Un communiqué et une pluie de polémiques. Depuis samedi 7 octobre et les débuts de l’offensive terroriste du Hamas dans le sud d’Israël, La France insoumise doit répondre aux critiques, dures, de la quasi-totalité du spectre politique français – partis de gauche compris. La raison ? Le texte diffusé par le groupe LFI qui parle d’« offensive armée de forces palestiniennes menées par le Hamas » et non de « terrorisme » et l’absence de « condamnation » explicite. Consciente que le sujet menace la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) – des socialistes ont fait part de leur « dégoût » et le premier secrétaire, Olivier Faure, a demandé des « explications » –, la députée insoumise de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain appelle les différents membres de l’alliance à chercher les moyens de parler d’une seule voix.
Quelle a été votre réaction, ce week-end, en voyant les premières images de l’opération du Hamas ?
De la sidération. J’ai d’abord été glacée par l’horreur des actes. Des civils tués par centaines, des commandos qui sont entrés dans des maisons, des enfants enlevés, cette rave party dans laquelle 260 personnes ont été assassinées… Autant de monstruosités qui atteignent l’humanité en chacun, chacune d’entre nous. Cinquante ans après la guerre du Kippour, le Hamas a choisi la terreur. Depuis toujours, je suis engagée aux côtés des Palestiniens à qui l’on refuse la justice, la dignité, l’autodétermination. Mais je sais que la fin ne doit jamais justifier les moyens. L’injustice, la violence, la colonisation, les humiliations vécues quotidiennement par les Palestiniens ne peuvent pas légitimer l’utilisation de méthodes contraires aux droits humains. Le terrorisme n’est en aucun cas une solution qui libère les peuples. Et nous voyons déjà que l’opération du Hamas va violemment se retourner contre les Palestiniens.
Le communiqué de presse du groupe insoumis à l’Assemblée a été très critiqué, y compris à gauche. Jérôme Guedj a fait part de son « dégoût ». Etait-ce une erreur ?
Je ne veux ajouter aucune polémique à la polémique. Je veux que nous soyons collectivement à la hauteur du moment. Les mots sont importants et moi-même je n’ai pas trouvé dans mon premier tweet tous les mots justes, même si je n’en renie aucun [elle avait écrit : « Le conflit israélo-palestinien s’embrase dangereusement. Je condamne fermement les violences contre les populations civiles. La solution est politique et diplomatique. La paix et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes doivent être notre seule boussole », ndlr]. Je veux retenir les paroles de Manuel Bompard [coordinateur de LFI] sur France 2 ce lundi matin quand il exprime la condamnation de l’attaque du Hamas contre Israël et sa compassion pour les victimes israéliennes comme palestiniennes.
Si je peux comprendre que l’on pointe du doigt, ici un manque de clarté, là des maladresses, comment croire, laisser entendre ou dire sérieusement que LFI soutient le Hamas, un mouvement qui défend l’islam politique et appelle à la destruction de l’Etat d’Israël ? C’est une insulte à ce que nous sommes, à ce que nous défendons. Elisabeth Borne ferait mieux de s’occuper des conditions du cessez-le-feu plutôt que de nourrir une polémique de pure politique intérieure. La France ne reconnaît toujours pas la Palestine, contrairement à 70 pays de l’ONU. Le silence et l’inaction des dernières années pour le respect du droit international ont exacerbé les tensions, suscitées du désespoir sur lequel le Hamas a prospéré.
Les députés Louis Boyard et François Ruffin ont réagi de manière très différente. Cela veut-il dire qu’il y a des divergences sur ce sujet au sein de La France insoumise ?
La France insoumise n’est pas un bloc monolithique. Ce n’est pas nouveau et il n’est pas souhaitable qu’elle en soit un si elle cherche à construire une majorité dans le pays. Il peut y avoir des réactions qui ne sont pas exactement les mêmes, à condition de développer une analyse commune globalement cohérente. Comme vous le savez, je plaide pour que le pluralisme et la démocratie avancent au sein de LFI. Nous avons précisément besoin de débats internes dans ces moments de bascule, pour être le plus juste et le plus efficace possible dans notre analyse de la situation et dans notre expression. Et ainsi convaincre largement. Or le programme ne nous dit pas ce qu’il faut dire à tout instant, dans toute situation concrète, surtout quand cette dernière s’accélère.
La Nupes est-elle menacée par la séquence ? Le député PS Jérôme Guedj, pourtant ardent défenseur de cette union, estime désormais que « la question » de rester pour son parti « se pose »…
Le conflit israélo-palestinien est un sujet passionnel et de désaccords à gauche depuis longtemps. Nous devons retrouver le fil de la raison émancipatrice pour porter autant que possible une voix commune. C’est la condition pour sortir du déchirement qui nous traverse. Pourtant, fidèles aux principes humanistes qui nous animent fondamentalement, nous devrions reconnaître nos tâches. C’est-à-dire exiger un cessez-le-feu immédiat, qui implique la libération des otages par le Hamas et le fait qu’Israël ne s’engage pas dans la violence « sans précédent » promise par Benyamin Nétanyahou, et traduite par le ministre israélien de la Défense par le « siège complet de la bande de Gaza ». « Pas d’électricité, pas de nourriture, pas de gaz » et ces mots : « Nous combattons les animaux humains et nous agissons en conséquence. » Ensemble, il nous faut soutenir les mobilisations démocratiques israéliennes et la résistance civile palestinienne qui sont les forces d’avenir. Ce sont elles qui peuvent imposer un processus de paix aux parties hostiles qui sévissent depuis trop longtemps. Le Hamas a engrangé du soutien sur la base du ressentiment des Palestiniens. Sans justice, la paix restera un mirage. Toute personne attachée aux principes humanistes fondamentaux doit dire que le chemin de la paix dans cette région suppose de tourner le dos à l’engrenage de la violence et de chercher les voix de l’apaisement par la justice, et donc la reconnaissance des droits des Palestiniens.
Mais la gauche peut-elle encore porter une voix commune ?
Le conflit israélo-palestinien crée des fractures depuis longtemps au sein des gauches et des écologistes. Les désaccords ne sont pas nés ce week-end. Il n’en reste pas moins que nous avons une responsabilité historique à chercher ensemble les voies d’un discours commun. Il y va de notre utilité dans l’action pour la paix dont doivent bénéficier les Israéliens et les Palestiniens. Il en va aussi de notre crédibilité à gouverner ensemble. Je ne veux pas imaginer que nous ayons deux camps à l’intérieur de la gauche qui ne pourraient plus se parler, se comprendre, travailler ensemble en raison de nos désaccords, réels et supposés, sur le conflit israélo-palestinien. Il est nécessaire et possible de trouver le fil commun.
Quand on est de gauche, comment peut-on ne pas condamner fermement l’opération actuelle du Hamas et son projet politique ? Quand on est de gauche, comment peut-on ne pas voir le désastre de la colonisation et les souffrances des Palestiniens ? Quand on est de gauche, comment être aveugles à ce qui a permis au Hamas d’engranger des soutiens, notamment dans la jeunesse ? Quand on est de gauche, comment pourrait-on ne pas exiger l’application des résolutions de l’ONU et la reconnaissance du droit d’un peuple à disposer de lui-même ? Je ne me résigne pas aux divergences et à la fracture.
Participerez-vous à la marche de soutien à Israël organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France ce lundi soir ?
Je comprends celles et ceux qui iront à cette manifestation simplement pour témoigner leur émotion et leur solidarité avec le peuple israélien. Pour ma part, je pense que nous devons nous mobiliser pour la paix, et sans ambiguïté à l’égard de la politique va-t-en-guerre du gouvernement d’extrême droite piloté par Nétanyahou.
Quel rôle la France doit-elle jouer dans le conflit ?
La France est depuis trop longtemps aux abonnés absents pour exiger le respect du droit international. Or le silence installe le pourrissement et l’impasse. La France doit travailler au cessez-le-feu et à une paix durable qui passe par l’application immédiate des résolutions de l’ONU et la reconnaissance de l’Etat de Palestine. Le communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères est inquiétant de ce point de vue. Aussi fou que cela puisse paraître, le mot « paix » n’y figure pas. A part la condamnation du Hamas, aucun chemin n’est dessiné pour sortir de l’affrontement mortifère. L’isolement des Palestiniens et le fait que le processus de paix reste introuvable ont créé un terreau pour les tenants de solutions autoritaires et identitaires. Il faut prendre le mal à la racine.
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