Pourcentages assénés, commentaires alarmistes, comme si l’enjeu était d’assommer, d’anesthésier les militantes et militants de la vraie gauche et/ou de la gauche vraiment à gauche.
Commençons donc par un comparatif des scores du FN entre les résultats du 1er tour de la présidentielle 2012 et les européennes 2014, pour vérifier si le « tsunami » en pourcentage correspond à un « raz de marée » en voix. Précisons que la mesure s’effectue par rapport au nombre d’inscrit qui est la seule donnée à peu près stable d’une élection à l’autre.
Petit rappel des proportions dont on parle :
* Aux 1er tour des présidentielles 2012, il y a 35 883 209 exprimés soit 77,96% des inscrits.
* Aux européennes 2014, il n’y a plus que 18 955 636 exprimés soit 40,72% des inscrits.
Sur la totalité du territoire, aux présidentielles 2012, le FN réalise 6 421 426 voix (13,95% des inscrits), aux européennes, il obtient 4 711 339 voix (10,12% des inscrits).
Dans le Morbihan, département retenu par mediapart comme lieu d’explosion du FN, l’évolution de ses voix donne ceci : 71715 voix aux présidentielles (12,9% des inscrits) et 50530 voix aux européennes (8,97% des inscrits).
Et à Poitiers ?
Et à Poitiers, que nous connaissons mieux, voici un triple comparatif, présidentielles, municipales et européennes des voix FN. Aux présidentielles, 3729 voix (7,8% des inscrits), municipales 1er tour, 2861 voix (6,03% des inscrits), et aux européennes, 2473 voix ( 5,28% des inscrits) .
En terme de voix et en proportion des inscrits est il si évident de parler de « tsunami » ?
Dans le même temps, à Poitiers toujours, aux présidentielles, le PS fait 13683 voix (28,66% des inscrits, le FdG 4968 voix (10,4% des inscrits), aux municipales, le PS a 8521 voix (17,96% des inscrits), aux européennes, PS 3803 voix (8,12% des inscrits), FdG 1464 voix (3,13% des inscrits).
Et sur tout le territoire, présidentielles, PS = 10 272 705 v (22,32% des I), FdG = 3 984 822 v (8,66% des I), aux européennes, PS = 2 649 202 v (5,69% des I) et FdG = 1 200 389 v (2,58% des I).
Pour moi, à tort peut être, ce gouffre où, par rapport aux inscrits, le PS perd 17% et le FdG 6,1% pendant que le FN ne perd que 3,8%, c’est cela le « raz de marée ». La marée de gauche, en se retirant si loin, découvre la vase, entamée mais collante, du FN.
Dans le même ordre d’idée, je reprends ici des chiffres publiés par le Nouvel Observateur, en les faisant chanter autrement, en rapport avec une réalité chiffrée plus complète.
L’article nous dit ceci :
* 43% d’ouvriers ont voté FN. Encore faudrait il préciser 43% des ayant voté, et mettre en regard direct que 65% de cette catégorie se sont abstenus. Traduction chiffrée, si la catégorie représente 100 000 inscrits, alors il y a eu 35 000 votants et 15 050 votes FN soit 15% seulement de la catégorie, ce qui est déjà trop, mais moins affolant que 43%.
* 38% des employés ont voté FN. Mais 32% seulement de la catégorie a voté, soit 68% d’abstentionnistes. En chiffres, on obtient, si, par hypothèse, la catégorie représente 100 000 inscrits, 32 000 votants, et 12 160 votants FN soit 12,16% de la catégorie et non pas 38%.
* 37% de niveau inférieur au Bac ont voté FN . Mais 41% de la catégorie a voté donc il y a eu 59% d’abstention. Supposons encore cette catégorie à 100 000. ce qui donne 41 000 votants, 15 170 votes FN soit 15.17% de la catégorie et pas 37%.
* 30% des moins de 35 ans ont voté FN. Mais 27% de la catégorie a voté donc il y a eu 73% d’abstentionnistes. Si la catégorie = 100 000 inscrits, on a 27 000 votants et 8100 votes FN soit 8.1% de la catégorie et pas 30%.
Quels intérêts sert cet alarmisme généralisé ? Est ce qu’il justifie les propos récents de Valls face aux élus PS : le vote largement à droite de dimanche ne dit pas l’aspiration populaire à un virage à gauche de notre politique ?
Guy AUBARBIER
En complément, je vous invite à (ré)écouter la conférence que Patrick Lehingue, professeur de science politique à l’université de Picardie (CURAPP), a donné vendredi 11 avril dans le cadre du dernier festival Raisons d’agir « Un conglomérat électoral ‘désordonné’ ? Les votes frontistes en France ».
à écouter dans la page :
http://emf.fr/19343/festival-raisons-dagir-2014-lamour-de-lordre/
ou à télécharger ici :
http://f.emf.fr/confs2014/2014-04-09_festival_raisons_d_agir/2014-04-11_comprendre_pour_agir.MP3
Salut Guy,
Tu démontres qu’il n’ y a pas de tsunami électoral du FN. Tu démontres aussi, sans le dire mais si on suit ta méthode d’analyse, à quel point les positions du Front de gauche ont fait se mouvoir peu de personnes jusqu’aux urnes, combien LO+NPA disparaissent. Et cela quelque soit la catégorie sociale et l’âge de l’électeur-trice.
Ce qui est démontré depuis longtemps, c’est que gagner des élections ne signifie pas pas être majoritaire, mais être la minorité exprimée la plus importante. La droite triomphante de juin 68 n’était qu’une minorité aidée par un mode de scrutin inique, mais la gauche+l’extrême-gauche étaient dépassées électoralement sans nulle contestation.
Plus précisément, les fascistes de Mussolini et les nazis d’Hitler (dont la marche vers le pouvoir a été étudiée par les cadres du FN, nous ne l’ignorons pas) n’ont jamais été majoritaires seuls. Ils ont fait les alliances utiles au moment opportun. Mon hypothèse est que Marine Le Pen, à la tête du parti arrivé en tête lors des Européennes, va utiliser la tribune du parlement européen et que l’objectif politique prochain est de faire une campagne pour la dissolution de l’Assemblée nationale et de rallier en chemin des personnalités de l’UMP pour cela.
Bref, pas de tsunami électoral du Fn mais un succès relatif mais assurément impressionnant de cette formation politique de filiation fasciste. Et une gamelle de la gauche radicale dont le porte-parole, JL Mélenchon, envisageait, il y a peu que nous nous devenions la principale force de gauche.
A Thierry et Pascal
Merci à Thierry pour le lien qu’ils nous a envoyé. Il faut écouter attentivement l’exposé de P. Lehingue.
A Pascal : il ne faut pas se méprendre sur le sens de mon billet. L’outrance médiatique sur le score du FN vient opportunément camoufler voire éteindre dans l’oeuf d’autres enseignements du scrutin. S’interroger médiatiquement par exemple sur le vrai « tsunami » subi par le PS et émettre l’hypothèse d’un désaveu massif de la politique austéritaire menée, conduirait à affirmer la disponibilité majoritaire pour une inflexion plus à gauche. Reste à analyser pourquoi ça ne se manifeste que par l’abstention, et pourquoi le PS entraine toute la gauche à sa suite. Ceci devrait nous conduire aussi à interroger la pertinence de notre offre politique en réexaminant si nos slogans de campagne sont directement compréhensibles par notre potentiel électorat cible. Au passage je note que Melenchon a fait, et de loin, le meilleur score du FdG. Ceci ne le rend pas plus blanc que blanc sur tout, mais ça mérite de réexaminer les méandres mouvants de l’offre politique FdG.
L’insistance toujours médiatique sur le score FN et sa projection sur 2017, se fait implicitement sur la base du scrutin majoritaire à 2 tours. A aucun moment n’est alors envisagé ce que donnerait le paysage politique français dans le cadre d’une proportionnelle, exit donc tout débat et toute vélléité d’établir un tel mode de scrutin, exit aussi le thème d’une 6ème république.
Il n’y a donc pas, entre nous de désaccord fondamental, juste le fait de ne pas se laisser embarquer par les thèmes imposés par les media pour élaborer nos propres réponses et surtout d’apprécier le degré d’urgence pour produire nos propositions.
Guy