La dernière vision d’Is­raël pour Gaza a un nom : le camp de concen­tra­tion.

La dernière vision d’Is­raël pour Gaza a un nom : le camp de concen­tra­tion (et autres textes)

Inca­pable d’ex­pul­ser immé­dia­te­ment et massi­ve­ment les habi­tant·es de Gaza, Israël semble vouloir les enfer­mer dans une zone confi­née et lais­ser la famine et le déses­poir faire le reste.

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Le même jour, le ministre israé­lien de la défense, Israël Katz, a publié une décla­ra­tion vidéo faisant allu­sion à quelque chose de simi­laire. « Rési­dent·es de Gaza, ceci est votre dernier aver­tis­se­ment », a-t-il déclaré. « L’at­taque de l’ar­mée de l’air contre les terro­ristes du Hamas n’était que la première étape. La phase suivante sera beau­coup plus dure, et vous en paie­rez le prix fort. Bien­tôt, l’éva­cua­tion de la popu­la­tion des zones de combat repren­dra ».

« Si tous les otages israé­lien·nes ne sont pas libé­ré·es et si le Hamas n’est pas chassé de Gaza, Israël agira avec une force sans précé­dent », a pour­suivi M. Katz. « Suivez le conseil du président améri­cain : rendez les otages et chas­sez le Hamas, et d’autres options s’of­fri­ront à vous, y compris la relo­ca­li­sa­tion dans d’autres pays pour celles et ceux qui le souhaitent. L’al­ter­na­tive, c’est la destruc­tion et la dévas­ta­tion complètes  ».

Les paral­lèles entre les deux décla­ra­tions ne sont mani­fes­te­ment pas une coïn­ci­dence. Même si Magal n’a pas appris le nouveau plan de guerre d’Is­raël direc­te­ment de Katz ou du nouveau chef d’état-major de l’ar­mée, Eyal Zamir, il est raison­nable de suppo­ser qu’il l’a entendu de la part d’autres sources mili­taires de haut rang.

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En reliant tous ces points, on arrive à une conclu­sion assez claire : Israël se prépare à dépla­cer de force l’en­semble de la popu­la­tion de Gaza – par une combi­nai­son d’ordres d’éva­cua­tion et de bombar­de­ments intenses – dans une zone fermée et éven­tuel­le­ment clôtu­rée. Toute personne surprise en dehors de ses limites serait tuée et les bâti­ments situés dans le reste de l’en­clave seraient proba­ble­ment rasés.

Sans mâcher ses mots, cette « zone huma­ni­taire », comme le dit si genti­ment Magal, dans laquelle l’ar­mée a l’in­ten­tion d’en­fer­mer les deux millions d’ha­bi­tant·es de Gaza, peut être résu­mée en deux mots : camp de concen­tra­tion. Ce n’est pas une hyper­bole, c’est simple­ment la défi­ni­tion la plus précise pour nous aider à mieux comprendre ce à quoi nous sommes confron­tés.

Le prin­cipe du tout ou rien
Para­doxa­le­ment, le projet d’éta­blir un camp de concen­tra­tion à l’in­té­rieur de Gaza pour­rait reflé­ter la prise de conscience par les diri­geants israé­liens que le « départ volon­taire » de la popu­la­tion, tant vanté, n’est pas réaliste dans les circons­tances actuelles – à la fois parce que trop peu de Gazaoui·es seraient prêt·es à partir, même sous des bombar­de­ments conti­nus, et parce qu’au­cun pays n’ac­cep­te­rait un afflux aussi massif de réfu­gié·es pales­ti­nien·nes.

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Le livre de Halevy contient un essai du Dr Omri Shafer Raviv expo­sant les plans d’Is­raël pour « encou­ra­ger » l’émi­gra­tion pales­ti­nienne de Gaza après la guerre de 1967. Le titre, « J’ai­me­rais espé­rer qu’ils partent », reprend une cita­tion du Premier ministre de l’époque, Levi Eshkol. Publié en janvier 2023, soit deux ans avant que le président Donald Trump n’an­nonce son projet de « Riviera de Gaza », cet article montre à quel point la notion de trans­fert de la popu­la­tion de Gaza est ancrée dans la pensée stra­té­gique israé­lienne.

L’ar­ticle révèle l’ap­proche à deux volets adop­tée par Israël pour réduire le nombre de Pales­ti­nien·nes à Gaza : premiè­re­ment, les encou­ra­ger à se rendre en Cisjor­da­nie et, de là, en Jorda­nie ; deuxiè­me­ment, recher­cher des pays d’Amé­rique du Sud dispo­sés à absor­ber les réfu­gié·es pales­ti­niensƒne. Si la première stra­té­gie a connu un certain succès, la seconde a complè­te­ment échoué.

Selon Shafer Raviv, le plan s’est retourné contre Israël. Bien que des dizaines de milliers de Pales­ti­nien·nes aient quitté Gaza pour la Jorda­nie après qu’Is­raël eut déli­bé­ré­ment abaissé le niveau de vie dans l’en­clave, la plupart d’entre elles et eux sont restés. Mais surtout, la dété­rio­ra­tion des condi­tions a donné lieu à des troubles et, par consé­quent, à une résis­tance armée.

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En fin de compte, les services de sécu­rité israé­liens sont parve­nus à la conclu­sion qu’il était préfé­rable de conte­nir les Pales­ti­nien·nes à Gaza, où elles et ils pouvaient être surveillés et contrô­lés, plutôt que de les disper­ser dans la région. Selon M. Halevy, cette percep­tion a guidé la poli­tique israé­lienne à l’égard de Gaza jusqu’en octobre 2023 et explique pourquoi Israël n’a pas cher­ché à forcer les habi­tant·es à quit­ter la bande de Gaza pendant les 17 années qu’a duré le blocus. En effet, jusqu’au début de la guerre, quit­ter Gaza était un proces­sus extrê­me­ment diffi­cile et coûteux, réservé aux Pales­ti­nien·nes riches et ayant des rela­tions, qui pouvaient se rendre dans les ambas­sades étran­gères à Jéru­sa­lem ou au Caire pour obte­nir des visas.

Aujourd’­hui, la pensée israé­lienne concer­nant Gaza a appa­rem­ment basculé : du contrôle externe et de l’en­di­gue­ment au contrôle total, à l’ex­pul­sion et à l’an­nexion.

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Pour­tant, malgré ce chan­ge­ment radi­cal de stra­té­gie, Israël reste ferme­ment prison­nier de ses propres poli­tiques. Pour que le « départ volon­taire » soit suffi­sam­ment effi­cace pour permettre l’an­nexion et le réta­blis­se­ment des colo­nies juives dans la bande de Gaza, on pour­rait penser qu’au moins 70% des habi­tant·es de Gaza devraient être expul­sé·es, soit plus de 1,5 million de personnes. Cet objec­tif est tota­le­ment irréa­liste compte tenu des circons­tances poli­tiques actuelles, tant à Gaza que dans le monde arabe.

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En d’autres termes, l’idée semble être la suivante : d’abord, rassem­bler la popu­la­tion dans une ou plusieurs enclaves fermées ; ensuite, lais­ser la famine, le déses­poir et le manque d’es­poir faire le reste. Les personnes enfer­mées à l’in­té­rieur verront que Gaza a été complè­te­ment détruite, que leurs maisons ont été rasées et qu’elles n’ont ni présent ni avenir dans la bande de Gaza. À ce moment-là, selon le raison­ne­ment israé­lien, les Pales­ti­nien·nes elles-mêmes et eux-mêmes commen­ce­ront à pous­ser à l’émi­gra­tion, forçant les pays arabes à les accueillir.

Obstacles à l’ex­pul­sion
Il reste à voir si l’ar­mée – ou même le gouver­ne­ment – est prête à aller jusqu’au bout d’un tel plan. Il est presque certain qu’il entraî­ne­rait la mort de tous et toutes les otages, ce qui pour­rait avoir des consé­quences poli­tiques majeures. En outre, il se heur­te­rait à la résis­tance farouche du Hamas, qui n’a pas perdu ses capa­ci­tés mili­taires et pour­rait infli­ger de lourdes pertes à l’ar­mée, comme il l’a fait dans le nord de la bande de Gaza jusqu’aux derniers jours précé­dant le cessez-le-feu.

Parmi les autres obstacles à un tel plan figure l’épui­se­ment des réser­vistes de l’ar­mée israé­lienne, avec des préoc­cu­pa­tions crois­santes concer­nant le refus « silen­cieux » et public de servir ; les troubles civils géné­rés par les efforts agres­sifs du gouver­ne­ment pour affai­blir le système judi­ciaire ne feront qu’in­ten­si­fier ce phéno­mène. Il est égale­ment ferme­ment opposé (du moins pour l’ins­tant) à l’Égypte et à la Jorda­nie, dont les gouver­ne­ments pour­raient aller jusqu’à suspendre ou annu­ler leurs accords de paix avec Israël. Enfin, il y a la nature impré­vi­sible de Donald Trump, qui un jour menace d’« ouvrir les portes de l’en­fer » sur le Hamas et le lende­main envoie des émis­saires négo­cier direc­te­ment avec le groupe, les quali­fiant de « gars plutôt sympas ».

À l’heure actuelle, l’ar­mée israé­lienne conti­nue de bombar­der Gaza de frappes aériennes et de s’em­pa­rer de nouveaux terri­toires autour du péri­mètre de la bande de Gaza. L’objec­tif déclaré d’Is­raël est de faire pres­sion sur le Hamas pour qu’il prolonge la première phase de l’ac­cord, c’est-à-dire la libé­ra­tion des otages, sans s’en­ga­ger à mettre fin à la guerre. Le Hamas, conscient des limites stra­té­giques d’Is­raël, refuse de reve­nir sur sa posi­tion : tout accord de libé­ra­tion d’otages doit être lié à la fin de la guerre. (…)

Néan­moins, la pres­sion combi­née pour un accord – de la part de la popu­la­tion de Gaza, qui demande la fin de ce cauche­mar et se retourne contre le Hamas, et de la part de la société israé­lienne, qui est épui­sée par la guerre et veut récu­pé­rer les otages – pour­rait ne pas conduire à un nouveau cessez-le-feu. Lundi, l’ar­mée israé­lienne a ordonné à tous et toutes les habi­tantes de Rafah de se réins­tal­ler dans la « zone huma­ni­taire » d’Al-Mawasi ; dans les médias israé­liens, cette mesure a été présen­tée comme faisant partie de la campagne de pres­sion exer­cée sur le Hamas pour qu’il accepte de libé­rer les otages restant·es, mais elle pour­rait bien être le premier pas vers l’éta­blis­se­ment d’un camp de concen­tra­tion.

Le gouver­ne­ment et l’ar­mée pensent peut-être qu’un « départ volon­taire » de la popu­la­tion de Gaza effa­cera les crimes d’Is­raël – qu’une fois que les Pales­ti­nien·nes auront trouvé un avenir meilleur ailleurs, les actions passées seront oubliées. La triste vérité est que si un trans­fert forcé de cette ampleur n’est pas réali­sable dans la pratique, les méthodes qu’Is­raël pour­rait utili­ser pour le mettre en œuvre pour­raient conduire à des crimes encore plus graves : camps de concen­tra­tion, destruc­tion systé­ma­tique de l’en­semble de l’en­clave, voire exter­mi­na­tion pure et simple.

Une version de cet article a d’abord été publiée en hébreu sur Local Call. Lire l’ar­ticle ici.

Meron Rapo­port
Meron Rapo­port est rédac­teur à Local Call.
https://www.972mag.com/israel-gaza-concen­tra­tion-camp-expul­sion/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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