Le projet de loi n° 2188 du 30/07/14 a l’immense mérite d’ exister. La maison brûle, mais on ne regarde plus ailleurs. Ainsi, le projet commence par une déclaration de bonnes intentions comme les économies de chauffage dans le bâtiment, le développement des ER (énergies renouvelables), la promotion de l’économie circulaire…Dommage que le tout soit dit dans une langue de bois de chauffage de premier choix.
Exemples: « la démocratie énergétique participative » En réalité, la démocratie a horreur des adjectifs. Plus on lui en donne et plus on la restreint. On verra en dessous comment la loi, raison d’être du Parlement, se défausse sur les ordonnances du gouvernement.
« Une loi fruit d’un dialogue au long-cours ». Long-cours peut-être, mais dialogue de sourds sûrement. Il ne reste pas grand choses dans le projet de loi de ce qui avait été dit et écrit dans les forums participatifs, à Poitiers en particulier sous la présidence de l’actuelle ministre de l’ écologie.
La loi
Elle se caractérise par:
1) Un transfert de sa propre autorité en faveur d’ordonnances à prendre par les gouvernements actuels et à venir.
2) Des propositions contestables et des manques qui pénaliseront demain notre société et l’efficacité de la transition énergétique.
I Le coup d’état permanent,
dénoncé jadis par F Mitterrand, est devenu une procédure banale qui non seulement fait l’objet de l’article 38 de notre constitution, mais inspire cette loi sur la transition énergétique dans 8 de ses articles qui stipulent:
« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnances les mesures…. ». Voir les articles suivants:
art 7 sur le comptage de consommation chaleur
art 14 sur le transport par câble,
art 16 sur la teneur en soufre du combustible marin
art 30 sur la production d’électricité par ER
art 31 sur les rayonnement ionisants
art 33 sur l’ASN
art 34 sur les déchets radioactifs
art 46 sur les codes de l’ environnement, de la route, des transports, forestier, de la voirie, de l’énergie.
Cette procédure, proposée par le gouvernement, tend à écarter le parlement des mesures à prendre. Il est transformé en chambre d’ enregistrement. C’est un affaiblissement grave de la démocratie. De plus cette pratique fragilise la pérennité des mesures qui pourront être modifiées très facilement, sans débat, au gré des gouvernements à venir. Ceci compromet gravement l’efficacité de la vaste procédure de transition énergétique qui doit être mise en place.
Ce projet de loi aggrave donc les tares démocratiques de notre constitution. Il donne carte blanche aux gouvernements sur des sujets importants pour régner par ordonnance, comme sous l’ancien régime Royaliste.
II des propositions contestables:
La promotion des « biocarburants »:
D’abord, le terme est impropre car ces carburants n’ont rien de « bio ». On devrait dire agrocarburant.
Ensuite, ces carburants sont issus de l’agriculture industrielle, intensive, OGM demain, qui par les pratiques dites modernes détruisent les sols avec les intrants (engrais, pesticides, insecticides, fongicides…) : c’est tout le contraire du « bio ».
Pour finir, la transformation des huiles végétales en carburant consomme beaucoup d’ énergie: tellement que les fabricants n’osent pas dire combien exactement. On peut penser que le rendement énergétique serait de 1; il faut fournir 1 litre de fuel pour produire 1l d’agrocarburant!
L’ intérêt écologique est quasiment nul , même si le gain pour le fabricant peut rester important. La terre doit être consacrée à nourrir l’ homme, pas les moteurs.
La promotion des voitures électriques.
Encore une fausse bonne idée. La voiture électrique n’est pas propre. La justice a interdit aux vendeurs d’ utiliser cet argument mensonger. La loi en y faisant référence réintroduit cette publicité mensongère. Pour être propres, il faudrait que les voitures soient rechargée avec des ER, du solaire par exemple.
Or chez nous les voitures électriques, qui puisent leur énergie dans les réacteurs nucléaires, produisent des déchets radioactifs qu’on ne sait ni gérer ni stocker.
Chez nos voisins (qui ont tous décidé de sortir du nucléaire), la recharge des batteries par des centrales à fuel consommerait 4 fois plus de carburant que les moteurs thermiques de même puissance.
Autant dire que, faute de batteries adaptées à la puissance requise, la voiture électrique ne pourra pas se développer et restera d’un usage restreint dans les lieux où l’absence de gaz d’échappement est impérative.
Par contre, la voiture hybride simple, non rechargeable, a de l’avenir car elle récupère sa propre énergie cinétique pour recharger ses batteries.
Le « renforcement de la sûreté nucléaire » est constitué de mesurettes qui ne changeront rien à la fiabilité des composants des centrales. Ce n’est pas la réunion publique annuelle des CLI qui changera quoi que ce soit. Des mesures en trompe l’oeil pour faire accepter le parc nucléaire à la population qui , à 75% d’après les sondages, voudrait s’en débarrasser!
Des manques:
Au sujet des transports : rien sur les transports collectifs réorganisés en service public et redéployés. Rien sur le transport des marchandises (ferroutage…). Rien sur le gaspillage de carburant dans les activités de loisirs (sports mécaniques …), les limitations de vitesse
Sur les économies d’électricité. rien sur les éclairages publics inutiles, les panneaux publicitaires inutiles, encombrants, les bâtiments « aveugles » éclairés en plein jour (centres commerciaux). Augmenter la production d’électricité pour continuer le gaspillage est un non-sens.
Sur les GES, rien sur les gaz réfrigérants ,1300 fois plus nocifs que le CO2 pour l’effet de serre, qui fuient des circuits de climatisations, pompes à chaleur, frigidaires, congélateurs, patinoires , centrales nucléaires….etc.
Et enfin le projet ne propose aucun plan de sortie du nucléaire. Le projet prévoit de ne pas dépasser la puissance actuelle d’électricité d’origine nucléaire, soit 63,2 GW. S’il est prévu de passer la part du nucléaire à 50% en 2025, c’ est grâce à l’augmentation des ER. La gestion du rééquilibrage est confiée aux exploitants de centrales électriques. Le parc des centrales nucléaires pourra rester le même, avec un EPR en plus et des réacteurs arrêtés temporairement mais pas fermés définitivement. La fermeture de Fessenheim ne semble plus à l’ordre du jour …Les autres centrales seront gardées en service peut-être pendant 60 ans car EDF le souhaite. Seul un accident majeur pourrait, comme au Japon, changer ce plan. Espérons que la catastrophe nous sera épargnée, mais le risque d’ accident augmente avec le vieillissement des centrales (usures, fatigue, corrosion, criques, faux contacts, etc..).
CONCLUSION
un long chemin vers l’écologie
Difficile à lire, antidémocratique, incomplet, ce projet de loi demande des améliorations. Il a cependant le mérite de commencer une réflexion officielle sur la manière de mettre en œuvre et d’ utiliser les énergies dans notre société. Ce projet de loi, dans son état actuel, aurait du mal à répondre aux objectifs qu’il s’ ait fixés lui-même. Le parlement fera des amendements qu’on peut espérer positifs. Les propositions du mouvement écologique continueront de progresser dans l’ opinion dans les années à venir et permettront de faire évoluer la transition énergétique vers une meilleur efficacité pour la protection de l’environnement et de la santé.
La transition énergétique vers une société économe, raisonnable, respectueuse de l’environnement, en un mot écologique sera un long chemin. Avec ce projet on vient juste de faire le premier pas.
Jacques Terracher ACEVE (association pour la cohérence environnementale en Vienne, Poitiers)
Le 26/08/2014