Myriam Martin (E! et FI Occi­ta­nie): « E3C: Chro­nique d’une catas­trophe annon­cée »

Voici le billet de blog (hébergé par Media­part) de Myriam Martin , ensei­gnante, conseillère régio­nale FI d’Oc­ci­ta­nie, mili­tante d’En­semble! daté du 10 février.

« Depuis mi-janvier les lycéens sont amenés à passer les premières épreuves d’E3C (Épreuves Communes de contrôle Continu). La résis­tance qui s’ex­prime contre les réformes Blanquer est non seule­ment légi­time mais égale­ment salu­taire. Elle pose le seul et vrai problème de ces épreuves: la dispa­ri­tion pure et simple du prin­cipe d’éga­lité.

Depuis désor­mais la mi-janvier les lycéens sont amenés partout en France à passer les premières épreuves d’E3C ( Épreuves Communes de contrôle Continu, ces nouvelles épreuves s’étalent sur trois périodes : deux sessions au 2e et 3e trimestre de la classe de première, et une session au 3e trimestre de la classe de termi­nale ). Partout en France, mais pas en même temps et surtout pas dans les mêmes condi­tions, c’est le moins qu’on puisse dire !

Rien d’éton­nant à ce que ces épreuves aient été pertur­bées dans de nombreux établis­se­ments quoiqu’en dise le ministre Blanquer. Et ce n’est pas parce que person­nels ensei­gnants, parents d’élèves et élèves se sont mobi­li­sés pour faire repor­ter ces épreuves qu’il y a eu pertur­ba­tion mais parce que ces dernières se sont dérou­lées, se déroulent et on peut d’ores et déjà l’af­fir­mer, se dérou­le­ront, dans des condi­tions indignes d’épreuves entrant en compte pour le bacca­lau­réat.

Reve­nons donc sur la forme et le fond.

C’était déjà mal parti pour les sujets eux mêmes, en ligne tardi­ve­ment sur une plate­forme dédiée. Comme un trimestre s’est à peine écoulé, les profes­seur-e-s font part rapi­de­ment de leur perplexité quant à la perti­nence des sujets. De plus ils ne semblent pas adap­tés aux filières tech­no­lo­giques dont les heures d’en­sei­gne­ments sont moins impor­tantes en Histoire Géogra­phie par exemple, que pour les filières géné­rales.

Peu importe, les épreuves doivent commen­cer en janvier et s’éta­ler dans le temps, les chefs d’éta­blis­se­ment ayant carte blanche pour orga­ni­ser ces épreuves. Peu importe encore l’im­pré­pa­ra­tion, les condi­tions diffé­rentes d’un lycée à l’autre tant pour passer ces épreuves, les surveiller ou les corri­ger !

Très vite et à juste titre ensei­gnant-e-s mais aussi élèves et parents s’in­surgent contre les condi­tions dans lesquelles les E3C se passent : les sujets et plus tard les corri­gés circulent sur les réseaux sociaux, les élèves passent des épreuves sans aména­ge­ment propres au Bac (ce qui conduit à des triche­ries, c’est de bonne guerre), pire encore des provi­seurs et des inspec­teurs divulguent les thèmes des sujets posés !

Tout cela le ministre le sait. Mais JM Blanquer conti­nue à tenir des propos léni­fiants sur « tout va très bien », expliquant sans rire que les EC3 « se déroulent dans de bonnes condi­tions ». Or on a atteint l’apo­théose, la semaine du 3 au 8 février, avec, dans certains lycées, l’in­ter­ven­tion des forces de l’ordre, CRS et gendarmes mobiles, orga­ni­sant l’en­trée des élèves dans leur propre établis­se­ment!

La réponse à ces épreuves dont l’im­pré­pa­ra­tion et les condi­tions injustes dans lesquelles elles se sont dérou­lées ne sont plus à démon­trer, c’est la répres­sion : menaces de zéro pour les élèves ayant boycot­tés les épreuves, garde à vue, menaces de sanc­tions disci­pli­naires pour les ensei­gnant-e-s, présence des forces de l’ordre et des équipes « sécu­rité du recto­rat », du jamais vu pour ma part dans l’édu­ca­tion natio­nale depuis que j’en­seigne.

Un comble, un para­doxe au sein d’un lieu, l’école, censé incar­ner le savoir, les connais­sances et au delà l’éman­ci­pa­tion. A l’es­prit critique d’élèves remet­tant en cause la légi­ti­mité de ces épreuves, JM Blanquer a répondu par la bruta­lité, l’ar­ro­gance et le mépris. Nos hiérar­chies inter­mé­diaires n’ont pas agi de meilleure manière justi­fiant tout et n’im­porte quoi, allant jusqu’à affir­mer que comme ces examens concernent du contrôle continu ça n’était pas grave de rensei­gner les élèves sur les épreuves qu’ils auraient à affron­ter! On aura été très loin dans la mauvaise foi, la malhon­nê­teté intel­lec­tuelle et l’ab­surde.

Or la résis­tance qui s’ex­prime sur les établis­se­ments contre les réformes Blanquer et en parti­cu­lier contre la mise en place de ces épreuves de contrôle continu, sont non seule­ment légi­times mais égale­ment salu­taires.

Elle pose le seul et vrai problème de ces épreuves : la dispa­ri­tion pure et simple du prin­cipe d’éga­lité. Ce n’est pas le résul­tat d’un dégât colla­té­ral de la réforme du bac mais bien une posi­tion assu­mée tant du ministre de l’édu­ca­tion que du pouvoir Macron-philippe. L’in­tro­duc­tion du contrôle continu n’a qu’une fonc­tion, briser le carac­tère natio­nal du bacca­lau­réat. Depuis l’ins­tau­ra­tion de Parcours sup jusqu’à la réforme du bac, il s’agit de déve­lop­per avant tout la compé­ti­tion entre élèves et entre établis­se­ments. Nous nous diri­geons vers des diplômes propres à chaque lycée, ce qui comp­tera alors c’est l’ori­gine de la scola­ri­sa­tion du lycéen-n-e. Peu importe si ces épreuves se déroulent dans des condi­tions abjectes, ou si elles déva­lo­risent les épreuves elles mêmes. Ce qui se pratique dans les lycées pro depuis la réforme des Bac pro de 2009, devrait nous aler­ter. Personne ne s’en est soucié parce que le contrôle continu concer­nait une mino­rité d’élèves ( en moyenne autour de 30% des élèves sont scola­ri­sés en LP) issus de classes sociales modestes. A l’époque c’est la droite et ministre de l’édu­ca­tion Chatel qui avait mis en place cette réforme. Faut-il rappe­ler que Mr Blanquer était membre alors de son cabi­net? A l’époque la réforme Chatel avec le contrôle continu en Bac pro a contri­bué à faire de colos­sales écono­mies et à déva­lo­ri­ser le bac pro, faisant de ce dernier un diplôme local.

JM Blanquer est en train de provoquer les mêmes dégâts avec le bac géné­ral et le bac techno. Ce qui est double­ment insup­por­table c’est à la fois la rupture avec le prin­cipe d’éga­lité et le mépris souve­rain avec lequel il traite les ensei­gnants, les élèves et les parents d’élèves. Faut il rappe­ler que le conseil supé­rieur de l’édu­ca­tion avait voté contre sa réforme? Faut il rappe­ler que l’écra­sante majo­rité des orga­ni­sa­tions syndi­cales s’op­pose à sa réforme? Peu importe JM Blanquer s’obs­tine et raconte des histoires quant à la mobi­li­sa­tion, parlant avec hargne d’une « mino­rité radi­cale agis­sante ».

Mais à son mépris nous répon­dons par le notre. Non pas par effet de miroir ou par dépit, mais parce que nous mépri­sons une réforme médiocre et morti­fère, nous mépri­sons ceux qui déman­tèlent le service public d’édu­ca­tion et mettent en danger l’école.

Devant les erreurs et les fautes graves accu­mu­lées en ce mois de janvier, devant l’iniquité qui règne désor­mais et qui a prévalu pour ces épreuves, à cause de cette réforme qui fait fi des ensei­gne­ments et des savoirs et qui soumet les élèves à un bacho­tage inces­sant, Monsieur Blanquer a fait la démons­tra­tion qu’il était indigne de diri­ger le service public d’édu­ca­tion. Il devrait en tirer une seule conclu­sion : sa démis­sion.

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