L’ONG World Central Kitchen, où travaillaient les victimes, était censée mettre en pratique les propositions américaines de corridors humanitaires pour essayer d’enrayer la famine dans Gaza, explique Jean-François Corty.
Sept humanitaires de l’ONG américaine World Central Kitchen (WCK) ont été tués dans une frappe alors qu’ils distribuaient de la nourriture dans la bande de Gaza, lundi 1er avril. Cette ONG « était mise en avant ces derniers temps comme étant un acteur qui allait opérationnaliser les propositions de corridors maritimes américaines et européennes, c’est-à-dire qu’elle était censée utiliser la nourriture des bateaux qui commencent à arriver pour une distribution dans Gaza », explique mardi 2 avril sur franceinfo Jean-François Corty, vice président de Médecins du Monde, chercheur associé à l’IRIS. « On voit bien qu’il y a un message envoyé par l’armée israélienne, y compris aux Européens et aux Américains qui, au travers d’une aide étatique, essayent de limiter la catastrophe », déduit-il.
Cette organisation « subit de plein fouet des bombardements aveugles », dénonce l’humanitaire. Elle « a d’emblée annoncé qu’elle stoppait ses interventions, donc ça veut dire que c’est un acteur de moins », qui peut intervenir dans Gaza, regrette Jean-François Corty alors qu’« on les compte déjà sur les doigts de la main ». « Médecins du Monde a quelques opérations dans le Sud, sur Rafah, où 1,5 million de personnes vivent dans des conditions d’insalubrité maximum, avec des difficultés pour accéder à l’eau et à la nourriture. Mais dans le centre et dans le nord de la bande de Gaza, il y a un siège dans le siège où l’aide n’arrive pratiquement pas et où cette organisation, World Central Kitchen, essaie de distribuer la nourriture », précise-t-il.
« Nous ne pouvons pas travailler »
« Près de 300 000 à 500 000 personnes dans le centre de la bande de Gaza sont aujourd’hui dans une situation de quasi famine », alerte l’humanitaire.
« Aujourd’hui, il y a plus de 150 morts des Nations unies sous les bombardements. »
Jean-François Corty, vice président de Médecins du Mondeà franceinfo
« Médecins du Monde, nous avons perdu un médecin il y a quelques mois, Médecins sans frontières aussi a perdu plusieurs membres, décompte-t-il. Ce sont des centaines de milliers de personnes qui aujourd’hui sont soumises à un blocus maritime, aérien et terrestre qui est en train de générer une famine », dénonce Jean-François Corty.
Le vice-président de Médecins du monde se fait l’écho de propos tenus le 26 mars par la rapporteuse spéciale des Nations unies, et estime que cela « témoigne d’une intention génocidaire ». Mandatée par le Conseil des droits de l’Homme, la rapporteuse avait affirmé qu’il existait « des motifs raisonnables » de croire qu’Israël avait commis plusieurs « actes de génocide ». « Les actes génocidaires ont été approuvés et mis en œuvre à la suite de déclarations d’intention génocidaire émanant de hauts responsables militaires et gouvernementaux », accusait son rapport. Fin janvier, la Cour internationale de justice avait appelé Israël à « prendre toutes les mesures en son pouvoir » pour prévenir tout acte de génocide.
« Cette situation est exceptionnelle du fait des mortalités aussi importantes d’humanitaires dans un conflit contemporain. Nous ne pouvons pas aujourd’hui, nous, humanitaires, travailler dans des conditions qui permettraient de limiter le risque de famine en cours », conclut le vice-président de Médecins du monde.