Media­part. 2 août. « L’ef­froyable bilan provi­soire des violences poli­cières après la mort de Nahel »

Voici des extraits de cet article de Media­part:

Mehdi, Abdel­ka­rim, Jalil, Virgil, Natha­niel ont tous perdu un œil. Hedi a la tête fracas­sée. Aimène est dans le coma. Moha­med est mort dans des condi­tions encore troubles. Un mois après le décès de Nahel, Media­part dresse un premier bilan provi­soire d’une vague impres­sion­nante de violences poli­cières.

Antton Rouget 2 août 2023

Mesu­rera-t-on un jour l’am­pleur de la répres­sion qui s’est abat­tue contre la jeunesse des quar­tiers popu­laires il y a un mois ? Depuis l’ex­plo­sion de colère en réac­tion à la mort de Nahel, 17 ans, tué à bout portant par un poli­cier le 27 juin à Nanterre (Hauts-de-Seine), pas une semaine ne se passe sans un nouveau récit de violences poli­cières. Un homme de 27 ans qui meurt à Marseille ; un autre, âgé de 25 ans, toujours dans le coma en Meurthe-et-Moselle ; un adoles­cent de 15 ans ébor­gné en Essonne, etc.

Au fil des récits et des images de ces jeunes hommes aux visages fracas­sés commencent à se dessi­ner, comme une mosaïque, les consé­quences de la semaine de révoltes qui s’est étalée du 27 juin au 5 juillet.

(…)

Il n’en reste pas moins que ce bilan, très provi­soire, donne un premier aperçu de la bruta­lité extra­or­di­naire qui s’est abat­tue en quelques jours dans plusieurs villes françaises.

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  • Mehdi, 21 ans, ébor­gné par un tir poli­cier à Saint-Denis, dans la nuit du 28 au 29 juin

Mehdi a perdu l’usage de son œil droit après avoir été touché par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) lors d’af­fron­te­ments à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) dans la nuit du 29 juin. (…)

À la suite de la plainte dépo­sée par l’avo­cate de la victime, Me Lucie Simon, le parquet de Bobi­gny a ouvert, jeudi 20 juillet, une enquête préli­mi­naire pour « violences volon­taires ayant entraîné une infir­mité perma­nente », avec les circons­tances aggra­vantes qu’elles ont été commises par des personnes dépo­si­taires de l’au­to­rité publique (PDAP) avec arme (en l’oc­cur­rence un LBD), un crime passible de quinze ans d’em­pri­son­ne­ment. Les inves­ti­ga­tions ont été confiées à l’Ins­pec­tion géné­rale de la police natio­nale (IGPN).

  • Natha­niel, 19 ans, ébor­gné à Montreuil dans la nuit du 28 au 29 juin

Tout juste bache­lier, Natha­niel sortait d’un anni­ver­saire, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), lorsqu’il a été pris dans une charge poli­cière. (…)

Victime de sept frac­tures au visage, Natha­niel a perdu l’usage de son œil droit. Il ne sait pas quelle arme a été utili­sée. Sa mère, ancienne cadre admi­nis­tra­tive dans la police natio­nale, l’a encou­ragé à porter plainte. (…)

  • Aimène, 25 ans, dans le coma à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle), le 30 juin

Un mois après, Aimène se trouve toujours dans le coma. D’après les témoi­gnages de ses proches recueillis par Le Monde, ce jeune homme aurait été touché à la tête par un « bean bag », une muni­tion tirée par un poli­cier du Raid, unité mobi­li­sée dans plusieurs villes françaises, dont Mont-Saint-Martin, ville de 10 000 habi­tant·es en Meurthe-et-Moselle. (…) « Des jeunes m’ont dit que ça tirait à tout-va », a aussi témoi­gné auprès de l’AFP Serge de Carli, le maire de Mont-Saint-Martin (divers gauche).

(…)L’avo­cat de la famille d’Ai­mène, Me Yassine Bouz­rou, vient de deman­der le dépay­se­ment de l’af­faire, en dénonçant le refus des juges d’ins­truc­tion de lui donner accès au dossier.

  • Virgil, 24 ans, ébor­gné à Nanterre dans la nuit du 29 au 30 juin

Ancien mili­taire, Virgil « ne comprend pas pourquoi on lui a tiré dans l’œil, sans raison aucune ». D’après son récit, révélé par Blast, il marchait dans une rue de Nanterre aux alen­tours de minuit après avoir parti­cipé à la marche blanche en hommage à Nahel, le 29 juin, quand il a été pris à partie par un groupe de poli­ciers, qui lui auraient dit « casse-toi », avant de rece­voir quelques instants plus tard un projec­tile au niveau de l’œil gauche, a-t-il indiqué dans sa plainte. Selon son avocat, Me Arié Alimi, Virgil ne pourra jamais récu­pé­rer l’usage de son œil.

(…)

  • Abdel­ka­rim, 22 ans, ébor­gné à Marseille, dans la nuit du 30 juin au 1er juillet

À Marseille, Abdel­ka­rim a lui aussi perdu l’usage de son œil gauche alors qu’il passait près d’un groupe de poli­ciers. D’après son récit à Media­part, il marchait alors « seul » en centre-ville, pour se rendre chez un ami qui habite à 150 m (…)

D’après le jeune homme, les poli­ciers se trou­vaient dans des véhi­cules du Raid, unité égale­ment mobi­li­sée ce soir-là à Marseille. Une enquête préli­mi­naire a été ouverte à la suite de la plainte dépo­sée par son avocat, Me Arié Alimi, pour « violences volon­taires en réunion ayant entraîné une muti­la­tion défi­ni­tive ou une infir­mité perma­nente, par personne dépo­si­taire de l’au­to­rité publique, avec arme » et « tenta­tive d’ho­mi­cide volon­taire ». 

  • Moha­med, 27 ans,  cousin d’Ab­del­ka­rim, tué à Marseille, dans la nuit du 1er au 2 juillet

Moha­med, cousin germain d’Ab­del­ka­rim, a quant à lui succombé à ses bles­sures, le lende­main. Alors qu’il s’était arrêté à scoo­ter dans le centre-ville, il est mort d’une crise cardiaque proba­ble­ment causée par un impact de LBD en pleine poitrine.

À l’hô­pi­tal, les méde­cins qui l’ont examiné ont constaté deux impacts « en cocarde » de 4,5 cm de diamètre, évoca­teurs d’un « flash-ball » (aujourd’­hui remplacé par le LBD) : l’un sur l’in­té­rieur de sa cuisse droite, l’autre sur son thorax, côté gauche. D’après l’au­top­sie, ce « commo­tio cordis » (choc sur le cœur) a proba­ble­ment causé la crise cardiaque qui a emporté ce jeune homme de 27 ans, sans anté­cé­dents médi­caux. 

Le 4 juillet, le parquet de Marseille a ouvert une infor­ma­tion judi­ciaire pour « coups mortels » avec arme,(…)

  • Hedi, 22 ans, « laissé pour mort » à Marseille, dans la nuit du 1er au 2 juillet

Le soir de la mort de Moha­med, Hedi a été touché par un tir de LBD qui lui a causé un grave trau­ma­tisme crânien. Ce jeune homme de 22 ans, dont le témoi­gnage est devenu viral ces derniers jours, a aussi indiqué avoir avoir été « tabassé » par un groupe de poli­ciers de la BAC, avec plus de 60 jours d’ar­rêt de travail à la clef.

Quatre fonc­tion­naires de police ont été mis en examen le 21 juillet par un juge d’ins­truc­tion pour « violences volon­taires en réunion, par personne dépo­si­taire de l’au­to­rité publique, avec arme, ayant entraîné une ITT supé­rieure à 8 jours ». L’un d’eux a même été placé en déten­tion provi­soire, ce qui a provoqué l’ire des syndi­cats de police, mais aussi du direc­teur géné­ral de la police natio­nale, Frédé­ric Veaux.

« Je suis contente qu’ils les aient arrê­tés, ça va dans le bon sens », réagis­sait auprès de Media­part Leila, la mère de Hedi, après les mises en examen. (…)

  • Jalil, 15 ans, ébor­gné par la police pendant les révoltes à Chilly-Maza­rin, dans la nuit du 1er au 2 juillet

La tête bais­sée, l’air encore perdu, Jalil a décidé de témoi­gner dans StreetP­ress, mardi 1er août. Cet adoles­cent a 16 ans. Il en avait 15 quand il a perdu l’usage de son œil droit, un mois plus tôt. (…)

À la date du 24 juillet, Emma­nuel Macron, qui préfé­rait insis­ter sur les « 900 bles­sés » parmi les forces de l’ordre, livrait au passage les chiffres suivants : « 28 enquêtes lancées par l’IGPN, la police des polices, et l’IGGN, l’Ins­pec­tion géné­rale de la gendar­me­rie natio­nale ». Dernier bilan dispo­nible à ce jour.

Antton Rouget

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