Des méde­cins libé­raux en grève… pour les profits des action­naires des cliniques privées.

Une grève de « méde­cins libé­raux » commence. Elle se présente en défense de la « méde­cine libé­rale » et contre le projet de loi santé porté par Mari­sol Touraine.

De quoi s’agit-il ? C’est une alliance de méde­cins où MG France , classé plutôt à gauche, fait front commun avec des syndi­cats très à droite dont la Confé­dé­ra­tion des syndi­cats médi­caux de France,CSMF( qui regroupent des spécia­listes et des géné­ra­listes).

Pour la CSMF, le projet de loi vise « la dispa­ri­tion de l’exer­cice libé­ral« . Diable! Disant cela, elle ne parle pas de la déser­ti­fi­ca­tion médi­cale, non, elle se bat contre les hôpi­taux publics qui « vont prendre des parts de marché au secteur libé­ral en n’hé­si­tant pas pour cela à inter­dire l’hos­pi­ta­li­sa­tion privée et ses prati­ciens« .

Elle suit ainsi, mot à mot,  la Fédé­ra­tion de l’hos­pi­ta­li­sa­tion privée, FHP, Fédé­ra­tion patro­nale, qui prévoit une ferme­ture (grève patro­nale) des cliniques début janvier. L’ argu­ment de la campagne de commu­ni­ca­tion de la FHP est simple: contre le projet de loi qui vise à « termi­ner la démo­li­tion lente de notre secteur au profit exclu­sif de l’hô­pi­tal public ». Les profits des action­naires des chaines de cliniques privées seraient donc en danger?  Non bien sûr, mais les offen­sives du patro­nat se font d’au­tant plus violentes que leurs victoires s’ac­cu­mulent. Pour préci­ser le carac­tère de patron de choc de la FHP, il suffit de consul­ter son site: son lien avec le MEDEF y est affirmé, ainsi que sa parti­ci­pa­tion à la mani­fes­ta­tion de début 2014 avec la CGPME « contre l’en­vi­ron­ne­ment légis­la­tif trop lourd pour les entre­prises et néfaste à l’em­ploi« .

Pour la CSMF et la FHP le combat contre l’hos­pi­ta­li­sa­tion publique et pour les « parts de marché » de l’hos­pi­ta­li­sa­tion privée est donc affirmé. Sans fausse pudeur. Gageons que ce n’est pas le souci premier de la plupart des méde­cins de ville.

Le Syndi­cat de la méde­cine géné­rale, sans contes­ter la demande d’une reva­lo­ri­sa­tion tari­faire de la consul­ta­tion de méde­cin géné­ra­liste portée par MG France, s’op­pose à cette grève. Il propose que « le tiers-payant soit systé­ma­tique­ment proposé aux patients et aux prati­ciens qui le souhaitent », que ce tiers payant dépende d’un « guichet unique qui dépende de l’As­su­rance mala­die ». Ce qui est une réponse aux méde­cins de MG France qui refusent le tiers payant géné­ra­lisé, car n’ayant pas confiance dans le rembour­se­ment à temps par les assu­rances complé­men­taires (non sans raison).

Et le SMG demande un débat public sur la liberté d’ins­tal­la­tion, les condi­tions de travail et de reve­nus des méde­cins ». Ce qui parait de bon sens pour qui a quelque fidé­lité aux exigences de soli­da­rité sociale.

En réalité, le projet de loi Touraine, loin d’être une volonté de dimi­nuer les profits des chaines de cliniques privées et de leurs action­naires, s’ins­crit dans le prolon­ge­ment de la loi HPST, dite loi Bache­lot. L’hô­pi­tal public voit l’aus­té­rité le désor­ga­ni­ser, avec sa gestion auto­ri­taire. Ses direc­tions y utilisent les critères de gestion des entre­prises privées (avec leur exclu­sive réfé­rence à la Tari­fi­ca­tion à l’ac­ti­vité (TAA), les condi­tions de travail des sala­riés en pâtissent et, par consé­quence, les condi­tions d’ac­cueil des patients tendent à en subir les consé­quences.

Les ripostes existent: le combat de certaines équipes mili­tantes de sala­riés des hôpi­taux contre l’ « hôsté­rité » ne fait mani­fes­te­ment que commen­cer. L’ac­tion de l’as­so­cia­tion « Notre santé en danger » se pour­suit.

Certes il y a une crise de la méde­cine libé­rale.

Le vieillis­se­ment des méde­cins instal­lés en exer­cice privé, le non-rempla­ce­ment des méde­cins partant à la retraite dans des régions de plus en plus nombreuses et éten­dues, ce sont des facteurs qui sont à l’ori­gine de la crise réelle de la « méde­cine libé­rale ». Les jeunes méde­cins, majo­ri­tai­re­ment des femmes, sont inté­res­sées par un exer­cice sala­rié et de groupe et en ville (et/ou par le droit à dépas­se­ment…). La méde­cine d’exer­cice privé, son exer­cice soli­taire, son paie­ment à l’acte exclu­sif n’at­tire que très peu les jeunes méde­cins. Certains proposent des centres de santé, inscrits dans le terri­toire, usant du tiers-payant; nous devrions en discu­ter.

L’évo­lu­tion de la méde­cine et de la santé est une ques­tions poli­tique. La lais­ser aux mains de corpo­ra­tions de méde­cins alliées au patro­nat de la FHF et au MEDEF serait une faute poli­tique.

La méde­cine d’exer­cice privée, et surtout l’en­semble des citoyens, a à affron­ter d’autres dangers: 55% seule­ment  du rembour­se­ment des soins courants   est effec­tué par l’As­su­rance mala­die; les dépas­se­ments d’ho­no­raires des spécia­listes deviennent la norme dans de nombreuses villes. Ceci a des consé­quences graves: le renon­ce­ment aux soins (et pas seule­ment pour la dentis­te­rie et l’op­tique) se déve­loppe, le « reste à charge » ne cesse d’aug­men­ter pour les malades et leurs familles. Voila des ques­tions auxquelles la méde­cine de ville comme la méde­cine hospi­ta­lière a à affron­ter et  qu’i­gnorent les lobbys pro-patro­naux de méde­cins.

C’est un débat public sur la santé qui est néces­saire; il nous faut ne pas lais­ser la propa­gande patro­nale nous enva­hir dans le secteur de la santé comme ailleurs.

Avec les autres forces du Front de gauche nous défen­dons un rembour­se­ment à 100% des frais de santé par la Sécu­rité sociale. Voila une propo­si­tion qui, arti­cu­lée à celle d’un vrai service public de santé revi­ta­lisé,

est suscep­tible d’ animer ce débat plura­liste que nous voulons contri­buer à orga­ni­ser.

Pascal Bois­sel


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