Santé et profits sont dans un bateau …

Notre envi­ron­ne­ment contient de plus en plus de produits chimiques de synthèse.

Ainsi nombre d’objets du quoti­dien – bottes en caou­tchouc, rideaux de douche, conte­nants alimen­taires, … – contiennent des substances soupçon­nées d’être dange­reuses pour le système  qui régule nos hormones. On parle de pertur­ba­teurs endo­cri­niens (PE).

 

Alimen­ta­tion et santé

Les scien­ti­fiques pointent notam­ment du doigt un nombre crois­sant de cancers et la baisse de ferti­lité, qui pour­raient être liés à ces produits, certains ingé­rés avec l’ali­men­ta­tion « indus­trielle ».

C’est ainsi que l’as­so­cia­tion Géné­ra­tions Futures avait repéré la présence de ces substances dans les fraises, en 2013. Puis dans les salades en 2015. La majo­rité des salades – 4ième légume le plus consommé en France- contiennent des rési­dus de PE, dont certains sont inter­dits d’usage.

Il était donc « normal » que cette préoc­cu­pa­tion finisse par arri­ver à Bruxelles !

 

Pas de préci­pi­ta­tion !

Non seule­ment la Commis­sion ne s’est pas préci­pi­tée, mais elle a pris tout son temps. Telle­ment de temps que même le Tribu­nal de l’Union euro­péenne a estimé que Bruxelles retar­dait de manière illé­gale depuis plusieurs années l’en­ca­dre­ment légis­la­tif de ces substances.

Il n’y a, bien sûr, pas de condam­na­tion pécu­niaire, mais le juge­ment est réel. Le Tribu­nal de l’Union euro­péenne a condamné la Commis­sion, le 16 décembre dernier, pour « avoir manqué à ses obli­ga­tions » sur le dossier des PE.

En vertu de la régle­men­ta­tion sur les biocides, l’exé­cu­tif euro­péen aurait dû adop­ter des critères scien­ti­fiques pour iden­ti­fier ces dits pertur­ba­teurs avant le 13 décembre 2013. Mais coup de théâtre : en juillet 2013, une propo­si­tion de loi est bloquée par l’an­cienne secré­taire géné­rale de la Commis­sion, Cathe­rine Day, qui exige un préa­lable avant tout examen de loi.

 

Une Commis­sion si « sensible » …

Pour justi­fier son retard, la Commis­sion avait invoqué la néces­sité d’une « étude d’im­pact » pour évaluer les consé­quences écono­miques de mesures contrai­gnantes pour l’in­dus­trie chimique. Un argu­ment jugé non rece­vable par la Cour euro­péenne qui constate « qu’au­cune dispo­si­tion du règle­ment n’exige une telle analyse d’im­pact ».

Mais la réalité est plus claire. Cette étude d’im­pact, soi-disant indis­pen­sable en préa­lable, a été  expres­sé­ment deman­dée par l’in­dus­trie chimique euro­péenne. Comme l’at­teste un docu­ment interne à la Commis­sion, rendu public par la jour­na­liste Stéphane Horel dans son livre Intoxi­ca­tion (La Décou­verte, 2015).

Ont été égale­ment rendus publics des mails du Conseil euro­péen de l’in­dus­trie chimique (CEFIC), de l’As­so­cia­tion euro­péenne de protec­tion des cultures (ECPA) et des deux géants de l’in­dus­trie chimique alle­mande, BASF et Bayer. Les orga­ni­sa­tions auraient fait pres­sion pour empê­cher des régle­men­ta­tions « contrai­gnantes ».

 

Quand la Commis­sion se mélange les pinceaux

Plusieurs ONG, vigi­lantes sur la ques­tion des pesti­cides, s’alarment de l’at­ti­tude de plusieurs direc­tions géné­rales (DG) dans le ralen­tis­se­ment du proces­sus d’éla­bo­ra­tion de règle­ments. Ainsi,  la DG SANCO (aujourd’­hui rebap­ti­sée « DG SANTE »), aurait colla­boré avec la DG Entre­prise pour saper le travail de la DG Envi­ron­ne­ment. Elle se serait notam­ment plaint aux DG Entre­prise et Commerce et au secré­ta­riat géné­ral de la Commis­sion en exagé­rant les pertes de profits qu’oc­ca­sion­ne­rait une poten­tielle inter­dic­tion de certaines substances utili­sées dans les pesti­cides.

Une telle perte de profits aurait à son tour une influence néga­tive sur les négo­cia­tions du TTIP en cours entre Bruxelles et Washing­ton.

 

Et pendant ce temps …

… c’est la santé qui trinque !

L’ex­po­si­tion humaine aux pertur­ba­teurs endo­cri­niens, surtout les pesti­cides, coûte­rait au moins 157 milliards d’eu­ros par an de dépenses sani­taires dans l’UE, selon une étude publiée en mars dernier.

Publiée dans la revue scien­ti­fique Jour­nal of clini­cal endo­cri­no­logy and meta­bo­lism,  elle établit cette addi­tion, qui repré­sente plus de 1,2 % du PIB de l’Union euro­péenne, en rete­nant pour hypo­thèse une rela­tion de causa­lité entre l’ex­po­si­tion aux pertur­ba­teurs endo­cri­niens et les retards de déve­lop­pe­ment céré­bral, ainsi qu’une série de patho­lo­gies comme autisme, obésité, diabète et stéri­lité mascu­line.

« Ces esti­ma­tions ne prennent en compte que les pertur­ba­teurs pour lesquels la rela­tion de causa­lité est la plus haute­ment probable », notam­ment les orga­no­phos­phates (OP) utili­sés pour les pesti­cides, et les poly­bro­mo­di­phé­ny­lé­thers (PBDE) servant à igni­fu­ger plas­tiques et textiles, note l’ar­ticle.

 

Et main­te­nant ?

La Commis­sion va-t-elle suspendre l’étude d’im­pact, ou va-t-elle la pour­suivre, sans consi­dé­ra­tion pour le coût d’un retard supplé­men­taire, en termes de santé publique ?

Réponse : « La Commis­sion tient à faire savoir que la première phase de l’étude d’im­pact est sur la bonne voie, selon un porte-parole de l’exé­cu­tif euro­péen, cité par Le Monde (16/12/2015), en réac­tion à la déci­sion du Tribu­nal. Les autres phases vont commen­cer début 2016. »
Bruxelles indique vouloir termi­ner l’étude « durant l’an­née 2016 » et assure que la défi­ni­tion atten­due sera publiée ensuite « le plus vite possible.
Face aux lobbys et autres conflits d’in­té­rêts, la vigi­lance citoyenne est indis­pen­sable.

Comme est urgente la construc­tion d’une « autre Europe ».
Bruno Rion­det, 21/01/16

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