https://www.humanite.fr/en-debat/extreme-droite/appel-a-creer-un-comite-de-vigilance-et-pour-une-alternative-face-a-lextreme-droite
Dans un texte collectif, 150 chercheurs, universitaires, artistes, journalistes et médecins appellent à créer un comité de vigilance face à l’extrême droite. « Si nous prenons collectivement la parole, c’est pour nous donner des armes collectivement face aux menaces, aux mensonges et aux contrevérités du RN comme des anciens dirigeants de ce pays », expliquent-ils.
Notre pays est arrivé à un point de bascule. Le pire comme le meilleur peuvent désormais se produire.
Si nous prenons collectivement la parole, c’est pour nous donner des armes collectivement face aux menaces, aux mensonges et aux contrevérités du RN comme des anciens dirigeants de ce pays (macroniens et « Républicains » en tête).
Si nous défendons la liberté de la recherche, c’est qu’elle est la condition des plus grandes avancées scientifiques et intellectuelles ! La crise du Covid a montré que, si l’on avait fait confiance aux chercheuses et chercheurs de ce pays, les recherches sur le vaccin auraient été bien plus rapidement fructueuses. L’indépendance de la recherche et les libertés académiques ne sont pas des rengaines de privilégié.e.s inutiles ou d’élites universitaires hors-sol : c’est bien nous qui enseignons à toutes et à tous, sans discrimination, c’est bien nous qui ne monnayons jamais notre savoir et nos découvertes, et les offrons au plus grand nombre pour qu’ils soient un bien commun.
Si nous défendons la liberté d’enseigner, c’est parce qu’elle est réellement émancipatrice et citoyenne. Croit-on sérieusement que des uniformes, le Service national universel (SNU) et la sélection à tous les étages (des groupes de niveau à Parcoursup, puis à « Mon Master ») rendront nos enfants meilleurs ? C’est en augmentant le nombre d’enseignants à tous les niveaux de l’enseignement public, c’est en mettant les budgets de l’État à la hauteur des besoins de l’école publique, c’est en améliorant les conditions d’études de tous nos enfants (bâtiments, nombre d’élèves par classe, recrutement…), c’est en rendant réellement gratuite l’éducation que nous verrons la France être l’un des pays où l’on peut s’élever socialement par l’école, où l’on devient un.e citoyen.e clairvoyant.e, curieux.se et informé.e grâce à l’école publique.
Si nous défendons la liberté des artistes et de la presse, c’est qu’il n’y a pas de créativité ou de vérité dictée par un ministère et un gouvernement. Sous aucune dictature, l’art n’a pu se déployer, sauf sous les bannières de la résistance. Sous aucun pouvoir autoritaire ou d’intérêts privés, la presse n’a pu librement enquêter, informer, documenter. Prenant la mesure du danger, les partis de gauche ont trouvé un compromis responsable. Voilà un espoir palpable et enthousiasmant pour obtenir, d’ici un mois seulement, des victoires considérables : transformer le grand mouvement social pour défendre le droit à la retraite en victoire, vivre dignement des salaires et des pensions, droits des femmes, priorité redonnée à l’école publique, liberté de la recherche, pluralisme et indépendance de la presse, transition écologique, lutte contre le réchauffement climatique…
Il est de la responsabilité de chacun.e de ne pas se satisfaire d’une alliance au sommet et de contribuer à la mobilisation populaire. Chaque heure compte pour convaincre. En plus des partis, les forces syndicales mobilisent sur les lieux de travail, les associations également dans les communes urbaines et rurales. C’est en tant que chercheur.e.s, artistes, enseignant.e.s, journalistes, médecins, etc. que nous avons décidé d’intervenir dans le débat public et dans la mobilisation citoyenne. D’abord, en contribuant à mutualiser, développer et diffuser les connaissances sur l’extrême droite et son emprise grandissante sur la société. Le danger est plus imminent que jamais.
Des cercles de la finance et la bourgeoisie d’affaire se sont ralliés à elle. Des grands groupes médiatiques pèsent pour favoriser son arrivée au pouvoir. Tout cela afin qu’elle poursuive et impose de façon encore plus violente ce que la droite a engagé : favoriser le profit, la finance, au détriment des travailleurs.ses et des plus démuni.es, accroître l’emprise de l’argent sur la recherche, les médias et la création, faire obéir les enseignant.es, les chercheurs.ses, les juges, les journalistes, les artistes, assigner les femmes à certains rôles, etc.
Et pour mieux régner, l’extrême droite cherche à diviser les travailleurs.ses et citoyen.es du pays, d’Europe et du monde en diffusant une grille de lecture ethnicisée et raciale de la société.
Mais les masques tombent. Notamment l’imposture sociale du RN : il ne veut pas abroger la dernière loi sur la retraite que nous sommes des millions à avoir combattue, il souhaite donner La Poste à Amazon, il entend privatiser l’audiovisuel public, il veut renforcer la sélection scolaire dès le plus jeune âge…
Tout cela et tant d’autres régressions sont dans son programme : il suffit de les écouter et de les lire. Ce travail d’information est essentiel, pour que les citoyen.ne.s les plus désespéré.es ne se trompent pas de vote d’espoir. Pour combattre le néolibéralisme et la concurrence de tous contre tous, pour combattre tous les fanatismes politiques et religieux, les contrevérités sociales et climato-sceptiques, toutes les confusions idéologiques par la rationalité, nous continuerons à produire des connaissances scientifiques en vue du progrès social.
Ensuite, c’est bien cet espoir que nous portons. Nous voulons que la situation dans quelques semaines se traduise en conquêtes, en recourant au droit comme aux luttes. C’est l’espoir très concret pour de meilleures conditions de vie, pour un réel pouvoir de vivre. Les premières mesures annoncées par le Nouveau Front populaire donnent le ton. Elles forment un tout cohérent, basé sur les valeurs de partage des pouvoirs, des richesses et des connaissances.
Elles sont à même de reconstruire la société après des décennies de ravages. Mettons-les désormais en débat pour qu’une appropriation populaire soit possible. Intellectuel.les, artistes, savant.es, travailleurs.ses de la preuve du pays ou d’ailleurs, nous vous adressons ce message solennel : c’est le moment d’être ambitieux, d’échanger avec toutes et tous, de sortir de nos cercles de fréquentation habituels, de faire progresser la réflexion et l’argumentation, et d’occuper le terrain des idées afin de contribuer à l’élan populaire. Lorsque nous enseignons, cherchons, créons, soignons, informons… c’est pour le bien de toutes et de tous. Lorsque nous écrivons cet appel, c’est avec la même visée.
À nous d’écrire cette nouvelle page pour que la France continue à incarner le meilleur d’elle-même : la justice sociale, le progrès, la rationalité, l’universalisme, la diversité, la résistance, la liberté, l’égalité et la fraternité.