Appel du Printemps de la Psychiatrie
Dimanche 9 juin au soir, nous avons été saisi.es par l’événement : la dissolution décidée par Macron a rendu possible l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Il est urgent d’agir pour se rassembler et empêcher cette bascule périlleuse. Permettre l’installation d’un régime d’extrême droite, c’est laisser libre cours à cette logique de destructivité et de déshumanisation contre laquelle nous luttons déjà au quotidien.
Souvenons-nous de la fondation d’une psychiatrie humaniste dans la résistance antifasciste pendant la Seconde guerre mondiale avec François Tosquelles et Lucien Bonnafé qui, dans le cadre de la Résistance, luttèrent pied à pied à Saint-Alban avec celles et ceux qui se tenaient là, patient.es,
religieuses, paysan.nes, réfugié.es, alors que se produisait ailleurs une « hécatombe des fous » avec 45000 mort.es de faim. C’est depuis cette position résistante et inventive que cette révolution psychiatrique s’opéra, et que se construisirent ces mouvements émancipateurs en psychiatrie que sont la psychothérapie institutionnelle, le désaliénisme et la psychiatrie de secteur.
La destruction de l’hôpital public a été menée depuis quarante ans par les gouvernements successifs avec des attaques contre la Sécurité Sociale, contre la Solidarité comme organisatrice de notre système de santé, tentative d’effacement de ce que le Conseil National de la Résistance
imagina dès le mois de mai 1943. Les dizaines de milliers de lits fermés en psychiatrie au fil des décennies, ainsi que la diminution coupable du nombre de CMP, CATTP… ont barré l’accès aux soins des « moins malades », adultes et enfants, obligé.es de se contenter de prescriptions de psychotropes à vie par leur généraliste, d’une inclusion au rabais, et jeté les plus fragiles, les exilés, les migrants dans la rue ou en prison. Depuis la construction de la figure du schizophrène dangereux jusqu’aux fichiers Hopsyweb, les gouvernements ont désigné les « hors la norme » comme une des figures de l’ennemi. La contention est réapparue, le recours
à l’isolement s’est démultiplié, les hospitalisations sans consentement se sont généralisées.
Depuis la « nuit sécuritaire » de Sarkozy, nos différents collectifs citoyens – qu’ils soient d’usager.e.s, de familles, de professionnell.e.s (de soin, du social, du médico-social notamment)- œuvrent à défendre une psychiatrie humaine, celle qui permet à chacun.e, avec du temps et de la présence, de sortir de la catastrophe et de retisser les fils de l’existence humaine.
Les 24 et 25 mai, les Assises citoyennes du soin psychique se concluaient en insistant sur les principes qui nous portent : l’hospitalité à la folie, la défense de notre système de santé, l’accès aux soins pour tou.te.s, l’hôpital public, et la défense des soins psychiques dans le médico-social et partout.
On peut parier que l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir ne ferait qu’aggraver la casse d’une psychiatrie pour enfants et adultes soucieuse de l’humain et de l’altérité, luttant contre les processus ségrégatifs et discriminants. Le programme du Rassemblement National, en
proposant d’augmenter le pouvoir d’achat des salarié.es en diminuant leurs cotisations sociales réduirait encore les moyens de la santé en général et de la psychiatrie en particulier.
Pour empêcher cette catastrophe, nous appelons à soutenir toutes les initiatives et à rejoindre les manifestations citoyennes, associatives et syndicales qui vont se tenir autour du mot d’ordre de Front Populaire. Dans nos pratiques et dans nos vies, dans la rue et par nos
votes, pour que les 30 juin et 7 juillet prochains les urnes ne soient pas le tombeau de nos libertés, mobilisons-nous !
Et après les élections, quoi qu’il arrive, nous nous battrons pour ces valeurs et ces pratiques de soins psychiques respectueuses de toutes et tous, de l’État de Droit et des Libertés fondamentales.