Covid : que faire face à la crise qui se prolonge ?

Sur le site EI : https://reflexions-echanges-insou­mis.org/vaccins-covid-biens-communs-et-issue-possible-a-la-crise-ou-source-de-profits-infi­nis-pour-big-pharma/ et sur le site E : https://www.ensemble-fdg.org/content/vaccins-covid-biens-communs-ou-source-de-profits-infi­nis

Le surgis­se­ment de l’épi­dé­mie à l’échelle mondiale a provoqué un ébran­le­ment des états et des socié­tés qui ouvre la possi­bi­lité d’une prise de conscience large que la mondia­li­sa­tion capi­ta­liste conduit à des crises très graves dont les dimen­sions sani­taires, sociales, écolo­giques sont étroi­te­ment imbriquées. La situa­tion actuelle, avec à la fois l’émer­gence en un temps record de solu­tions vacci­nales effi­caces et l’in­ca­pa­cité du système de produc­tion à garan­tir un appro­vi­sion­ne­ment univer­sel auto­ri­sant une vacci­na­tion de masse dans des délais rapides, souligne encore les impasses du capi­ta­lisme. La prolon­ga­tion de la crise est lourde de consé­quences sociales et écono­miques, mais égale­ment de risques démo­cra­tiques en lien avec la prolon­ga­tion indé­fi­nie de l’état d’ex­cep­tion.

En ce sens, l’épi­dé­mie mondiale est une sorte de répé­ti­tion de ce qui peut se produire de pire, mais aussi une alerte sur l’am­pleur des ruptures démo­cra­tiques et écolo­giques, écono­miques et poli­tiques, qu’il faut impo­ser pour espé­rer construire une issue posi­tive à la crise sani­taire actuelle et aux crises multiples du système. En France, le gouver­ne­ment néo-libé­ral et auto­ri­taire de Macron gère la pandé­mie de manière à la fois opaque et inef­fi­cace, anti­dé­mo­cra­tique et brutale. Sa « gouver­nance de la crise », singeant la guerre, mine et lamine le mouve­ment social et plus large­ment la société civile. Les promesses incan­ta­toires (« les jours heureux », l’iden­tité française à préser­ver dans les fêtes, la culture, etc.) combi­nées à l’in­con­sé­quence, à l’in­co­hé­rence et à l’aban­don, provoquent des refus indi­vi­duels ou collec­tifs – y compris irra­tion­nels ou complo­tistes – devant les preuves répé­tées d’une inca­pa­cité de la puis­sance publique à conduire une poli­tique sani­taire effi­cace et comprise par la popu­la­tion. La diffi­culté – engen­drée en partie par la peur, mais peut-être surtout par l’état de la société dans cette crise –  à mobi­li­ser par des méthodes collec­tives et soli­daires, pèse aussi, malgré des initia­tives dans plusieurs secteurs (santé, éduca­tion, luttes contre les licen­cie­ments, auto-orga­ni­sa­tion popu­laire face à la pauvreté). Dans ce contexte, il faut en appe­ler à une rupture avec les méthodes auto­ri­taires et cyniques du gouver­ne­ment et mobi­li­ser pour une véri­table démo­cra­tie sani­taire impliquant les collec­tifs popu­laires, ainsi que le savoir-faire des sala­rié.es, des asso­cia­tions, des syndi­cats.

Le surgis­se­ment de l’épi­dé­mie à l’échelle mondiale a provoqué un ébran­le­ment des états et des socié­tés qui ouvre la possi­bi­lité d’une prise de conscience large que la mondia­li­sa­tion capi­ta­liste conduit à des crises très graves dont les dimen­sions sani­taires, sociales, écolo­giques sont étroi­te­ment imbriquées. La situa­tion actuelle, avec à la fois l’émer­gence en un temps record de solu­tions vacci­nales effi­caces et l’in­ca­pa­cité du système de produc­tion à garan­tir un appro­vi­sion­ne­ment univer­sel auto­ri­sant une vacci­na­tion de masse dans des délais rapides, souligne encore les impasses du capi­ta­lisme. La prolon­ga­tion de la crise est lourde de consé­quences sociales et écono­miques, mais égale­ment de risques démo­cra­tiques en lien avec la prolon­ga­tion indé­fi­nie de l’état d’ex­cep­tion.

Imagi­ner une alter­na­tive à la gestion du gouver­ne­ment

Dans notre précé­dente note, consa­crée à la vacci­na­tion[1], nous avions conclu que « face à un gouver­ne­ment qui conduit une poli­tique cynique et incom­pé­tente, (…) il faut impo­ser une gestion collec­tive et démo­cra­tique de la crise sani­taire et défendre une autre poli­tique de santé et notam­ment des vaccins consi­dé­rés comme des biens communs ». Nous défen­dions en parti­cu­lier dans ce texte la mise sous licence publique des vaccins dont l’ef­fi­ca­cité est démon­trée et la réqui­si­tion des moyens de les produire pour enga­ger une campagne vacci­nale de masse. Cet objec­tif est désor­mais porté à travers une péti­tion natio­nale très large­ment signée, notam­ment par des person­na­li­tés enga­gées du monde de la santé et de la recherche et par des orga­ni­sa­tions syndi­cales et asso­cia­tives[2]. Le travail autour de cette péti­tion se pour­suit pour faire de cet enjeu un véri­table enjeu de masse.

Pour autant il paraît évident qu’à court terme la pandé­mie va demeu­rer un risque concret et lourd contre lequel la vacci­na­tion ne permet pas à elle seule dans l’im­mé­diat de prému­nir la société dans son ensemble. C’est pourquoi, au-delà des seuls enjeux vacci­naux et plus large­ment théra­peu­tiques (la mise en œuvre d’un  trai­te­ment cura­tif ou préven­tif) il faut imagi­ner et défendre une alter­na­tive radi­cale immé­diate à la stra­té­gie sani­taire suivie par le pouvoir.

Dans ce cadre on ne peut passer sous silence les dégâts sociaux qu’elle a déjà causé et la surdité totale face à la détresse sociale de nombreux secteurs d’un gouver­ne­ment qui a mis en cause « tout ce qui faisait lien ». Que la prio­rité de la ministre de l’En­sei­gne­ment Supé­rieur et de la Recherche soit une enquête sur « l’is­lamo-gauchisme »  alors que montent tous les signes de la souf­france et de la détresse du monde étudiant est un fait scan­da­leux parti­cu­liè­re­ment signi­fi­ca­tif de ses prio­ri­tés… Plus large­ment, le fait qu’aucune mesure d’ur­gence écono­mique, spéci­fique­ment à desti­na­tion des moins de 25 ans qui n’ont pas accès au RSA, n’a été prise, signale la profon­deur de son cynis­me… De même, en ce qui concerne le secteur de la culture et du spec­tacle vivant, à côté d’une  diffu­sion en direct d’Aïda sur Arte dans un opéra vide, on cherche en vain les mesures utiles et signi­fi­ca­tives, qu’il est pour­tant possible d’ima­gi­ner, permet­tant à ce secteur de retrou­ver une acti­vité, au moins partielle.

Des secteurs entiers sont  ainsi lais­sés à eux-mêmes à l’heure où l’on trouve des milliards pour lancer un super porte-avions nucléai­re… Un plan massif de soutien social et cultu­rel est l’ac­com­pa­gne­ment NECESSAIRE à  toutes mesures sani­taires.

Pour défendre une autre pers­pec­tive il faut donc formu­ler des objec­tifs posi­tifs qui permettent d’ima­gi­ner la rupture avec le cadre actuel – morti­fère – de gestion de la crise. Mais pour cela on ne peut pas partir d’une appré­cia­tion fausse du risque que nous fait courir la circu­la­tion active du virus dans la popu­la­tion. Ainsi lorsque Barbara Stie­gler écrit « Devant ce qu’ils appellent l’ex­plo­sion inquié­tante des conta­mi­na­tions et qu’ils devraient plutôt appe­ler l’aug­men­ta­tion normale et prévi­sible des porteurs sains (puisqu’elle est inévi­table dans toute société où circule un virus et où l’on conti­nue à vivre) »[3] elle témoigne, comme d’autres, d’une compré­hen­sion lacu­naire des enjeux sani­taires de la crise actuelle, qui sous-estime les risques de surmor­ta­lité liés à une circu­la­tion active du virus, même parmi les porteurs sains. Et qui sous-estime égale­ment bien entendu ses impli­ca­tions pour les struc­tures de santé. Or, à raison de plus de 20 000 cas testés quoti­dien­ne­ment et de 400 à 500 morts (plus de 10 000 par mois), et avec la cascade de dépro­gram­ma­tions d’opé­ra­tions et de reports de soins, après celle du prin­temps, qui résulte de la tension actuelle sur le système de santé, les impli­ca­tions sani­taires de la situa­tion sont déjà très lourdes. Et cela au-delà même des malades infecté.es par le virus du Sars-COV2, parmi celles et ceux pour qui cette situa­tion entraîne des pertes de chances théra­peu­tiques… Or, certains  variants  viraux  laissent planer la menace d’une aggra­va­tion de cette situa­tion,  déjà  inte­nable à moyen terme.

Une telle alter­na­tive doit donc partir au contraire d’une mesure exacte du risque et des impli­ca­tions de la situa­tion actuelle pour défendre une démarche orien­tée par la prio­rité donnée à la satis­fac­tion des besoins sociaux, centrée sur l’objec­tif de défendre la société plutôt que les grands groupes capi­ta­listes, phar­ma­ceu­tiques ou autres.

Objec­tif « zéro-covid ? »

Que défendre dans ce cadre sur le plan sani­taire ? Le débat actuel, en Europe comme aux Etats-Unis, est marqué par des inter­ven­tions nombreuses en faveur d’une « stra­té­gie de suppres­sion virale » souvent bapti­sée « zéro Covid ». C’est le cas par exemple de la tribune publiée le 16 février dernier par le réseau d’uni­ver­si­taires critiques RogueESR dans le quoti­dien Libé­ra­tion[4] et reprise de manière plus nuan­cée dans une note tech­nique publiée sur le site du réseau le 17 février[5].

On doit discu­ter la stra­té­gie préco­ni­sée qui, du moins dans la tribune, privi­lé­gie un confi­ne­ment préa­lable extrê­me­ment strict comme moyen d’at­teindre rapi­de­ment une réduc­tion dras­tique de la circu­la­tion virale. L’objec­tif à atteindre étant fixé à moins de dix nouveaux cas par million et par jour (700 cas/jour contre 20 000 actuel­le­ment). Mais il n’en reste pas moins que l’ar­gu­men­ta­tion des signa­taires en faveur d’une rupture avec la poli­tique sani­taire suivie par le gouver­ne­ment repré­sente une contri­bu­tion utile au débat actuel. En parti­cu­lier dans leur défense d’in­ves­tis­se­ments massifs dans des moyens humains et maté­riels auto­ri­sant enfin une veille sani­taire effi­cace et une réduc­tion signi­fi­ca­tive de la circu­la­tion virale.

Les signa­taires proposent ainsi « la géné­ra­li­sa­tion de tests rapides et la mobi­li­sa­tion de 40 à 50 000 enquê­teurs de terrain (…) assu­rant un suivi humain des malades et des cas contacts et mettant en œuvre leur prise en charge et leur isole­ment ». Ils/elles envi­sagent « le cas échéant (…) des confi­ne­ments brefs et loca­li­sés [qui] peuvent être mis en place en cas de redé­mar­rage de l’épi­dé­mie ». Ils/elles recom­mandent « l’ana­lyse systé­ma­tique des eaux usées [qui] permet­trait de détec­ter ces redé­mar­rages très vite (…) ». Le tester-tracer-isoler devraits’ac­com­pa­gner « d’in­ves­tis­se­ments supplé­men­taires desti­nés à sécu­ri­ser les lieux publics en les équi­pant de venti­la­teurs à filtre HEPA, de flashs UV mais aussi de capteurs de CO2 et de parti­cules fines qui permettent de quan­ti­fier préci­sé­ment le risque dans un lieu donné et donc d’adap­ter la réponse sani­taire aux carac­té­ris­tiques de l’en­droit ». Enfin, selon les signa­taires « la stra­té­gie se doit d’être concer­tée et synchro­ni­sée, à l’échelle euro­péenne, afin d’évi­ter de compro­mettre les résul­tats par des réim­por­ta­tions inces­santes de virus aux fron­tières ». Et ils/elles soulignent que « la stra­té­gie d’éli­mi­na­tion pose de plus la ques­tion du pilo­tage social de l’ap­pa­reil produc­tif, dans la mesure où à moyen terme, ces équi­pe­ments impo­se­ront une produc­tion publique conti­nue de masques, de tests, de venti­la­teurs et de filtres ».

On peut critiquer le détail et souli­gner peut-être certaines illu­sions tech­niques dans la réponse à la crise, il n’en reste pas moins que toutes ces mesures sont arti­cu­lées expli­ci­te­ment à la volonté de rompre avec les aber­ra­tions et inco­hé­rences de la poli­tique sani­taire actuelle et de retrou­ver une vie sociale la plus normale possible.  Si elles étaient systé­ma­ti­sées et couplées avec une gestion démo­cra­tique de la crise, en rupture avec la bruta­lité incon­sé­quente du gouver­ne­ment (les couvre-feux, la ferme­ture des univer­si­tés, etc.), elles permet­traient en effet de viser une réduc­tion signi­fi­ca­tive de la circu­la­tion virale.

Il  est   évident  qu’une telle stra­té­gie n’a de sens que si elle dépasse l’ap­proche stric­te­ment tech­nico-médi­cale, pour prendre en consi­dé­ra­tion toutes les dimen­sions de la crise. Il est clair égale­ment qu’elle peut être nuan­cée selon les terri­toires et ne suppose pas néces­sai­re­ment une mise en œuvre uniforme pour tout le terri­toire natio­nal. Dans ce cadre il faut aussi inven­ter et promou­voir des solu­tions repo­sant sur l’al­ter­nance (au travail, à l’école, à l’uni­ver­sité, dans les trans­ports…) et l’adap­ta­tion cohé­rente et intel­li­gente des usages aux contraintes impo­sées par la pandé­mie. Le livret LFI sur « la société du roule­ment »[6] repré­sente à cet égard une contri­bu­tion inté­res­sante et impor­tante. Bien entendu cela suppose une révi­sion radi­cale des préceptes qui ont gouverné la stra­té­gie sani­taire jusqu’ici : centra­lité de la culture, protec­tion des caté­go­ries les plus fragiles (notam­ment le monde des précaires et des saison­niers) plutôt que des grands groupes qui licen­cient – et un réar­me­ment complet des services publics : santé et hôpi­tal, éduca­tion, ensei­gne­ment supé­rieur et recherche, etc.

Enfin, cela passe par une critique radi­cale des condi­tions de déci­sion et de « gouver­nance » actuelles : la loi urgence et le désar­me­ment du parle­ment, la gestion exclu­sive par l’exé­cu­tif à travers un conseil de défense opaque. Sur ce terrain il est temps en effet que se déploie une campagne poli­tique et sociale qui mette la restau­ra­tion d’un cadre de déli­bé­ra­tion et de déci­sion démo­cra­tique au cœur de la réponse sani­taire.

Défendre un hori­zon de rupture démo­cra­tique face à la gestion cynique et inef­fi­cace du gouver­ne­ment

Une alter­na­tive de cette portée suppose la mobi­li­sa­tion de ressources consi­dé­rables et une rupture radi­cale avec le cadre poli­tique de gestion de la crise qui nous a été imposé. Sortir de la para­ly­sie actuelle impose donc de construire un hori­zon de rupture sur le terrain démo­cra­tique autant que sur le terrain maté­riel.

Des inter­ven­tions existent qui déve­loppent des réflexions et des propo­si­tions précieuses dans le sens d’une véri­table démo­cra­tie sani­taire. Mais elles peinent à s’im­po­ser dans le débat public, comme s’il exis­tait une « omerta » sur la possi­bi­lité d’une gestion plus respec­tueuse de l’im­pli­ca­tion des popu­la­tions, à la place de l’obéis­sance infan­tile aux injonc­tions[7]. Le texte de Barbara Stie­gler déjà cité vise juste sur ce terrain : «  (…) l’is­sue dépen­dra aussi de notre empres­se­ment à défendre ou enter­rer la démo­cra­tie (…) ». Elle suggère « (…) la reconquête des espaces publics et la parti­ci­pa­tion de tous à la science et au savoir.  »[8]

Dans cette direc­tion, il convient d’arti­cu­ler des mesures démo­cra­tiques et des mesures d’édu­ca­tion popu­laire et de maîtrise citoyenne des enjeux sani­taires et scien­ti­fiques.

Rupture avec le verti­ca­lisme et défense de la démo­cra­tie :

– Il faut défendre la rupture avec la gestion auto­ri­taire et discré­tion­naire de la crise par l’exé­cu­tif : disso­lu­tion du conseil de défense, réar­me­ment du parle­ment dans la gestion de la crise, remise en cause du carcan imposé par la loi urgence.

– Quant au conseil scien­ti­fique, sa dévo­lu­tion à l’exé­cu­tif doit cesser et sa mission doit être clari­fiée en lien avec une restau­ra­tion du contrôle démo­cra­tique sur la gestion de la crise. Dans ce cadre, sa compo­si­tion doit-être inter­ro­gée et régu­la­ri­sée, notam­ment dans son arti­cu­la­tion aux auto­ri­tés de santé publique. Elle doit mieux inté­grer, non seule­ment les problé­ma­tiques sociales, mais égale­ment les préoc­cu­pa­tions logis­tiques liées à la gestion de la crise et faire une place y compris à des acteurs/actrices compé­tent.es dans ce domaine, notam­ment issu.es de la protec­tion civile.

– Bien entendu la restau­ra­tion d’un cadre de déli­bé­ra­tion démo­cra­tique au sein du parle­ment, à la hauteur des enjeux de la crise et de la rupture qu’elle suppose, exige­rait en réalité un mora­toire sur les lois scélé­rates du gouver­ne­ment – Lois sépa­ra­tisme et sécu­rité globale, Loi de réforme de l’En­sei­gne­ment supé­rieur et de la Recherche – ainsi que sur les décrets sur l’as­su­rance-chômage. De même qu’un aban­don clair du projet de loi Retraite.

Signi­fi­ca­ti­ve­ment le gouver­ne­ment n’a rien proposé depuis mars 2020 pour que les enjeux poli­tiques, sociaux et sani­taires de la situa­tion soient débat­tus et maîtri­sés collec­ti­ve­ment, ni avec le parle­ment et les collec­ti­vi­tés terri­to­riales, ni a fortiori avec les syndi­cats, les asso­cia­tions, les citoyen.nes qui subissent la crise.

Ainsi, la  gestion hyper centra­li­sée via les ARS de la vacci­na­tion est un exemple de ce qu’il ne fallait pas faire. Un contrôle mini­mal par des  collec­tifs locaux de sa mise en œuvre au plan des terri­toires aurait  permis  d’évi­ter le scan­dale des résident.es du XVIe arrdt de Paris vacciné.es en Seine St-Denis au détri­ment des résident.es prio­ri­taires de ce dépar­te­ment. De même, quand il est néces­saire, un  confi­ne­ment accom­pa­gné  par la  distri­bu­tion à l’éche­lon local et micro-local, où la connais­sance des situa­tions de misère et d’ex­clu­sion est la plus fine, des  produits et biens essen­tiels aux indi­vi­dus et popu­la­tions les plus défa­vo­ri­sées, chan­ge­rait  la donne. Plutôt que des injonc­tions par en haut à coup de confé­rences de  presse, une gestion plus décen­tra­li­sée, adap­tant le cadre géné­ral aux spéci­fi­ci­tés locales de l’épi­dé­mie et aux besoins sociaux est néces­saire : le refus de tenir compte des aver­tis­se­ments des élus de  Dunkerque et de Moselle est, là  aussi, signi­fi­ca­tif.

Il faut donc égale­ment défendre la mise en œuvre d’une exper­tise citoyenne indé­pen­dante au plan natio­nal – pourquoi pas sous l’égide du CESE, comme cela a été le cas de la Conven­tion citoyenne sur la tran­si­tion écolo­gique. Elle devrait être prolon­gée par la créa­tion de struc­tures terri­to­riales de pilo­tage faisant une large place à l’ex­per­tise des acteurs de terrains et des citoyen.nes, auto­ri­sant une adap­ta­tion fine des préco­ni­sa­tions géné­rales.

– Enfin il faut favo­ri­ser à tous les niveaux la prise en compte de l’ex­per­tise des travailleurs et travailleuses : sala­rié.es du privé, agent.es du service public, et de leurs orga­ni­sa­tions. En parti­cu­lier dans les secteurs clés, non seule­ment de la santé, mais de l’édu­ca­tion, des trans­ports publics, de la distri­bu­tion…

 Educa­tion popu­laire et savoir scien­ti­fique:

Les préco­ni­sa­tions confuses et contra­dic­toires, les aber­ra­tions et les inco­hé­rences de la stra­té­gie gouver­ne­men­tale sont facteurs d’inquié­tude qui alimentent le rejet de toute mesure sani­taire, voire le déve­lop­pe­ment d’un déni de la pandé­mie et une lecture complo­tiste de la situa­tion, y compris dans des sphères parfois proches de nous.

Une gestion alter­na­tive doit donc inté­grer cette défiance. La cohé­rence des mesures et la mobi­li­sa­tion des ressources de l’éco­no­mie, de l’état  et de la société au service de la popu­la­tion pour faire face à la crise, sont les premières réponses à celle-ci. Au-delà il faut mettre en œuvre une poli­tique d’édu­ca­tion de masse, fondée sur le partage des connais­sances et des ressources pour comprendre la crise. Mais en étant bien conscients que le critère déter­mi­nant d’ef­fi­ca­cité d’une telle approche c’est la rupture avec l’opa­cité qui règne actuel­le­ment dans la gestion et la construc­tion d’une stra­té­gie effec­ti­ve­ment plus effi­cace et plus démo­cra­tique. Celle-ci, en impliquant large­ment la popu­la­tion, en favo­ri­sant l’auto-orga­ni­sa­tion et l’auto-éduca­tion sur les ques­tions sani­taires, pour­rait favo­ri­ser une amélio­ra­tion signi­fi­ca­tive du vécu collec­tif de cette crise.

Il faut recher­cher une appro­pria­tion à la fois collec­tive et fine des savoirs scien­ti­fiques et sani­taires, consciente à la fois des critères qui en déter­minent la soli­dité et de leur carac­tère dyna­mique et en construc­tion. Il convient donc d’as­su­mer au grand jour l’exis­tence de débats et même de contro­verses, tout en ne cédant jamais au rela­ti­visme et à la faci­lité qui nie toute possi­bi­lité d’ac­cé­der à des critères de vérité par la véri­fi­ca­tion et l’ex­per­tise établies scien­ti­fique­ment. Il convient égale­ment d’exi­ger toute la clarté sur les rapports entre sciences, insti­tu­tions publiques et labo­ra­toires privés : publi­ca­tion des accords commer­ciaux, des subven­tions, mise à jour des forces de lobbying, des conflits d’in­té­rêts.

Enfin bien sûr, il faut prendre acte des consé­quences désas­treuses de la poli­tique suivie en matière de recherche depuis plusieurs décen­nies, pour la réorien­ter radi­ca­le­ment : recons­truc­tion d’une puis­sante recherche publique, recons­ti­tu­tion et contrôle public des capa­ci­tés de recherche déve­lop­pe­ment, qui ont été sacri­fiées dans des secteurs stra­té­giques aux inté­rêts à court terme et à la logique finan­cière du privé. Cela implique une révi­sion complète du système de la forma­tion et de la recherche, la défense réso­lue d’un ensei­gne­ment supé­rieur public dégagé des impé­ra­tifs de la marchan­dise et des pres­sions du privé et une poli­tique de protec­tion des ressources natio­nales et euro­péennes de recherche et déve­lop­pe­ment.

Cons­truire un large front

La situa­tion sani­taire actuelle peut amener un nouveau confi­ne­ment comme seule réponse suscep­tible d’être acti­vée face à une nouvelle flam­bée épidé­mique. D’ores et déjà la pers­pec­tive de confi­ne­ments locaux rigou­reux est posée. C’est en très grande part la consé­quence de la stra­té­gie cynique et socia­le­ment inef­fi­cace du gouver­ne­ment. Mais quoiqu’il en soit à cet égard, la ques­tion d’un contrôle effi­cace de la circu­la­tion virale demeu­rera long­temps encore une ques­tion centrale et pour l’ins­tant non-réso­lue en France et même en Europe. A partir d’une critique radi­cale de la gestion cynique et inef­fi­cace du gouver­ne­ment, en chan­geant radi­ca­le­ment de para­digme pour remettre au centre les exigences sociales et démo­cra­tiques, il faut en paral­lèle avec la campagne à mener sur les enjeux liés à la vacci­na­tion, favo­ri­ser la construc­tion d’un large front citoyen, poli­tique et social, pour la mise en œuvre des condi­tions maté­rielles et poli­tiques d’une gestion de la crise sani­taire orien­tée par le bien commun, par la prio­rité donnée à la satis­fac­tion des besoins sociaux, par la défense des caté­go­ries les plus fragiles et les plus expo­sées sani­tai­re­ment et socia­le­ment. Il faut donc s’at­te­ler de toute urgence à sa construc­tion et inscrire son déve­lop­pe­ment dans l’ho­ri­zon posi­tif d’une rupture avec la faillite actuelle du système et du gouver­ne­ment.

Groupe de réflexion sur la crise sani­taire

(cher­cheuses.eurs, prati­cien.nes et mili­tant.es d’En­semble et d’En­semble Insou­mis)


[1] Sur le site EI : https://reflexions-echanges-insou­mis.org/vaccins-covid-biens-communs-et-issue-possible-a-la-crise-ou-source-de-profits-infi­nis-pour-big-pharma/ et sur le site E : https://www.ensemble-fdg.org/content/vaccins-covid-biens-communs-ou-source-de-profits-infi­nis

[2] https://www.wesign.it/fr/sante/brevets-sur-les-vaccins-anti-covid-stop-requi­si­tion-

[3] De la démo­cra­tie en pandé­mie – Santé, Recherche, Educa­tion, Tract Galli­mard, janvier 2021.

[4] https://rogueesr.fr/zero-covid/

[5] https://rogueesr.fr/20210217–2/

[6] Prépa­rer des alter­na­tives au confi­ne­ment  – file:///C:/Users/manua/AppData/Local/Temp/4_5868580477882862237.pdf

[7] Signa­lons par exemple Emma­nuel Hirsch (profes­seur d’éthique médi­cale) qui déclare : « (…) l’obs­ti­na­tion poli­tique à persis­ter dans une méthode mise en échec n’est pas accep­table […].  Faisons de cette crise sani­taire l’oc­ca­sion de renfor­cer la vita­lité de notre démo­cra­tie et d’in­ven­ter des modes de déci­sion, d’in­for­ma­tion et de partage d’ex­pé­riences plus locaux  ». La démo­cra­tie confi­née, in Pandé­mie 2020, ouvrage collec­tif dirigé par E. Hirsch.

[8] De la démo­cra­tie en pandé­mie – Santé, Recherche, Educa­tion, Tract Galli­mard, janvier 2021.

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