« Zone euro: 19 moins un? »

L’af­faire grecque est une affaire poli­tique: les gouver­nants de l’UE veulent mettre à bas le gouver­ne­ment élu de Grèce, piéti­ner le suffrage univer­sel comme Sarkozy et Hollande le firent en France après le rejet du « Traité consti­tu­tion­nel euro­péen » lors du réfé­ren­dum de 2005.

Mais l’af­faire est présen­tée comme écono­mique, de pure logique de banquiers. Or, le commu­niqué du 28 juin des  « écono­mistes atter­rés » en  soute­nant le peuple Grec et son gouver­ne­ment face aux diktats des néoli­bé­raux du FMI, de la BCE, de l’Eu­ro­groupe (dans lequel le gouver­ne­ment français a un rôle impor­tant) vient à point pour les contre­dire sévé­re­ment:

« Samedi 27 juin 2015, dix-huit ministres des finances de la zone euro ont pris la scan­da­leuse déci­sion d’ex­clure leur homo­logue grec, Yanis Varou­fa­kis, de leur réunion et de publier un commu­niqué annonçant que le programme d’as­sis­tance finan­cière de la Grèce pren­dra fin le 30 juin. Ils n’ont pas supporté que le gouver­ne­ment grec préfère obte­nir un excé­dent budgé­taire primaire en augmen­tant les impôts sur les plus riches plutôt qu’en suppri­mant la prime de soli­da­rité pour les petites retraites infé­rieures à 700 euros. Ils n’ont pas supporté que Yanis Varou­fa­kis explique depuis des mois que contrai­re­ment à ses prédé­ces­seurs, il ne voulait pas seule­ment attendre « sa tranche de prêt comme un drogué sa dose », mais recons­truire l’éco­no­mie de son pays et négo­cier une restruc­tu­ra­tion de la dette. Ils n’ont pas supporté – après leurs multiples manœuvres et menaces pour impo­ser un  plan inepte – que le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, leur donne une leçon de démo­cra­tie en orga­ni­sant un réfé­ren­dum pour savoir si le peuple grec accep­te­rait ou rejet­te­rait la propo­si­tion des insti­tu­tions euro­péennes.

Le fond de la ques­tion est que, sur un plan démo­cra­tique, ce n’est pas aux créan­ciers d’ar­bi­trer entre diffé­rentes mesures budgé­tai­re­ment équi­va­lentes. Accep­ter cette intru­sion et s’y soumettre, c’est  accep­ter qu’un débi­teur – aujourd’­hui la Grèce, demain n’im­porte quel autre pays – se trans­forme, au nom de la dette, en colo­nie d’une armée de tech­no­crates appoin­tés.  Et il est atter­rant d’en­tendre le président de l’Eu­ro­groupe repro­cher au gouver­ne­ment grec d’avoir « envoyé un message néga­tif aux Grecs » en orga­ni­sant un réfé­ren­dum ! Alexis Tsipras n’a fait que consta­ter qu’il n’avait pas le mandat pour signer l’ac­cord que lui soumet­taient les créan­ciers. Si l’Eu­ro­groupe – qui s’est rangé aux posi­tions les plus intran­si­geantes et les plus brutales du FMI – est si convaincu de la justesse et du bien-fondé de ses posi­tions, que craint-il de la consul­ta­tion du peuple ?

Pour leur part, les diri­geants grecs ont toujours indiqué qu’un accord ne trai­tant pas la ques­tion de la soute­na­bi­lité de la dette, ni celle de la recons­truc­tion de l’ap­pa­reil produc­tif grec, ne résou­drait rien. Les diri­geants euro­péens ont systé­ma­tique­ment refusé d’in­clure dans les négo­cia­tions la pers­pec­tive d’une restruc­tu­ra­tion de la dette publique grecque, alors même qu’ils savent celle-ci inévi­table. Dès 2012, ils s’étaient enga­gés – mais n’ont pas respecté cet enga­ge­ment – à remettre la ques­tion de la dette grecque sur le métier. De fait, aucun écono­miste sérieux ne conteste le carac­tère insou­te­nable de la dette grecque mais la nouvelle Troïka cherche avant tout à montrer – en dépit de toutes les évidences – qu’il n’y a pas d’al­ter­na­tive aux poli­tiques défla­tion­nistes qui ont « si bien marché » en Europe depuis 2010, comme déjà dans les années 1930…

Le commu­niqué de l’Eu­ro­groupe signi­fie aussi que nul n’a tenté de s’op­po­ser à la créa­tion d’une procé­dure de mise à l’écart visant à pous­ser un pays hors de la zone euro. Contrai­re­ment à ses décla­ra­tions, le gouver­ne­ment français n’a jamais fait le « trait d’union » entre l’Eu­ro­groupe et le gouver­ne­ment Tsipras. Les consé­quences de son inac­tion sont désor­mais drama­tiques.

Nous, Écono­mistes atter­rés, dénonçons le coup de force en cours contre la Grèce et son peuple. Il est plus que temps de mettre fin aux menaces où l’UE jusqu’ici s’est complu. Les peuples euro­péens ont tout à y perdre et rien à y gagner. L’UE a entre les mains une propo­si­tion d’Alexis Tsipras, résul­tat de longues négo­cia­tions et de compro­mis multiples. En outre, un mora­toire de quelques années sur sa dette publique permet­trait au gouver­ne­ment grec de mettre en œuvre une poli­tique indus­trielle et de prendre le temps de discu­ter des moda­li­tés de la restruc­tu­ra­tion de cette dette. Pour­suivre dans le déni et les ulti­ma­tums conduira l’Eu­rope à une crise majeure. Il reste peu de temps pour la préve­nir. »

http://www.atterres.org/article/zone-euro-19-moins-un

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