5 décembre 2025

À Gaza, la famine s’ins­talle et la guerre s’in­ten­si­fie

Plus jamais ça pour personne (et autres textes)

À Gaza, la famine s’ins­talle et la guerre s’in­ten­si­fie

Des écoles aux hôpi­taux, en passant par les immeubles rési­den­tiels et les tentes de dépla­cés, partout à Gaza, les frappes israé­liennes s’abattent sur une popu­la­tion à bout de souffle. Près de deux ans après le début de la guerre, l’en­clave n’est plus seule­ment un champ de ruines, c’est un terri­toire où la famine est deve­nue une arme.

« Aujourd’­hui, le monde regarde avec horreur la situa­tion dans le terri­toire pales­ti­nien occupé », a constaté mercredi Ramiz Alak­ba­rov, l’en­voyé de l’ONU pour le proces­sus de paix au Moyen-Orient, devant le Conseil de sécu­rité.

Le bilan humain de l’été est verti­gi­neux : depuis le 23 juillet, plus de 2 500 Pales­ti­niens ont été tués par l’ar­mée israé­lienne, dont 271 alors qu’ils tentaient de se procu­rer de l’aide, selon le minis­tère de la santé local.

Près de 250 jour­na­listes pales­ti­niens ont péri depuis le début du conflit, dont cinq le 25 août dernier, lors d’une double frappe sur l’hô­pi­tal Nasser, à Khan Younès, l’un des derniers encore en acti­vité dans le sud de Gaza.

Une tragé­die déli­bé­rée
Depuis le 22 août, la famine, long­temps redou­tée, est désor­mais une réalité offi­cielle dans l’en­clave. « Plus d’un demi-million de personnes y sont actuel­le­ment confron­tées », a alerté Joyce Msuya, du bureau des affaires huma­ni­taires de l’ONU.

Pour l’heure, la famine est concen­trée dans les envi­rons de la ville de Gaza, dans le nord du terri­toire. Mais selon le Cadre inté­gré de clas­si­fi­ca­tion de la sécu­rité alimen­taire (IPC), un groupe d’ex­perts inter­na­tio­naux faisant auto­rité en matière de sécu­rité alimen­taire, elle devrait s’étendre d’ici fin septembre à Deir al-Balah, dans le centre, et à Khan Younès, dans le sud.

Les chiffres donnent le vertige : 132 000 enfants de moins de cinq ans devraient souf­frir de malnu­tri­tion aiguë d’ici l’été 2026, dont 43 000 risquent de mour­rir.

« Soyons clairs : cette famine n’est pas le produit d’une séche­resse ni d’une catas­trophe natu­relle. C’est une tragé­die provoquée par le conflit », a insisté Mme Msuya. Les infra­struc­tures vitales – santé, eau, assai­nis­se­ment, produc­tion alimen­taire – sont détruites ou hors d’usage. Selon l’ONU, 98% des terres culti­vables sont inac­ces­sibles, et le chep­tel décimé.

Égale­ment invi­tée à la réunion du Conseil, la direc­trice de l’ONG Save the Chil­dren Inter­na­tio­nal, Inger Ashing, est venue rappe­ler de manière glaçante ce qu’im­plique ce mot : famine. « C’est un stade où il n’y a plus de points de rupture et plus de sonnettes d’alarme », a-t-elle prévenu.

Mme Ashing a décrit, par le détail, la dété­rio­ra­tion progres­sive du cœur, des reins, des muscles et des organes entraî­née par la faim, juste avant la mort. « Tous les déci­deurs dans toutes les capi­tales du monde – tous ceux qui sont dans cette salle – ont la respon­sa­bi­lité légale et morale d’agir pour mettre fin à ces atro­ci­tés », a-t-elle souli­gné.

Le spectre d’un exode massif
Sur le terrain, l’étau conti­nue de se resser­rer. Le gouver­ne­ment israé­lien a annoncé le 8 août son inten­tion de prendre le contrôle de la ville de Gaza. Une opéra­tion d’am­pleur qui pour­rait provoquer de nouveaux dépla­ce­ments massifs. D’ores et déjà, 86% du terri­toire de l’en­clave se trouve sous statut de zone mili­taire. En juillet, 800 000 Pales­ti­niens ont dû fuir vers des zones surpeu­plées et dépour­vues d’abris.

Malgré l’en­trée accrue de camions d’aide et de biens commer­ciaux, les efforts huma­ni­taires sont jugés déri­soires au regard des besoins des 2,1 millions de rési­dents de Gaza. « Ces avan­cées sont impor­tantes, mais elles ne permet­tront ni d’in­ver­ser la famine ni de l’ar­rê­ter », a souli­gné Joyce Msuya.

Appels au cessez-le-feu et à la libé­ra­tion des otages
Face à ce tableau de déso­la­tion, l’ONU redouble d’aver­tis­se­ments. « La seule manière d’ar­rê­ter ces souf­frances immenses et indes­crip­tibles est un cessez-le-feu total, immé­diat et perma­nent, ainsi que la libé­ra­tion incon­di­tion­nelle de tous les otages », a martelé Ramiz Alak­ba­rov.

Ces otages, Ilana Grit­zewsky, ex-déte­nue du Hamas libé­rée en mars, est venue leur donner un visage. Née au Mexique, instal­lée en Israël pour « échap­per à l’in­sé­cu­rité », elle a raconté comment sa vie a basculé le 7 octobre 2023.

Attra­pée par les cheveux, frap­pée, jetée contre un mur, agres­sée sexuel­le­ment et filmée, elle a survécu à 55 jours de capti­vité sans soins ni médi­ca­ments. « Plus rien ne sera plus pareil », a-t-elle confié, évoquant ses frac­tures et ses séquelles physiques. « Je demande à tous ceux qui affirment avoir encore un cœur d’être des nôtres, car le silence, c’est la trahi­son », a-t-elle lancé, récla­mant la libé­ra­tion immé­diate de tous les captifs, dont son compa­gnon, Matan Zangau­ker.

À New York, les diplo­mates rappellent que la solu­tion à deux États demeure la seule issue viable. Mais à Gaza, où la famine progresse chaque jour et où les civils conti­nuent de mourir sous les bombes, le temps presse. « Mettre fin à cette crise d’ori­gine humaine exige que nous agis­sions comme s’il s’agis­sait de notre mère, de notre père, de notre enfant, de notre famille », a conclu Joyce Msuya.

https://news.un.org/fr/story/2025/08/1157362

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La descente de Gaza vers une « famine massive » a commencé

« Nous nous diri­geons vers une famine massive » à Gaza. Le message des agences huma­ni­taires de l’ONU est on ne peut plus clair concer­nant la situa­tion drama­tique que connaît l’en­clave pales­ti­nienne rava­gée par la guerre.

La Fonda­tion huma­ni­taire de Gaza, l’or­ga­ni­sa­tion d’aide privée soute­nue par les États-Unis et Israël, conti­nue de rece­voir ses propres appro­vi­sion­ne­ments, mais cela ne suffit pas à enrayer ce qui appa­raît comme inéluc­table, a insisté vendredi Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coor­di­na­tion de l’aide huma­ni­taire des Nations Unies (OCHA).

Cet aver­tis­se­ment inter­vient alors que des infor­ma­tions font état d’une inten­si­fi­ca­tion des opéra­tions mili­taires israé­liennes dans la ville de Gaza.

Évoquant la dernière évalua­tion catas­tro­phique du groupe d’ex­perts du Cadre inté­gré de clas­si­fi­ca­tion de la sécu­rité alimen­taire, soutenu par l’ONU, M. Laerke a souli­gné que 500 000 personnes se trouvent aujourd’­hui dans la situa­tion la plus critique, et que 160 000 autres devraient s’ajou­ter à ce nombre dans les semaines à venir.

Tout le monde manque de nour­ri­ture
« Ils ont tous besoin de nour­ri­ture », a-t-il dit aux jour­na­listes à Genève. « La bande de Gaza tout entière a besoin de nour­ri­ture. La famine n’au­rait pas été décla­rée s’il y avait suffi­sam­ment de nour­ri­ture ».

Par ailleurs, l’Or­ga­ni­sa­tion mondiale de la santé (OMS) a souli­gné le risque crois­sant de mala­dies trans­mis­sibles à Gaza, avec 94 cas suspects de syndrome de Guillain-Barré désor­mais signa­lés.

Selon l’OMS, la mala­die peut provoquer une para­ly­sie et peut être trai­tée à l’hô­pi­tal par immu­no­glo­bu­lines intra­vei­neuses ou plas­ma­phé­rèse.

« Mais ces deux [trai­te­ments] sont en rupture de stock, tout comme les anti-inflam­ma­toires », a déclaré Chris­tian Lind­meier, porte-parole de l’OMS, faisant réfé­rence aux restric­tions israé­liennes actuelles sur l’aide huma­ni­taire qui impactent l’ache­mi­ne­ment des four­ni­tures huma­ni­taires à Gaza. « Ces livrai­sons doivent être accé­lé­rées de toute urgence, tout comme les capa­ci­tés de surveillance et de dépis­tage ».

Offen­sive sur la ville de Gaza
L’ONU craint que l’of­fen­sive israé­lienne sur la ville de Gaza n’ait des consé­quences encore plus terribles sur la popu­la­tion de la bande de Gaza si elle s’in­ten­si­fiait, a déclaré vendredi le porte-parole du Secré­taire géné­ral de l’ONU, Stéphane Dujar­ric, lors d’un point de presse à New York.

« L’ONU prend note de l’an­nonce israé­lienne faite aujourd’­hui de la fin des pauses tactiques quoti­diennes à Gaza, une zone désor­mais clas­sée par Israël comme ‘zone de combat dange­reu­se’. Cette suspen­sion mena­cera davan­tage la vie des popu­la­tions et la capa­cité des travailleurs huma­ni­taires à venir en aide à la popu­la­tion », a-t-il dit.

L’équipe de l’ONU sur le terrain a déclaré que ces pauses annon­cées semblaient témoi­gner d’une certaine volonté de permettre la pour­suite des opéra­tions huma­ni­taires. Pour­tant, ces dernières semaines, elle a observé des bombar­de­ments dans les zones concer­nées et aux moments où de telles pauses avaient été décré­tées.

« Le Bureau de la coor­di­na­tion des affaires huma­ni­taires des Nations Unies souligne que les opéra­tions d’aide huma­ni­taire vitale doivent être renfor­cées, et non annu­lées », a dit M. Dujar­ric.

« Par ailleurs, forcer des centaines de milliers de personnes à se dépla­cer plus au sud est une source de catas­trophe supplé­men­taire et pour­rait s’ap­pa­ren­ter à un trans­fert forcé », a-t-il ajouté.

Faci­li­ter l’aide huma­ni­taire
« L’ONU et ses parte­naires restent à Gaza pour appor­ter une aide vitale, avec l’en­ga­ge­ment de servir les popu­la­tions où qu’elles se trouvent. L’ONU s’at­tend à ce que son travail soit plei­ne­ment faci­lité et rappelle aux parties que les civils, y compris les travailleurs huma­ni­taires, doivent être proté­gés en perma­nence. Les instal­la­tions huma­ni­taires et autres infra­struc­tures civiles doivent égale­ment être préser­vées », a-t-il dit.

L’OCHA affirme que les travailleurs huma­ni­taires conti­nuent de se heur­ter à des obstacles dans leurs dépla­ce­ments à l’in­té­rieur de la bande de Gaza.

Entre le 20 et le 26 août, sur 89 tenta­tives de coor­di­na­tion de missions de secours avec les auto­ri­tés israé­liennes à Gaza, 53 ont été faci­li­tées, 23 initia­le­ment approu­vées puis entra­vées sur le terrain, sept ont été refu­sées et six ont dû être annu­lées par les orga­ni­sa­teurs, a indiqué l’OCHA.

Violence des colons israé­liens en Cisjor­da­nie
En ce qui concerne la Cisjor­da­nie, les agences huma­ni­taires indiquent qu’elles conti­nuent de consta­ter des niveaux très élevés de violence de la part des colons israé­liens contre les Pales­ti­niens, ce qui a un impact sur la situa­tion huma­ni­taire.

Entre mardi dernier et lundi, l’OCHA a recensé au moins 15 attaques ayant causé des bles­sures ou des dégâts maté­riels dans 13 commu­nau­tés pales­ti­niennes. Ces attaques ont blessé huit Pales­ti­niens et contraint six familles d’éle­veurs à fuir leurs foyers, soit 15 adultes et près de 20 enfants dépla­cés.

https://news.un.org/fr/story/2025/08/1157372

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