Face au préfet de la Vienne, pour la liberté d’ex­pres­sion

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La déso­béis­sance civile relève de la liberté d’ex­pres­sion

Signée par 65 orga­ni­sa­tions, cette tribune rappelle que la déso­béis­sance civile relève de la liberté d’ex­pres­sion, du réper­toire d’ac­tions légi­times des asso­cia­tions et qu’elle s’ins­crit dans le cadre de la démo­cra­tie et de la répu­blique.

Le 13 septembre, le préfet de la Vienne a sommé par cour­rier la ville et la métro­pole de Poitiers de reti­rer leurs subven­tions desti­nées à soute­nir un « village des alter­na­tives » orga­nisé par l’as­so­cia­tion Alter­na­tiba Poitiers. Pour quel motif ? Au sein de cet événe­ment, une forma­tion à la déso­béis­sance civile non-violente serait « incom­pa­tible avec le contrat d’en­ga­ge­ment répu­bli­cain » intro­duit par la loi du 24 août 2021 « confor­tant le respect des prin­cipes de la Répu­blique », dite « loi sépa­ra­tisme ». Depuis le 1er janvier 2022, toutes les asso­cia­tions qui souhaitent béné­fi­cier d’un soutien finan­cier ou maté­riel d’une collec­ti­vité publique, ou dispo­ser d’un agré­ment leur permet­tant d’agir selon leur objet (éduca­tion popu­laire, défense de l’en­vi­ron­ne­ment, lutte contre la corrup­tion…) doivent donc signer ce contrat qui les oblige et restreint leur liberté d’ac­tion.

Dans un climat d’is­la­mo­pho­bie, cette loi a contri­bué à la mise en place d’un arse­nal juri­dique et admi­nis­tra­tif visant au premier chef les personnes musul­manes (ou perçues comme telles), ainsi que les orga­ni­sa­tions et les mili­tants‧es défen­dant leurs droits et leurs liber­tés, notam­ment en faci­li­tant les disso­lu­tions d’as­so­cia­tions. Plusieurs asso­cia­tions et grou­pe­ments, mais égale­ment un média, ont depuis été ciblés par le ministre de l’In­té­rieur bien décidé à user et abuser de cette nouvelle loi. Il aura fallu la saisine du Conseil d’État pour faire retoquer ces disso­lu­tions abusives, qui n’en restent pas moins des attaques graves contre les liber­tés asso­cia­tives d’ex­pres­sion, de réunion et de mani­fes­ta­tion.

Un an après l’adop­tion de cette « loi sépa­ra­tisme », le Préfet de la Vienne intime à la mairie et la métro­pole de Poitiers qu’une de ses dispo­si­tions soit utili­sée contre un groupe local d’Al­ter­na­tiba, mouve­ment citoyen pour le climat et la justice sociale qui alerte depuis 2013 sur le dérè­gle­ment clima­tique, tout en promou­vant des solu­tions et alter­na­tives concrètes. Dispen­ser une forma­tion sur la déso­béis­sance civile non-violente revien­drait désor­mais, selon le préfet Girier, à sortir du champ répu­bli­cain, et justi­fie­rait de priver une asso­cia­tion d’in­té­rêt géné­ral de ses moyens. Derrière l’ini­tia­tive du préfet de la Vienne, c’est égale­ment l’au­to­no­mie des collec­ti­vi­tés terri­to­riales à déci­der libre­ment de l’at­tri­bu­tion des finan­ce­ments au monde asso­cia­tif qui est en jeu.

La déso­béis­sance civile, pour­tant, est bien loin de consti­tuer un mépris de la Répu­blique. Au contraire, nombre d’avan­cées essen­tielles n’au­raient pas eu lieu sans elle : déso­béir, c’est la grève avant le droit de grève, les avor­te­ments clan­des­tins avant la loi Veil… C’est un outil utilisé par une grande partie des mouve­ments qui ont apporté des avan­cées socié­tales majeures, en France comme ailleurs. La Cour euro­péenne des droits de l’homme a affirmé à plusieurs reprises que la déso­béis­sance civile dans un domaine d’in­té­rêt géné­ral consti­tue un des aspects les plus impor­tants du droit de la liberté d’ex­pres­sion.

À présent, face au péril clima­tique incon­tes­table et à l’in­suf­fi­sance de la réac­tion des pouvoirs publics, la déso­béis­sance civile est, parmi d’autres, un outil large­ment justi­fié, comme en témoignent de nombreuses déci­sions de justice. Partout sur le terri­toire français, les orga­ni­sa­tions pour la justice sociale et envi­ron­ne­men­tale mettent en avant les nombreuses initia­tives de collec­ti­vi­tés, d’en­tre­prises, d’as­so­cia­tions, de citoyen‧nes qui se donnent les moyens d’agir pour réduire leurs émis­sions de gaz à effet de serre et lutter contre les inéga­li­tés. On en atten­drait autant de l’État, qui pour­tant ne respecte pas l’Ac­cord de Paris et a été condamné à deux reprises pour son inac­tion clima­tique, se plaçant donc « hors la loi ».

Le sépa­ra­tisme, comme de nombreux termes utili­sés dans le contrat d’en­ga­ge­ment répu­bli­cain (« obli­ga­tion d’agir dans un esprit de civisme »), sont des concepts flous et trop faciles à instru­men­ta­li­ser à des fins poli­tiques comme vient d’en faire l’illus­tra­tion le préfet Jean-Marie Girier, par ailleurs ancien direc­teur de campagne du président Macron et membre de la direc­tion du parti En marche. Son utili­sa­tion à l’en­contre d’une asso­cia­tion qui agit dans l’in­té­rêt géné­ral devrait être l’oc­ca­sion de prendre conscience collec­ti­ve­ment de la dange­ro­sité des lois créées pour discri­mi­ner injus­te­ment une partie de la popu­la­tion, et de comprendre qu’elles s’étendent ensuite pour toucher toute forme de contes­ta­tion. De très nombreuses voix du monde asso­cia­tif s’étaient élevées pour dénon­cer cette loi, son danger immé­diat et ses probables dérives : las, elles n’ont pas été écou­tées, et ces dérives ont déjà commencé ! Loin de proté­ger la Répu­blique, l’ini­tia­tive du préfet de la Vienne fragi­lise les liber­tés asso­cia­tives et appau­vrit la démo­cra­tie. Nous le redi­sons donc : la loi sépa­ra­tisme et son contrat d’en­ga­ge­ment répu­bli­cain doivent être abro­gés.

Nous affir­mons notre soutien aux orga­ni­sa­tions et mili­tant‧es des luttes contre le racisme et toutes les formes de discri­mi­na­tion, qui sont les premières victimes de ces dérives auto­ri­taires. Nous affir­mons notre soutien aux orga­ni­sa­tions et mili­tant‧es qui luttent contre le dérè­gle­ment clima­tique et pour la justice sociale, et qui pratiquent la déso­béis­sance civile pour dénon­cer les manque­ments de l’État.

Parmi les signa­taires de la tribune 

Action Non-Violente COP21

Alter­na­tiba

Alter­na­tiba Poitiers

Amis de la Terre France

Anti­cor

Attac

Cede­tim

Collec­tif des Asso­cia­tions Citoyennes

Comité pour le respect des liber­tés et des droits de l’homme en Tuni­sie (CRLDHT)

Commu­nauté de l’Arche, Non-violence et Spiri­tua­lité

Coor­di­na­tion natio­nale Pas Sans Nous

Droit Au Loge­ment

Extinc­tion Rebel­lion Poitiers 

Fédé­ra­tion des tuni­siens citoyens des deux rives (FTCR) 

France Nature Envi­ron­ne­ment

GISTI

Green­peace France

La Cimade

La FASTI

La Fonda­tion Coper­nic

La Quadra­ture du Net

La LDH

La voix lycéenne

Le Plan­ning Fami­lial

Mouve­ment contre le racisme et pour l’ami­tié entre les peuples

Notre Affaire à Tous

SAF

Sciences citoyennes

Sherpa

Syndi­cat de la Magis­tra­ture

Syndi­cat des Avocats de France

Union syndi­cale Soli­daires 

Unis pour le climat et la biodi­ver­sité

Youth For Climate Paris

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