Media­part. Edwy Plenel. C’est « l’ef­fa­ce­ment » du peuple pales­ti­nien qui est le but de guerre d’Is­raël et de son armée.

https://www.media­part.fr/jour­nal/inter­na­tio­nal/071223/gaza-ou-meurt-notre-huma­nite

« Gaza, où meurt notre huma­nité. »

Edwy Plenel, 7 décembre.

Extraits:

L’in­dif­fé­rence au sort du peuple pales­ti­nien:

« Contri­buant à invi­si­bi­li­ser la durable injus­tice faite au peuple pales­ti­nien, tant qu’Is­raël en occupe et colo­nise les terri­toires (en viola­tion depuis 1967 des réso­lu­tions de l’ONU) et que ses gouver­nants lui refusent le droit de vivre dans un État souve­rain (en viola­tion des accords d’Oslo de 1993), le discours qui nour­rit cette insen­si­bi­lité fait comme si l’his­toire s’était arrê­tée le 7 octobre 2023, avec les massacres commis par les combat­tants du Hamas qui ont fait 1 200 victimes.

Brandi en présent mons­trueux, sans passé ni futur, sans cause ni issue, cet événe­ment terri­fiant devient, pour les gouver­nants d’Is­raël et leurs alliés, l’alibi de leur aveu­gle­ment. Orga­ni­sée par la propa­gande étatique israé­lienne, la projec­tion des images des tueries du 7 octobre, attes­tant de crimes de guerre, sert de justi­fi­ca­tion à une riposte qui, elle-même, viole les lois de la guerre, trans­for­mant la contre-attaque mili­taire face au Hamas en une vengeance meur­trière indis­tincte contre la popu­la­tion pales­ti­nienne de Gaza.

Jamais, depuis la Seconde Guerre mondiale, autant de civils (15 800 morts au récent décompte réalisé par le gouver­ne­ment du Hamas), de familles entières, de femmes et d’en­fants, de soignant·es et d’hu­ma­ni­taires, de jour­na­listes et de profes­sion­nel·les des médias – au moins 56 tué·es, soit plus d’un par jour d’of­fen­sive israé­lienne –, etc., n’ont perdu la vie dans un conflit armé en si peu de temps et sur un si petit terri­toire.

Jamais, non plus, un tel dépla­ce­ment forcé de popu­la­tion, dans des condi­tions sani­taires et huma­ni­taires catas­tro­phiques, ne s’est produit dans cette même unité de temps et de lieu. Envi­ron 1,9 million de personnes, soit 80 % de la popu­la­tion gazaouie, ont dû fuir, quit­tant leurs habi­ta­tions, aban­don­nant leurs biens, perdant leurs repères pour deve­nir des réfu­gié·es et des exilé·es. Une fuite sans répit et sans abri puisque, désor­mais, l’ar­mée israé­lienne attaque le sud de la bande de Gaza vers lequel ces foules ont convergé.

À cette échelle de violence, il ne s’agit pas de dommages colla­té­raux mais bel et bien d’une stra­té­gie guer­rière qui s’en prend au peuple tout entier dont est issu l’en­nemi parti­cu­lier visé : but de guerre proclamé par Israël, l’anéan­tis­se­ment du Hamas est devenu sous nos yeux la destruc­tion de la bande de Gaza, de ses villes, de son histoire et de sa socia­bi­lité, de son passé et de son futur, de ses lieux de vie et de travail. Avec pour consé­quence ultime, l’ef­fa­ce­ment de son peuple, expulsé de sa propre terre.

Entre déses­poir et colère, la sidé­ra­tion qu’ex­prime l’en­semble des orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales, sans en excep­ter une seule, qu’il s’agisse des agences onusiennes telle l’UNRWA ou des ONG comme Méde­cins sans fron­tières, est à la mesure de cette catas­trophe inédite. « Nous sommes proches de l’heure la plus sombre de l’hu­ma­nité », n’hé­site pas à décla­rer le respon­sable de l’Orga­ni­sa­tion mondiale de la santé (OMS) dans les Terri­toires pales­ti­niens occu­pés.

Solen­nelle et inha­bi­tuelle, tant la neutra­lité du Comité inter­na­tio­nal de la Croix-Rouge (CICR) lui enjoint d’or­di­naire le silence, la récente prise de parole publique de sa prési­dente, Mirjana Spolja­ric, lance la même alarme : « Le niveau de souf­france humaine est into­lé­rable. Il est inac­cep­table que les civils n’aient aucun endroit sûr où aller à Gaza et, avec un siège mili­taire en place, il n’y a pas non plus de réponse huma­ni­taire adéquate possible à l’heure actuelle. »

Confronté à la compli­cité, et donc à l’inac­tion, des alliés occi­den­taux d’Is­raël, au premier chef les États-Unis, le secré­taire géné­ral de l’ONU, Antó­nio Guterres, essaye, en vain jusqu’ici, de secouer leur indif­fé­rence. Pour la première fois depuis le début de son mandat en 2017, il vient d’in­voquer l’ar­ticle 99 de la Charte des Nations unies qui lui donne le droit d’at­ti­rer « l’at­ten­tion du Conseil de sécu­rité sur toute ques­tion qui, à son avis, pour­rait mena­cer le main­tien de la paix et de la sécu­rité inter­na­tio­nales ». Un recours justi­fié, selon le porte-parole de l’ONU, par « l’am­pleur des pertes en vies humaines en si peu de temps ». (…) »

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