L’ atten­tisme crimi­nel de Macron

Mars 2021, presque jour pour jour la date anni­ver­saire du premier confi­ne­ment, retour à la case départ. Le chef de l’état l’a dit lui-même le 31 mars : « Nous avons tout fait pour prendre ces déci­sions le plus tard possible ». C’est peut-être juste­ment le problème, si on rembo­bine le film il y a quelques mois. Le variant anglais est alors déjà majo­ri­taire en Grande Bretagne, les hôpi­taux sont rapi­de­ment débor­dés et on apprend que ce variant est plus conta­gieux et aussi plus viru­lent (il fait plus de morts chez des gens plus jeunes et en bonne santé). Réac­tion logique de la Grande Bretagne : mise en place de mesures de restric­tion impor­tante des inter­ac­tions sociales, asso­ciées à une accé­lé­ra­tion de la vacci­na­tion. A l’époque de la déci­sion du confi­ne­ment en Grande Bretagne (5 janvier dernier), 50 000 nouvelles conta­mi­na­tions par jour, et un desser­re­ment progres­sif qui commence le 8 mars avec la réou­ver­ture des écoles. Il a fallu un mois de restric­tions (entre le 5 janvier et le 6 février) pour reve­nir à un niveau de conta­mi­na­tions à 18 000 cas par jour et la barre des 5000 cas par jour est fran­chie au 31 mars seule­ment. Nous sommes actuel­le­ment près de 40 000 cas par jour en France, donc pas très loin de la Grande Bretagne le 5 janvier, et on nous promet « seule­ment » 4 semaines de confi­ne­ment… Alors que la Grande Bretagne, qui a vacciné plus vite que nous, a réou­vert les écoles deux mois après le début de son confi­ne­ment…

Nous avons vu ce qu’il s’est passé en Angle­terre, comment n’avons-nous rien pu faire pour éviter que la même vague déferle sur nous ? Alors que nous savions que ce variant dont nous surveil­lions la circu­la­tion sur notre terri­toire était plus conta­gieux et plus mortel ?

Atten­tisme ou inter­ven­tion

Le conseil scien­ti­fique, dans son avis du 11 mars détaillait les deux stra­té­gies possibles : La stra­té­gie atten­tiste, ou l’in­ter­ven­tion précoce. La stra­té­gie atten­tiste (qui est donc celle que nous avons eue), a consisté à attendre que les hôpi­taux soient au bord de la satu­ra­tion (voir déjà en satu­ra­tion), pour renfor­cer les mesures. Ce qui implique d’ac­cep­ter un nombre mensuel rela­ti­ve­ment élevé de décès (envi­ron 10 000), d’ac­cep­ter un certain nombre de burn out chez les soignant.es déjà épuisé.es au bout de longs mois d’une crise sani­taire qui ne s’est jamais arrê­tée pour eux. C’est donc à ces soignant.es, héroïne.s d’hier, que notre président a demandé un « effort » ce 31 mars, tout en sachant perti­nem­ment qu’il les envoyait à nouveau « au front » avec toujours aussi peu de ressources. Cela ne sous-entend pas seule­ment accep­ter les morts et/ou les séquelles liées au COVID, mais égale­ment, par le biais des dépro­gram­ma­tions (qui atteignent jusqu’à 80% des acti­vi­tés de bloc opéra­toires dans certains hôpi­taux), les morts ou les aggra­va­tions de mala­dies de patient.es qui ont vu des explo­ra­tions ou des opéra­tions repor­tées depuis 6 mois à 1 an main­te­nant. Ceci est déjà démon­tré pour certains cancers (dont les décou­vertes sont faites plus tardi­ve­ment) et pour les mala­dies cardio­vas­cu­laires comme les infar­c­tus ou les AVC. Pourquoi est-on obligé de dépro­gram­mer à l’hô­pi­tal ? Parce que les person­nels de bloc opéra­toire et leurs machines sont utili­sés pour faire de la réani­ma­tion des patients COVID. Quand les blocs opéra­toires ne suffisent plus, dans certains hôpi­taux, on trans­forme actuel­le­ment le restau­rant du person­nel en salle de réani­ma­tion…

La stra­té­gie de l’in­ter­ven­tion précoce, l’autre stra­té­gie possible, consis­tait à inter­ve­nir dès le moment où des signaux clairs d’un rebond  prévi­sible de l’épi­dé­mie se sont mani­fes­tés, avant que les hôpi­taux soient proches de la satu­ra­tion et obli­gés de dépro­gram­mer (ce qui était le cas déjà mi-février pour nous). Cette approche aurait permis de dimi­nuer le nombre de décès et d’hos­pi­ta­li­sa­tions. Les mesures mises en place peuvent égale­ment être plus loca­li­sées, en fonc­tion de l’in­ci­dence dans une zone donnée, et levées plus rapi­de­ment car la vague étant moins haute, on met moins de temps à la faire redes­cendre à un niveau accep­table. D’autre part, on peut tester préco­ce­ment diffé­rentes stra­té­gies plus ou moins strictes, alors que quand on est en situa­tion de satu­ra­tion, on est obligé de prendre des mesures strictes d’em­blée.

Le choix gouver­ne­men­tal « assumé » de l’at­ten­tisme

Le gouver­ne­ment actuel a donc fait un choix assumé, celui de n’agir qu’en dernière minute. Donc celui de sacri­fier un certain nombre de vies et d’ac­cé­lé­rer un peu plus la mort lente de l’hô­pi­tal public à travers la détresse des soignant.es qui, petit à petit, quittent le navire écœuré.es de tant de mépris après un an « d’ef­forts ».

Pour­tant, nous n’avons jamais été aussi près d’une poten­tielle sortie de crise. Dans tous les pays où les campagnes de vacci­na­tion ont pu être menées rapi­de­ment, asso­ciées initia­le­ment à une décrue du nombre de cas du fait de mesures effi­caces de contrôle de la circu­la­tion virale, la vie « normale » reprend peu à peu son cours. Les vaccins actuel­le­ment dispo­nibles sont effi­caces sur le variant anglais. La vacci­na­tion est bien la clé pour sortir de cette pandé­mie. Cepen­dant, des vaccins placés sous le mono­pole des firmes phar­ma­ceu­tiques, dont l’objec­tif est le profit, vendus à prix d’or et réser­vés aux pays riches, ne seront jamais une solu­tion durable à celle-ci. C’est pourquoi la levée des brevets sur les vaccins pour favo­ri­ser un accès le plus large possible à la vacci­na­tion est une néces­sité abso­lue. 

Les vraies solu­tions pour sortir de cette crise demeurent :

– Inves­tir massi­ve­ment dans les moyens de l’hô­pi­tal public et plus large­ment dans le système de santé, car les struc­tures de soins primaires et de préven­tion se sont montrées parti­cu­liè­re­ment sous-utili­sées dans cette crise (notam­ment concer­nant la mise en place de la vacci­na­tion), notam­ment du fait du sous-inves­tis­se­ment qu’elles ont subi depuis de nombreuses années. Cet inves­tis­se­ment n’aura pas un effet immé­diat sur la crise sani­taire, mais permet­tra d’en­vi­sa­ger un vrai avenir pour la santé publique de ce pays et pour l’ave­nir de l’hô­pi­tal actuel­le­ment menacé.

Faire bais­ser au maxi­mum la circu­la­tion virale tout en vacci­nant le plus large­ment possible en même temps. Vacci­ner alors que le virus circule beau­coup est moins effi­cace car les indi­vi­dus peuvent se conta­mi­ner avant que leur vacci­na­tion soit effi­cace, et par ailleurs, le risque de voir appa­raître des mutants résis­tants au vaccin est plus grand. Afin de faire bais­ser la circu­la­tion virale, des mesures de confi­ne­ment asso­ciant une limi­ta­tion des dépla­ce­ments inter-régio­naux, une réou­ver­ture retar­dée et contrô­lée des écoles (à ½ jauge) et la systé­ma­ti­sa­tion du télé­tra­vail (en impo­sant des jauges comme lors du décon­fi­ne­ment en mai et en ne comp­tant pas seule­ment sur la bonne volonté des employeurs comme c’est le cas aujourd’­hui). Etant donné que seule une mino­rité des conta­mi­na­tions se produisent en exté­rieur (envi­ron 5%), les sorties en exté­rieur peuvent rester auto­ri­sées.

L’ac­cès à la vacci­na­tion pour tous les pays ne peut avoir lieu sans une levée des brevets sur les vaccins. Celle-ci est une néces­sité urgente.

Groupe de réflexion sur la crise sani­taire
(cher­cheuses.eurs, prati­cien.nes et mili­tant.es d’En­semble et d’En­semble Insou­mis)

2 réflexions sur « L’ atten­tisme crimi­nel de Macron »

  1. Merci pour cet article. Mais je ne peux m’empêcher de raisonner différemment. Pendant la première vague, tous les scientifiques s’accordaient à dire que notre chance dans cette pandémie était que le virus mutait peu. De fait, il me semble que c’était bien le cas jusqu’en fin d’année dernière. Le 1er vaccin à Arn m sorti en un temps record avec l’acceptation de l’Europe de déroger à la réglementation européenne sur les ogm a pu être administré dans les pays précurseur à son utilisation. l’Angleterre je crois a commencé sa campagne très tôt. Elle a ensuite, très vite, était confrontée au variant plus contagieux qui s’est propagé dans tout l’Europe entraînant cette troisième vague dont on ne sait plus trop bien quand elle va s’arrêter, confrontée aux variants brésiliens, sud africain, et maintenant indiens..ma question : quel est le poids de la vaccination dans la création des nouveaux variants, cette vaccination lente en période de forte épisode épidémique est-elle adéquate ? Oui bien sûr, car elle protège de manière spectaculaire les plus fragiles, mais en l’absence d’une stratégie globale de vaccination mondiale avec des vaccins accessibles à tous et sortis des brevets, c’est pour moi une fuite en avant, et bien malin celui qui pourra dire qui du vaccin ou du virus triomphera. Tout ça avec l’arrière pensée, qu’on ne connaît pas vraiment le potentiel de recombinaison de ces vaccins utilisant du matériel génétique avec d’autres virus. Il m’est donc difficile de partager l’idée que la vaccination a large échelle sera notre solution. Ce pari, et l’argent dépensé pour sa mise en oeuvre étant pour moi un frein à la mise en place de solutions alternatives comme la sécurisation des lieux publics et des écoles avec des filtres adéquats, la mise à disposition de masques ffp2, la recherche de traitements et la consolidation de notre système de santé. 
    Je croise quand-même les doigts pour que ce pari soit le bon.
    Une ancienne étudiante en immunologie de Poitiers.
    Hélène

  2. Merci pour ce commentaire argumenté.

    L’idée de ces notes est qu’une prise en charge collective de la lutte contre cette pandémie est indispensable.  Elle devrait lier une vaccination de masse, la plus rapide possible en effet, à échelle mondiale comme le disent l’OMS et les ONGs, avec d’autres mesures comme les mesures pour les écoles et la recherche de traitements. La coordination de ces décisions de niveau différent est à construire.

    Laisser l’initiative aux directions des  firmes pharmaceutiques mondiales pour les vaccinations et pour l’orientation des recherches serait bien sûr  une mauvais orientation, d’où la nécessité de lever les brevets et de réquisitionner les entreprises nécessaires à une fabrication et à une distribution mondiales des vaccins comme le développe la CGT Sanofi par exemple, comme plusieurs pétitions le demandent.

    Quant à mettre un coup d’arrêt aux politiques de destructuration du service public de santé, c’est évidemment une nécessité logique mais elle n’est pas vécue comme une évidence politique aujourd’hui. C’est le combat quotidien des syndicats de la santé et nous sommes partie prenante de ce combat, à notre mesure.

    Ici  l’accent est mis sur une perspective à court terme. 

    La perspective à long terme est une politique de santé publique co-construite localement et mondialement  avec les syndicats, les ONG, les associations concernées, les pays qui demandent la levée des brevets, etc. La lutte contre le Sida a montré que c’était possible. 

     

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