Le 6 septembre s’est tenue l’assemblée de rentrée du Front de gauche (FdG). C’était la première du genre. La composition de cette assemblée était caractéristique du fonctionnement du FdG qui combine la présence d’organisations politiques, de structures de base « les assemblées citoyennes », de structures transversales « les fronts thématiques » et d’individus non encartés. Il s’agissait d’avoir lors de cette journée une photographie aussi fidèle que possible de cette réalité. Y ont ainsi participé des représentants des fronts thématiques, des assemblées citoyennes lorsque celle-ci avaient une réalité effective, des représentants des composantes politiques, et des « personnalités » non encartées, qui avaient ou non participé aux travaux du Conseil national, et qui se reconnaissent dans l’activité et le positionnement du FdG. Environ 200 personnes étaient présentes, majoritairement issues des forces politiques constitutives du FdG, dont une importante délégation d’Ensemble.
La tenue de cette assemblée avait été décidée à la suite du mauvais résultat des élections européennes et après une année calamiteuse qui avait vu la dynamique du FdG s’enrayer et les divisions internes s’amplifier notamment (mais pas seulement !) de par le choix du PCF de s’allier au PS dans la moitié des grandes villes pour les élections municipales. Il s’agissait pour ses diverses composantes de relancer, voire de refonder à cette occasion le FdG. Le fait que cette assemblée se tenait dans un contexte d’aggravation de la crise politique ne faisait que renforcer cette nécessité.
Quel bilan peut-on en tirer ?
Tout d’abord, les débats ont été de très bonne qualité et les interventions très nombreuses, une centaine de personnes ayant pu prendre la parole. La qualité d’écoute et le respect des positions des uns et des autres a été de mise. Des points d’accords importants ont été constatés, que ce soit sur la profondeur de la crise politique, sur l’analyse du gouvernement Valls, et sur la nécessité, dans cette situation, pour le FdG d’être à l’offensive pour mettre en échec la politique du gouvernement. Une déclaration de la coordination du FdG en ce sens a d’ailleurs été présentée lors de cette journée. De plus, tout le monde a admis qu’il fallait rapidement avancer, d’une façon ou d’une autre, sur la question des adhésions directes.
Cependant, cette assemblée n’a pas permis de surmonter un certain nombre de divergences stratégiques. Les débats n’ont pas permis de clarifier la stratégie de la direction du PCF quant à ses rapports au PS, notamment au niveau électoral dans la perspective des prochaines échéances. Or celles-ci se rapprochent et le FdG ne peut se permettre de rejouer la pièce des municipales. On peut s’interroger sur la place et le rôle que le PC veut accorder au FdG dans la situation actuelle.
Le PG, pour sa part, a présenté sa nouvelle orientation que l’on peut résumer en quatre éléments : le clivage gauche/droite est dépassé ; les partis politiques sont discrédités ; il faut mettre le peuple en mouvement ; face à la crise politique, il faut créer un mouvement pour la VIe République qui doit fédérer le peuple et permettre ainsi de gagner l’élection présidentielle. Les représentants du PG ont ainsi appelé les participants à rejoindre le mouvement pour la VIe République dont la création avait été annoncée quelques jours auparavant par Jean-Luc Mélenchon.
Au-delà, de la méthode employée – annonce unilatérale suivie d’une demande de ralliement – cette orientation pose de nombreux problèmes. Certes, de nombreux électeurs assimilent la gauche à la politique du PS et, de ce point de vue, le clivage gauche/droite, semble effectivement dépassé. S’en tenir là, c’est cependant oublier deux éléments. D’abord, pour une part encore importante de l’opinion, une bonne partie du « peuple de gauche », ce clivage reste important. Mais surtout ce clivage est revitalisé par l’évolution de la situation politique. Ainsi, après la nomination du nouveau gouvernement Valls et le discours de ce dernier à l’Université du Medef, nombre de médias se sont sérieusement interrogés sur le fait de savoir si Manuel Valls est de droite… preuve s’il en est que le clivage droit/gauche a encore du sens, ce que prouve aussi la création dans le PS du courant « Vive la gauche ». Décréter la fin du clivage gauche/droite risque donc d’apporter plus de confusion que de clarification, nous empêchant de plus de peser sur les contradictions internes de la majorité gouvernementale.
Les mobilisations sociales et les réactions citoyennes sont absolument indispensables pour construire une alternative politique. Mais nous n’avons pas connu en France une vague populaire, comme l’a été le mouvement des places en Grèce ou le 15M en Espagne, qui redessinerait un champ politique nouveau, soit par la création d’une nouvelle force politique type Podemos, soit par la transfiguration d’une force politique déjà existante, cas de Syriza. Il nous faut donc des leviers, des médiations, pour construire ces mobilisations sociales et citoyennes et remettre le peuple en mouvement.
Comment croire que la création ex nihilo d’un mouvement politique pour la VIe République permettrait, comme par miracle, de remettre le peuple en mouvement ? Le PG a raison d’insister sur la crise démocratique, qui constitue aujourd’hui une question majeure, dénoncée par diverses forces politiques au-delà du FdG. Mais pour que la VIe République devienne crédible il faut construire des de rapports de force et donc des alliances larges. Si l’exigence justifiée d’une VIe République peut émerger d’un mouvement de masse, elle a peu de chance d’en être le déclencheur.
Pour notre part, nous avons réaffirmé l’orientation qu’Ensemble porte depuis des mois. L’objectif du FdG doit d’être de faire émerger une alternative politique à gauche à la politique gouvernementale. Cela passe par le rassemblement de toutes celles et ceux qui sont opposées à cette politique, d’où notre proposition d’assises contre l’austérité et pour la transformation sociale et écologique qui devraient regrouper forces politiques, associatives et syndicales. Il s’agit d’articuler les réponses immédiates au niveau démocratique, social et écologique avec des perspectives de plus long terme. Un tel processus doit être décliné du national au local et permettre de construire un cadre de débat et d’action. Mais il faut aussi que le FdG soit à l’écoute de ce qui bouge dans la société et qui refuse les logiques dominantes. Des processus de contestation porteurs de perspectives d’émancipation y sont à l’œuvre. Il est décisif de s’appuyer sur eux pour construire un projet de transformation social et écologique et remettre le peuple en mouvement. Cette perspective de rassemblement face aux politiques gouvernementales qui s’appuierait sur les mobilisations existantes dans la société peut commencer d’ores et déjà à prendre corps : dans des nombreux villes et localités, il est possible de prendre des initiatives, d’organiser des réunions, de reprendre confiance dans notre capacité à agir.
L’enjeu dans la période actuelle est de faire vivre la démarche politique que représente le FdG et de redonner du crédit à sa fonction politique. L’assemblée du 6 septembre a permis de susciter un débat inédit et transversal, entre les différents espaces du FdG et ce type de réunion doit être organisée régulièrement. La question de la participation citoyenne – que ce soit à travers la question des adhésions directes ou selon d’autres modalités – devrait être prise à bras le corps. Enfin, il est essentiel de donner à voir rapidement que le FdG sera uni dans les prochaines échéances électorales. Ce qui suppose non seulement la construction d’une position commune autours des réponses politiques programmatiques à défendre, mais également la nécessaire autonomie vis-à-vis du PS avec une démarche de rassemblement des forces politiques opposées à l’austérité et à la politique gouvernementale.
Ces débats stratégiques n’ont pu être tranché le 6 septembre. Ils ont été par contre clairement exposés. Les positions en présence dessinent certes des perspectives différentes, mais sont-elles absolument contradictoires ? Ne peut-on pas les rendre complémentaires ? C’est notre pari. Ces questions devraient être résolues assez rapidement. Une nouvelle assemblée est prévue au mois de novembre.
La délégation de l’équipe d’animation nationale d’Ensemble.