Clémen­tine Autain : main­te­nant, c’est eux ou nous. Et chacun de nous doit se mettre en mouve­ment

Clémen­tine Autain : main­te­nant, c’est eux ou nous. Et chacun de nous doit se mettre en mouve­ment

par Clémen­tine Autain, dépu­tée LFI de Seine-Saint-Denis

11–6–2024

L’ex­trême droite est aux portes du pouvoir. Une chose est de l’an­ti­ci­per ; une autre est de le vivre, de le ressen­tir. C’est en puisant dans cette émotion que nous pouvons inver­ser le cours de l’his­toire. De cette fibre sensible alliée à la raison peut naître le soulè­ve­ment popu­laire qui condi­tionne la victoire. Cette éner­gie doit permettre l’union des gauches et des écolo­gistes, indis­pen­sable pour l’em­por­ter dans trois semaines.

Comme tant d’entre vous, je suis abasour­die qu’Em­ma­nuel Macron, humi­lié par la sanc­tion des urnes, ait annoncé la disso­lu­tion de l’As­sem­blée natio­nale au moment où l’ex­trême droite atteint un score élec­to­ral verti­gi­neux. Le Président aurait pu remettre son mandat en jeu, et le Premier ministre sa démis­sion. Ils auraient pu chan­ger de braquet, entendre la souf­france et la colère des Français, réorien­ter leurs choix poli­tiques. Mais voilà qu’Em­ma­nuel Macron, qui devait consti­tuer un rempart à Marine Le Pen, se trans­forme en passe­relle.

L’ur­gence nous implore de sortir de la sidé­ra­tion. La rési­gna­tion, le fata­lisme, l’ato­nie ne sont pas de saison. En 2002, quand Jean-Marie Le Pen fran­chit la barre du second tour de l’élec­tion prési­den­tielle, nous sommes vent debout. La société tout entière redresse la barre et lui inflige une cinglante défaite au second tour. Puis nous nous sommes relâ­chés, habi­tués en quelque sorte. La bana­li­sa­tion de l’ex­trême droite est entrée dans les têtes et dans les urnes. Un mouve­ment de norma­li­sa­tion, que la macro­nie a encou­ragé sans vergogne, nous a anes­thé­siés.

Empê­chons le désastre et ouvrons l’es­poir

Il faut que chacune, chacun se réveille, se secoue, se mobi­lise. Pour que les pauvres et les migrants ne soient pas pour­chas­sés en masse. Pour que l’as­su­rance chômage soit préser­vée et la retraite retrou­vée. Pour que le clima­tos­cep­ti­cisme ne l’em­porte pas. Que les droits des femmes ne régressent pas. Que le racisme, le rejet des mino­ri­tés, la haine de l’autre ne gagnent pas. Que ne soit pas liquidé ce qu’il nous reste de liber­tés et de démo­cra­tie.

Des millions de personnes savent ce qui leur en coûte­rait, dans leur vie, dans leur chair, d’une acces­sion de l’ex­trême droite au pouvoir. Pour elles, pour eux, pour nous, empê­chons le désastre et ouvrons l’es­poir.

Avant, on pouvait se raccro­cher à l’idée qu’il exis­tait malgré tout, à la fin, une solu­tion, certes mauvaise, mais une forme de moindre mal, pour que l’ex­trême droite n’ar­rive pas au pouvoir. On pouvait dormir tranquille si j’ose dire, le pire serait évité. C’est terminé. Non seule­ment la macro­nie est un mal en soi bien plus profond qu’on ne l’ima­gi­nait mais le bloc central n’est même plus en capa­cité de déjouer la victoire du Rassem­ble­ment natio­nal.

Main­te­nant, c’est eux ou nous. Et cela se joue dans trois semaines.

Les orga­ni­sa­tions syndi­cales et le mouve­ment social ont des clés

Ce « nous » doit se mettre en mouve­ment. Ce nous, ce sont les défen­seurs des droits et liber­tés, les syndi­ca­listes, les acti­vistes pour le climat, les mouve­ments fémi­nistes et LGBTQIA +, les collec­tifs de sans-papiers et de sans-abri, les mili­tants anti­ra­cistes, les asso­cia­tions des quar­tiers popu­laires, les sauve­teurs de migrants en mer, les artistes, les gilets jaunes, les fonc­tion­naires dont le statut est menacé, les familles mono­pa­ren­tales en colère, les maires qui savent ce qu’il en coûte­rait… et ont bien conscience de ce que devien­drait le loge­ment social, les sans-ascen­seurs, les comi­tés d’usa­gers… Ce « nous », c’est chacune, chacun. Ensemble, nous pouvons donner de la voix, mani­fes­ter, parta­ger nos partis pris, se mobi­li­ser partout, dans les rues, à la machine à café, dans les cages d’es­ca­lier, aux dîners en famil­le… Les orga­ni­sa­tions syndi­cales et le mouve­ment social ont des clés pour impul­ser ce défer­le­ment.

L’his­toire n’est jamais écrite. Après 1934, il y a 1936. Le mouve­ment de la société est de nature à bous­cu­ler la donne et entra­ver le scena­rio du pire. L’ur­gence est de trans­for­mer l’ad­di­tion des scores des gauches et des écolo­gistes –32 % – en dyna­mique poli­tique. Pour y parve­nir, c’est toute la société qu’il faut embarquer. Les partis poli­tiques n’y arri­ve­ront pas seuls. Ils ont la respon­sa­bi­lité de se rassem­bler et de propo­ser un chemin, en accep­tant le plura­lisme, en ayant conscience que personne ne gagnera en écra­sant les autres, en se mettant d’ac­cord sur des candi­da­tures et des mesures communes.

Les scores de dimanche ne permettent ni aux uns ni aux autres de dire « c’est ma ligne qui a gagné » à gauche. Ados­sée sur la cohé­rence d’un projet qui trans­forme en profon­deur les condi­tions de vie, la diver­sité est une richesse. Elle permet de conqué­rir des majo­ri­tés. Notre dyna­misme et notre crédi­bi­lité passent par la capa­cité à faire vivre un cadre commun et des enga­ge­ments indi­vi­duels. Là se trouve la façon moderne, diverse, d’in­car­ner le pouvoir poli­tique, loin du bona­par­tisme prési­den­tiel dont Macron est le sinistre modèle.

Les périodes d’ac­cé­lé­ra­tions de l’his­toire sont toujours celles de l’in­ven­tion, de l’iné­dit, de la créa­tion. Le mouve­ment du nombre, du peuple, peut bous­cu­ler les routines. Sortir des rancœurs pour se tour­ner vers nos tâches d’ave­nir, savoir ce qui nous rassemble quand on est face à la bête immonde : je suis sûre que nous en sommes capables.

Clémen­tine Autain, dépu­tée de la Saint-Saint-Denis

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