes, sans que justice leur soit faite. Elles aussi ont connu les assi­gna­tions à rési­dence préven­tives et les inter­dic­tions de mani­fes­ter ; plus de 1000 peines de prison ferme ont été pronon­cées contre les membres de leur mouve­ment.

La nomi­na­tion de Gérard Darma­nin au minis­tère de l’In­té­rieur marque un tour­nant dans ce qu’elle légi­time, et bana­lise cette nouvelle réalité : un pouvoir radi­ca­lisé. Les violences poli­cières semblent devoir être couvertes « quoiqu’il en coûte ». Et le ministre jubile lorsque sa police écrase les liber­tés publiques sous l’ar­bi­traire et les coups. Samedi 12 décembre, il s’est tout d’abord enthou­siasmé, via twit­ter, de l’ar­res­ta­tion, quelques jours plus tôt, de 9 personnes soupçon­nées d’« asso­cia­tion de malfai­teurs terro­ristes ». Cinq d’entre eux et elles demeurent en déten­tion provi­soire à ce jour. (…)

Pour compen­ser la faiblesse du dossier, les enquê­teurs invoquent les idées et enga­ge­ments poli­tiques des personnes arrê­tées : une source anonyme explique ainsi qu’un des hommes arrê­tés, « ancré dans une idéo­lo­gie prônant la révo­lu­tion », a combattu au Rojava, assi­mi­lant ainsi à des « terro­ristes » les personnes enga­gées contre Daech aux côtés de l’ar­mée kurde.

S’agis­sant de l’épou­van­tail ultra-gauchiste, et de son agita­tion par les auto­ri­tés, le fiasco judi­ciaire et poli­tique de « l’af­faire Tarnac », et les dérives de l’es­pion­nage géné­ra­lisé d’hommes et de femmes qui, à Bure, n’avaient d’autre tort que s’op­po­ser à la mort de leurs prai­ries et de leurs forêts, devraient pour­tant impo­ser la réserve. En outre, en dehors des assas­si­nats commis sous l’in­fluence plus ou moins directe de Daech, c’est l’ex­trême droite qui orga­nise des attaques sur le terri­toire français, comme à Bayonne ou Avignon, quand elle n’arme pas les terro­ristes de janvier 2015

Le même samedi 12 décembre, alors que le ministre saluait, heure par heure, les arres­ta­tions en cours dans le cortège pari­sien protes­tant contre la loi Sécu­rité globale – infil­tré de dange­reux factieux selon lui -, des dizaines de personnes étaient arrê­tées alors qu’elles mani­fes­taient, photo­gra­phiaient ou filmaient paisi­ble­ment.(…)Et ce serait anec­do­tique, en effet, si près de 200 personnes n’avaient pas passé parfois près de trois jours en déten­tion, avant, pour leur quasi tota­lité, de se voir libé­rées sans aucune charge rete­nues contre elles. Si d’autres, dans le cortège, n’avaient pas été moles­tées, et bles­sées, parce qu’elles se trou­vaient sur le parcours de ces fameux « bonds offen­sifs », consis­tant ni plus ni moins à char­ger les mani­fes­tants au hasard.

Ces nouveaux épisodes marquent un pas de plus dans la dérive : en France, en 2020, critiquer la poli­tique du gouver­ne­ment, et « prôner la révo­lu­tion », sont deve­nus des opinions poli­tiques poten­tiel­le­ment crimi­nelles. Dans la France d’E. Macron, on peut être ministre lorsque l’on fait l’objet d’une procé­dure judi­ciaire pour viol et abus de confiance. Mais dans le même temps on empri­sonne sans raison ; on ordonne des déten­tions sur la seule base d’hy­po­thèses et on perqui­si­tionne pour « envoyer des messages ». Face à nous un seul spec­tacle, qui se joue en boucle : la crimi­na­li­sa­tion des idées critiques du pouvoir, de l’in­for­ma­tion, des mobi­li­sa­tions, de l’is­lam, des quar­tiers popu­laires et de la jeunesse ; le harcè­le­ment de tous les acteur·i­ce·s de « la gauche », des défen­seurs·ses des droits et de la justice sociale, des porteurs·euses de soli­da­rité ; la répres­sion et l’ar­bi­traire crois­sants dans la vie quoti­dienne des citoyen·­ne·s. Ce régime montre son obses­sion répres­sive, auto­ri­sée par la désa­gré­ga­tion progres­sive des conquêtes fonda­men­tales qui faisaient notre État de droit.

(…)Mais nous ne céde­rons ni à la peur ni au chan­tage. Et nous n’ou­blie­rons pas de tenir le ministre de l’In­té­rieur, et le gouver­ne­ment, respon­sables du saccage de notre justice et de nos liber­tés.

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