Une contribution au débat interne d’Ensembble!
La crise de la démocratie représentative déconsidère la forme parti dans un « refus des hiérarchies, de la personnalisation et de la délégation de pouvoir, le refus de la corruption ». Il ne faudrait toutefois pas procéder à l’aide d’une généralisation hâtive. Car nul niera que la majorité de ceux qui dénoncent, de fait sinon en conscience, l’autonomisation du politique sont, dans leur très grande majorité, ceux qui demandent en même temps plus d’autorités, de pouvoir fort d’un homme fort… C’est très inquiétant et cela rentre en résonance avec le vote FN, dont chacun connaît ses « affinités électives » avec la suppression des partis.
Ce que je retiens, moi, de la définition du parti, c’est le rassemblement d’individu(e)s partageant une même conception sociale et se donnant les moyens de la faire partager afin de la concrétiser. Faisons attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, en participant, de fait, à la même vague anti-parti, qui risque fort de nous péter à la gueule à un moment ultérieur, peut-être plus catastrophique qu’aujourd’hui, et cela parce que nous n’aurons pas mené le vrai combat qui vaille, à mon sens.
On confond à mon sens le résultat avec la cause. C’est l’ autonomisation du politique qui met en cause la forme parti, et cette autonomisation est inscrite dans l’essence même du capitalisme. Pour faire vite, tant que le capital a été en devenir avec son État-béquille , c’est-à-dire pas encore pleinement l’État du capital, avec ses multiples extériorités, le parti était une forme de béquille de la politique, avec notamment ses différentes formes de parti du capital (libéraux, démocrates-chrétiens, socialisant-keynésien …).
Mais maintenant que le capital est en voie de se réaliser effectivement (sa réalité effective), qu’il homogénéise le social sous la dictature ne sont sens vital en professionnalisant la vie, la forme parti n’a plus de sens pour être soumis à la même rationalité du travail. Il en est ainsi du sens du clivage gauche-droite, ou la « gauche » bien-pensante ne pense qu’à former une seule formation politique des Démocrates, avec des sensibilités différentes quant au « valeurs sociales, d’avec les « Républicains » (cf. les USA), et toujours avec des choix de carrière plus ou moins porteurs…
Le tournant a donc été la professionnalisation de la politique. Certes, le professionnel de la politique n’est pas nouveau.., mais ce qui l’est c’est le sens uniformisé qui le porte,la rationalité du travail auquel tous doivent se conformer comme à une norme de la raison. Dès lors,il n’y a pas d’échange démocratique à avoir avec le peuple, qui ne pourrait manifester un désaccord qu’en exprimant le caractère non-raisonnable du populisme. L’homme politique à un discours pour souscrire aux règles devenues superflues de la démocratie, mais agit ensuite selon l’uniformité de la norme devenue.
C’est cela la crise de la forme parti, que l’on ne peut diluer, à la mode foucauldienne, dans la multiplicité des formes de pouvoir, au risque de passer à côté de l’essentiel et, en définitif, jeter le bébé avec l’eau du bain. Plus que jamais, l’économique est déterminant quant à la compréhension de nos sociétés capitalistes ( le « jamais » renvoyant à un schéma matérialiste historique se trompant, à mon sens, d’histoire quant à cette détermination…). De ce point de vue, on ne peut répondre à cette crise en référence au mouvement alter mondialiste expérimentant « un nouveau type de relations, non hiérarchisée et sans chef d’orchestre », aux Printemps arabe et aux Indignés « caractérisés par l’exigence de démocratie réelle, le refus des hiérarchies, de la personnalisation et de la délégation de pouvoir, le rejet de la corruption… », comme si ces causes relevaient de comportements individuels gangrenant la société réduite à des rapports de type anthropologiques. Croit-on vraiment s’en prendre aux causes par cela ?
Il suffit de voir comment Podemos, ignorant les causes réelles, est en train de traduire ses indignations dans les termes tracés par les normes du capital, pour se convaincre du contraire.
Pour autant, s’il est bon de saisir préventivement ce qui ne va pas dans le fonctionnement de la « forme parti », il importe d’abord de saisir son origine. Ce qui est à remettre en cause, « pour les partis issus de l’histoire du mouvement ouvrier, c’est le parti dirigeant, le parti- guide, le parti monolithique… ». Et si c’est à remettre en cause, c’est parce qu’il s’est trompé d’histoire, prenant l’histoire propre du capital pour l’Histoire (cf. le parti léniniste des militants professionnels), et ce jusqu’à pouvoir devenir « parti institutionnalisé ». Et si ces partis « ont aussi assuré des fonctions de mémoire et de synthèse,de socialisation et d’ancrage populaire… » , ces fonctions s’exerçaient dans un capitalisme en devenir, de sorte que, celui-ci devenu, elles ont « aujourd’hui disparu ».
Sur ce point de fonctionnement, il faut être clair qu’on ne peut éviter la représentation et la délégation de pouvoir, même s’il faut la limiter au maximum. Aussi, la chose essentielle ne concerne pas seulement le non-cumul des mandats, qui n’évite pas la professionnalisation du politique, mais aussi leur durée et reconduction.
D’accord, donc, sur tout ce qui concerne la notion de parti- mouvement. Mais à la condition d’éviter de parler, en lien, de « la crise de la forme parti », car on donne des bâtons pour se faire battre, en ignorant ses causes essentielles, comme lorsque l’on dit : « Et ce qui remet en cause ce type de parti, c’est une évolution anthropologique de nos sociétés aujourd’hui plus complexes, plus éduquées, plus exigeantes, sécularisées et marquées par individualisation ».
Il y aurait beaucoup à dire sur la complexité, l’éducation (l’éduqué n’est pas moins croyant que le non éduqué, simplement il croit en autre chose), la sécularisation, l’individualisation.
Mais pour en rester à mon propos, ce n’est, pour ma part, absolument pas cela qui m’incite à cette remise en cause. Mais il conviendrait d’intervenir auprès de ces aspirations avec autre chose que ces resucées des pouvoirs multiples, pour éviter les dérives, seulement « indignés », à la Podemos, soit avec une conception du parti-mouvement liée à la critique du capital.
P Bayer