« Big Bang » poli­tique

Un millier de signa­taires, dont Clémen­tine Autain et Elsa Faucillon, appellent, dans une tribune au « Monde », à « construire une espé­rance » autour des exigences sociales et écolo­giques, loin des accords de circons­tance, des logiques de rallie­ment et de « la haine pour moteur ».

Tribune. Où sont passés la colère sociale et l’es­prit critique qui s’ai­guisent depuis des mois dans notre pays ? Ils demeurent dans les têtes, dans les cœurs et dans la rue. Mais la situa­tion poli­tique est catas­tro­phique. Au lende­main des élec­tions euro­péennes, le bon résul­tat de l’éco­lo­gie poli­tique ne peut masquer le fait que la gauche est en miettes, déser­tée par une très grande partie des classes popu­laires. La gauche et l’éco­lo­gie poli­tique sont loin de pouvoir consti­tuer une alter­na­tive alors même que le pouvoir en place et la droite fasci­sante dominent la scène poli­tique dans un face-à-face menaçant où chacun se nour­rit du rejet de l’autre et le renforce. Le pire peut désor­mais arri­ver. Nous n’ac­cep­tons pas ce scéna­rio. Nous devons, nous pouvons propo­ser un nouvel hori­zon.

La raison essen­tielle de ce désastre est l’ab­sence d’une pers­pec­tive éman­ci­pa­trice qui puisse fédé­rer les colères et les aspi­ra­tions autour d’un projet poli­tique de profonde trans­for­ma­tion de la société. Un big bang est néces­saire pour construire une espé­rance capable de rassem­bler et de mobi­li­ser.

Réin­ven­ter nos modèles et nos imagi­naires

Il y a du pain sur la planche : réin­ven­ter nos modèles et nos imagi­naires, rompre avec le produc­ti­visme et le consu­mé­risme qui nous mènent au chaos clima­tique, à la dispa­ri­tion des espèces et à une drama­tique déshu­ma­ni­sa­tion, substi­tuer le partage des richesses, des pouvoirs et des savoirs aux lois de la finance et de la compé­ti­ti­vité.

L’enjeu, c’est aussi d’arti­cu­ler les diffé­rents combats éman­ci­pa­teurs pour déga­ger une cohé­rence nouvelle qui s’at­tache aux exigences sociales comme écolo­giques, à la liberté des femmes comme à la fin de toutes les formes de racisme, aux condi­tions et au sens du travail comme au droit à la ville, à la maîtrise de la révo­lu­tion numé­rique comme à l’éga­lité dans l’ac­cès à l’édu­ca­tion et à la culture, à la promo­tion des services publics comme au déve­lop­pe­ment de la gratuité.

Nous n’y parvien­drons qu’en assu­mant des ruptures franches avec les normes et les logiques capi­ta­listes. Ce qui suppose de nous affran­chir des logiques néoli­bé­rales et auto­ri­taires qu’or­ga­nisent les trai­tés euro­péens et de donner à nos combats une dimen­sion inter­na­tio­na­liste.

Et pour cela, ce big bang doit aussi toucher aux formes de l’en­ga­ge­ment. La poli­tique est en crise globale. La défiance est massive à l’égard des repré­sen­tants et des partis poli­tiques, et plus géné­ra­le­ment à l’égard de toutes les formes délé­ga­taires de repré­sen­ta­tion. Il est impé­ra­tif d’in­ven­ter la façon de permettre, à toutes celles et ceux qui dési­rent s’en­ga­ger, de vivre ensemble et d’agir avec des courants poli­tiques consti­tués qui doivent inté­grer dans leurs orien­ta­tions les expé­riences alter­na­tives en cours. Et cela suppose de repen­ser les lieux et les moda­li­tés du mili­tan­tisme autant que les rouages de la déli­bé­ra­tion collec­tive.

L’exi­gence démo­cra­tique se trouve dans toutes les luttes de notre époque, sociales, écolo­gistes, fémi­nistes, anti­ra­cis­tes…, de Nuit debout aux « gilets jaunes ». Elle implique de penser les média­tions, de favo­ri­ser des liens respec­tueux, loin de toute logique de mise au pas, avec les espaces poli­tiques, sociaux, cultu­rels qui visent l’éman­ci­pa­tion humaine. Puisque nous prônons une nouvelle Répu­blique, la façon dont nous allons nous fédé­rer dira notre crédi­bi­lité à porter cette exigence pour la société tout entière.

Il est temps de se parler et de s’écou­ter, de se respec­ter pour pouvoir avan­cer en combi­nant le combat pour les exigences sociales et écolo­giques

Le pire serait de conti­nuer comme avant, de croire que quelques micro-accords de sommet et de circons­tances pour­raient suffire à régé­né­rer le camp de l’éman­ci­pa­tion, que l’ap­pel à une impro­bable « union de la gauche » à l’an­cienne serait le sésame. Nous sommes animés par un senti­ment d’ur­gence et par la néces­sité de briser les murs qui se dressent au fur et à mesure que la situa­tion produit des cris­pa­tions et des raidis­se­ments. Il est temps de se parler et de s’écou­ter, de se respec­ter pour pouvoir avan­cer en combi­nant le combat pour les exigences sociales et écolo­giques.

Nous pensons bien sûr aux forces poli­tiques – « insou­mis », commu­nistes, anti­ca­pi­ta­listes, socia­listes et écolo­gistes déci­dés à rompre avec le néoli­bé­ra­lisme. Mais ce dialogue entre mouve­ments poli­tiques consti­tués ne suffira pas à soule­ver les montagnes pour redon­ner confiance et espoir. C’est plus large­ment que les portes et les fenêtres doivent s’ou­vrir aux citoyens, à la vita­lité asso­cia­tive, au monde syndi­cal, aux espaces cultu­rels et intel­lec­tuels critiques, aux déso­béis­sants du climat, à celles et ceux qui luttent au quoti­dien contre les oppres­sions et les violences poli­cières.

Ces forces existent

Il y a urgence. Nous savons la dispo­ni­bi­lité d’un grand nombre de citoyens et de mili­tants à unir leurs éner­gies pour ouvrir une pers­pec­tive de progrès. Ces forces existent dans la société mais elles n’ar­rivent pas à se traduire dans l’es­pace poli­tique. C’est ce déca­lage qu’il faut affron­ter et combler. Sans raccourci. Un travail patient autant qu’urgent de dialogue, d’ou­ver­ture, d’ex­pé­ri­men­ta­tions est devant nous si nous voulons rassem­bler pour émettre une propo­si­tion poli­tique propul­sive. Il faut de la visée, du sens, de l’en­thou­siasme pour qu’une dyna­mique s’en­clenche, pour qu’elle se fixe l’objec­tif d’être majo­ri­taire.

C’est d’une vision plus encore que d’une juxta­po­si­tion de colères et de propo­si­tions que notre pays a aujourd’­hui besoin. Loin du ressen­ti­ment et de la haine pour moteur, nous devons faire vivre un hori­zon commun de progrès pour l’hu­ma­nité. La réus­site de cette entre­prise tient en grande partie à la capa­cité à assu­mer un plura­lisme authen­tique tout en déga­geant de nouvelles cohé­rences parta­gées. Toute logique de rallie­ment, de mise au pas derrière un seul des courants d’idées qui composent ce large espace à fédé­rer se traduira par un échec à court ou moyen terme.

C’est pourquoi nous invi­tons au débat partout pour la construc­tion d’un cadre de rassem­ble­ment poli­tique et citoyen, avec l’objec­tif de parti­ci­per acti­ve­ment à la réus­site de cette inven­tion à gauche que nous appe­lons de nos vœux. Nous savons la diffi­culté de l’en­tre­prise. Mais elle est indis­pen­sable. Et beau­coup de voix s’élèvent pour en affir­mer l’exi­gence. Faisons conver­ger nos efforts. Enga­geons-la ensemble.

[Une réunion publique à l’ini­tia­tive des signa­taires est prévue le dimanche 30 juin à 15 heures au cirque Roma­nès, à Paris 16e]

Parmi les premiers signa­taires : Salah Amokrane, diri­geant asso­cia­tif ; Ariane Asca­ride, comé­dienne ; Clémen­tine Autain,dépu­tée (LFI) de Seine-Saint-Denis ; Etienne Bali­bar, philo­sophe ;François Bégau­deau, écri­vain ; Patrick Chamoi­seau, écri­vain ; Rokhaya Diallo, jour­na­liste et cinéaste ; Cédric Durand, écono­miste ; Elsa Faucillon, dépu­tée (PCF) des Hauts-de-Seine ; Karl Ghazi,syndi­ca­liste ; Eva Husson, auteure et réali­sa­trice ; Razmig Keucheyan, socio­logue ; Mathilde Larrère, histo­rienne ; Chris­tian Laval, socio­logue ; Laurence Lyon­nais, mili­tante éco-socia­liste ; Corinne Morel-Darleux, auteure et conseillère régio­nale ; Auré­lie Trouvé, mili­tante asso­cia­ti­ve… et plus de 1 000 citoyens, élus, mili­tants poli­tiques, asso­cia­tifs et syndi­caux, artistes et intel­lec­tuels (liste complète à retrou­ver sur https://www.pourun­big­bang.fr/)

Collec­tif

Une réflexion sur « « Big Bang » poli­tique »

  1. Bonjour,
    Après cette sortie de piste, c’est l’heure du bilan et des perspectives : je propose à tous les militants/sympathisants de LFI, l’organisation d’une rencontre/échanges au niveau départemental (espace politique compris naturellement)
    Cette rencontre aura lieu dans la salle Agora (Av Gérard Girault, suivre les flèches) à JAUNAY-MARIGNY, le MARDI 11 juin de 20h30 à 24h30.
    Pourquoi Jaunay-M ? parce que c’est entre Chatellerault et Poitiers. Pourquoi mardi prochain ? C’est le seul soir où une salle de 45 places est libre même tard. Elle se loue 70 €, donc merci d’apporter un peu de monnaie chacun pour partager. .. en plus du grignotage et boissons éventuelles (j’apporte le café et les verres). Liberté de paroles + convivialité obligent.
    Je pourrai par exemple y présenter la face cachée chiffrée des résultats, et soumettre au débat quelques analyses diverses qui commencent à émerger çà et là. Le but est d’abord l’échange lucide pour se serrer les coudes et éviter d’avoir le blues chacun dans son coin, éventuellement de trouver ensemble nos priorités et critères pour retrouver une « dynamique propulsive » et avancer vers les municipales en évitant le désordre, et éventuellement aussi de faire part de nos suggestions forcément intelligentes au national. D’ailleurs ne serions-nous pas inspirés nous aussi de poser des questions à ceux que nous croisons sans vraiment les voir : à leur avis, pourquoi ce résultat calamiteux de la FI ? Les électeurs qui n’ont pas voté pour nous ne sont-ils pas aussi bien placés que nous pour y répondre ? L’entre-soi n’est pas la meilleure corne d’abondance.
    C’est aussi au nombre de participants qu’on mesurera les potentialités ultérieures…
    A bientôt donc
    Cordialement,
    Yves     

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