A Poitiers comme dans toute la France, de Paris à Nantes, Rennes, Toulouse, et dans des dizaines de villes et de villages, les Nuits debout éclosent et persistent.
Nulle enquête n’existe encore sur la variété des personnes qui y viennent, qui y passent ou qui y restent, dans les villes, les plaines et les montagnes. On ne peut ni définir ni expliquer à l’heure actuelle ce mouvement qui est constitué de dizaines de tracts de commissions, sans coordination nationale ni porte-parole. Il est fait de mille paroles libérées, de témoignages de vie, de poèmes et de chants, de déclarations plus ou moins improvisées.
C’est un mouvement pluriel qui réinvente la politique, une autre politique en discontinuité totale avec la politique telle qu’on l’entend chez les politiciens néolibéraux de droite ou de « gauche » ou chez les éditorialistes. Une politique qui congédie les politiciens usés ringardisés, au moment où le discrédit de Hollande est abyssal, où la droite n’a rien appris ni rien oublié , où le FN en embuscade attise haines et ressentiments xénophobes avec un succès maintenu.
C’est une surprise inouïe que ce mouvement, essentiellement jeune, que ces Nuits debout où l’on réinvente l’anticapitalisme et l’écologie, le féminisme et la lutte collective autogestionnaire. Des flux de paroles parcourent les places occupées transitoirement, avec une douceur nouvelle.
Ce sont des sources d’utopie qui coulent en de nouveaux lieux. Des paroles à vocation universelle tâtonnantes et non normatives.
C’est un mouvement fragile où les contradictions sont exposées, non résolues sauf dans la décision de continuer à se parler.
On y parle d’occuper plus que jamais d’occuper les places au soir du 28 avril, toujours contre la Loi travail et toujours au-delà, vers une perspective encore indéfinie.
C’est un moment poétique où un monde peut se réinventer, où un discours politique nouveau se cherche. Après des années d’assassinat systématique des utopies, où la politique fut réduite à un accompagnement des desiderata du patronat avec une répression organisée par l’État toujours pire.
Une respiration nouvelle où les mots « démocratie » et « révolution » reprennent vie.
Pascal Boissel, 28/04/2016