Marine Le Pen en tête des inten­tions de vote : est-ce banal ?

 

Il n’est plus discuté que Marine Le Pen regroupe la majo­rité rela­tive des inten­tions de votes, qu’elle devrait pouvoir réunir sans trop de diffi­culté plus de 40% des voix au second tour. Si quelque événe­ment effrayant surve­nait, nul ne saurait élimi­ner la possi­bi­lité de son élec­tion.

Ainsi donc en France on peut devi­ser tranquille­ment de la possible victoire élec­to­rale d’un parti post-fasciste. Prévoir que la contre-révo­lu­tion haineuse vain­crait.

Ce qui signi­fie que le parti créé par JM Le Pen avec des amis issus du pétai­nisme et de l’OAS applique­rait son programme de rejet des immi­grés, de chasse aux enfants de parents nés ailleurs, de remise en cause de natu­ra­li­sa­tions. Dans ce monde cauche­mar­desque, on parle­rait de sauver la patrie et on dési­gne­rait tous les non FN comme des traitres, ainsi que la firme Le Pen aime à le clamer en ses meetings. La police, sans doute sans avoir trop à se forcer, applique­rait la loi impla­cable des vainqueurs.

Si l’on lit et écoute ce disent et font Stéphane Ravier, maire du 7 ème arron­dis­se­ment de Marseille et Robert Ménard, maire de Béziers, le discours fasciste y est prouvé, depuis quelques années et en ces villes, comme étant porteur élec­to­ra­le­ment. Bien sûr l’ absten­tion des quar­tiers popu­laires y est exces­sive, mais force est de consta­ter que parmi les clien­tèles élec­to­rales du FN, leur discours into­lé­rant pour les étran­gers et les oppo­sants plait.

Si l’on consi­dère qu’en 2002, Jean-Marie Le Pen arriva au second tour des prési­den­tielles alors que son parti était désor­ga­nisé suite à la scis­sion des amis de Bruno Mégret alors qu’ac­tuel­le­ment le FN a une exis­tence en tant que parti avec des mili­tants et des cadres poli­tiques presque partout en France, le risque n’est pas mineur.

Enfin, aujourd’­hui l’élec­to­rat de LR affirme large­ment sa proxi­mité avec le FN au moins par haine atavique de la gauche poli­tique et syndi­cale.

Comment avons nous pu en arri­ver là ?

Le film de Lucas Belvaux, « Chez nous » montre la face double d’un parti du type du FN : une face au plus près des exas­pé­ra­tions popu­laires et une face de brutes jouis­sant de terro­ri­ser des familles d’im­mi­grés sans défense. S’ap­puyant sur des enquêtes faites à propos du FN, ce film n’a suscité nulle grande polé­mique. Marine Le Pen a parfait son brushing et Philip­pot a conti­nué de prome­ner son sourire commer­cial sur les chaines d’info en continu. C’est un fait poli­tique bana­lisé: la violence qui se cache dans les groupes gravi­tant dans l’or­bite du FN est connue et ne surprend plus. Elle inquiète peu, même. Plusieurs livres démontrent la conti­nuité entre le corpus idéo­lo­gique Le Pen père et celui de sa fille. Dans l’en­tou­rage de celle-ci les ex (mais nulle­ment repen­tis) mili­tants du GUD, groupe fasciste et où les admi­ra­teurs de Hitler étaient en famille sont une de ses gardes rappro­chées.

Le slogan « On est chez nous ! » qui unit les parti­ci­pants aux meetings de Marine Le Pen est un euphé­misme de « les étran­gers dehors ! », ou plus préci­sé­ment « les arabes dehors ! », arabes étant remplacé par le mot musul­mans par les habiles propa­gan­distes.

Nous en sommes arri­vés au point où un parti de filia­tion tota­li­taire, dirigé par une famille qui fait feu de tout bois pour s’en­ri­chir, est consi­déré comme une alter­na­tive à tenter, par des groupes sociaux variés. Ce fut essayé et vécu terri­ble­ment en France en 1940–1945, mais le souve­nir de ces années là tend à s’es­tom­per avec le renou­vel­le­ment de géné­ra­tions, à tel point que le propa­gan­diste Alain Soral, ami de Dieu­donné, osa s’af­fir­mer natio­nal-socia­liste.

Certes le retour du fascisme d’ il y a cent ans n’est pas à l’ordre du jour. Le monde a changé, et ce sont les suites de la première guerre mondiale, la victoire de la Révo­lu­tion russe qui furent le terrain de sang et de fureur non conte­nue où le fascisme naquit et pros­péra. Cepen­dant l’his­toire de la montée au pouvoir de Musso­lini, de son discours se réfé­rant un natio­na­lisme de combat et impé­ria­liste ainsi qu’à un discours social aux accents anti­ca­pi­ta­listes, puis son alliance avec les patrons et l’ar­mée, n’est pas sans nous donner quelque sujet de médi­ta­tion.

Alors qu’en Hongrie et en Pologne une droite hostile à la démo­cra­tie est au pouvoir, alors qu’aux portes de l’Eu­rope Erdo­gan a une évolu­tion fasci­sante avec un appel à ce que ses soutiens se battent pour lui et avec des empri­son­ne­ments par milliers, alors que les USA ont élu un homme qui conti­nue son discours au popu­lisme xéno­phobe enflammé, les amis de Marine Le Pen ont quelques raisons de dire que la période leur est faste.

Qui combat le discours et les actes du FN?

Lors du débat télé­visé du 20 mars, Marine Le Pen put devi­ser sans méchante contra­dic­tion; Jean-Luc Mélen­chon s ‘est bien opposé à plusieurs reprises , il a souli­gné que c’étaient elle et Fillon les mis en examen parmi les cinq présents. Mais s’il domina l’émis­sion, celui qui porte les couleurs de la gauche non hollan­diste à cette élec­tion fut moins pugnace envers elle que par le passé. L’opé­ra­tion bana­li­sa­tion du FN a , ici encore, montré sa réus­site.

Le Monde, dans un article d’hier, sur les posi­tions des candi­dats concer­nant l’im­mi­gra­tion écrit à juste titre que Le Pen mène la danse et que Hamon, Mélen­chon ou Macron « ne prennent pas la peine de décons­truire son discours et traitent le dossier a minima ».

Quant à Fillon, sa faillite morale est telle qu’il en vient, dans le reco­piage du FN, à faire pire que Sarkozy; c’est aussi dans l’es­croque­rie décom­plexée qu’il parvient à dépas­ser son maitre. C’est un projet de société inéga­li­taire, auto­ri­taire, large­ment réac­tion­naire en matière de mœurs que Fillon porte. Les passe­relles idéo­lo­giques avec le post-fascisme se multi­plient.

C’est cette société néoli­bé­rale qui fait explo­ser les inéga­li­tés ici et partout dans le monde, qui crée ainsi les condi­tions de cette dissé­mi­na­tion des idées hostiles à nos soli­da­ri­tés et à nos liber­tés. Ce sont les courants poli­tiques néoli­bé­raux, ceux de droite comme ceux issus de la gauche, qui sont respon­sables de l’état inquié­tant du lien social.

Un nouvel anti­fas­cisme consé­quent se doit de dénon­cer les respon­sa­bi­li­tés poli­tiques et sociales de l’état du monde. Le FN est en passe d’ap­pa­raitre à une presque majo­rité d’élec­teurs comme une solu­tion . Les patrons ne souhaitent pas une sortie de l’UE, c’est une limite actuelle à l’ex­pan­sion du FN;  si Le Pen négo­ciait avec eux sur ce point, qui dira qu’ils ne lui trou­ve­raient pas un air avenant, à cette tribun  si hostile aux syndi­cats de lutte?

Un anti­fas­cisme d’aujourd’­hui travaille donc  néces­sai­re­ment à un anti­ca­pi­ta­lisme offen­sif et plura­liste. Dans l’im­mé­diat, dans cette direc­tion, le vote Mélen­chon est le vote qui s’im­pose à moi.

Pascal Bois­sel

3 avril 2017

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