1) Un mouvement inédit aux fortes exigences politiques
La situation politique est marquée par un retour sur le devant de la scène des mobilisations sociales : lutte contre la déchéance de nationalité, mouvement large et multiforme contre la loi « El Khomri », poursuite de la bataille contre le projet de Notre Dame des Landes dans la perspective du référendum local et développement des mouvements contre l’extractivisme. L’horizon ne se limite pas à la peur, au repli sur soi et à la concurrence de tous contre tous. Des énergies existent pour porter des exigences sociales, démocratiques et écologiques.
Le développement de la mobilisation contre la loi « El Khomri » en particulier a constitué un basculement de situation. Le rejet massif de ce projet s’est exprimé massivement sur les réseaux sociaux qui ont décuplé l’écho des initiatives (pétition en ligne, vidéos « on vaut mieux que ça »…). Le mouvement s’est développé en articulant des journées d’action des organisations syndicales opposées au projet de loi, un mouvement autonome de la jeunesse lycéenne et étudiante qui a été confronté à une répression policière brutale, des occupations de places à travers l’appel aux « Nuits Debout » qui se sont enracinées dans de nombreuses villes.
Cette articulation entre différents types de mobilisations, associant les organisations du mouvement ouvrier et de nouvelles formes d’action et de nouvelles générations qui se nourrissent et se renforcent les unes les autres, a un caractère inédit. Le mouvement est porteur de fortes exigences politiques. D’abord, en posant avec force la question du travail, de la précarité, de l’exclusion, des conditions de travail de plus en plus en difficiles, de l’exploitation patronale, il contribue à la reconstruction d’une conscience commune au monde du travail et à la jeunesse. Ensuite, par la force de l’exigence démocratique, exprimée notamment dans les assemblées des Nuits Debout, du refus de la confiscation de la parole, de la nécessité de réinventer de nouvelles formes démocratiques et de participation réelle à la vie collective. Cette situation est riche de nombreux espoirs, pour redonner du souffle à la question d’une alternative à la société actuelle.
À travers ce mouvement, des expériences s’accumulent, des évolutions se produisent, qui seront autant de forces motrices pour nourrir la reconstruction d’une alternative politique à laquelle nous voulons contribuer. Ce mouvement peut aussi fournir un cadre large pour l’élaboration et la défense d’une plate-forme de revendications à court et moyen termes aux élections locales, nationales et européennes.
2) Déconnexion du paysage politique, crise à gauche et espoir de reconstruction d’une alternative
Le mouvement social met en évidence la rupture entre les exigences populaires et la représentation politique actuelle. Depuis des années, l’abstention, le rejet des institutions avaient témoigné de l’ampleur de la crise démocratique qui travaille le pays. La politique de François Hollande depuis 2012, mise en œuvre par Jean-Marc Ayrault au nom de la compétitivité et de la réduction des déficits publics, puis amplifiée par Manuel Valls avec le « Pacte de Responsabilité », a représenté un véritable « adieu à la gauche » de la part du pouvoir en place. La proposition de déchéance de nationalité, inspirée de l’extrême droite, et le projet de loi Travail ont marqué la rupture pour des milliers d’hommes et de femmes de gauche avec François Hollande. Celui-ci a perdu sa majorité de gauche à l’Assemblée, il doit passer par le 49.3 ou par l’accord avec la droite pour faire adopter ses projets les plus contestés. C’est une crise de légitimité qui est ouverte. Le choc entre les exigences sociales et démocratiques de plus en plus fortes et cette politique provoque de forte tensions, et pourrait amener à des départs et des ruptures significatives dans et autour du PS.
Le projet de François Hollande, Manuel Valls et d’Emmanuel Macron est de recomposer la gauche en rupture avec ses racines historiques, de rendre possibles les alliances gouvernementales avec la droite, d’aller jusqu’au bout de la transformation du PS en parti centriste d’orientation libérale. Cette dérive droitière est celle que la majorité des partis sociaux-démocrates en Europe ont suivi, cherchant des alliances à droite pour accompagner la financiarisation et la mondialisation du capital, en opposition avec des politiques de régulation sociale que parfois appliquaient les gauches au pouvoir. François Hollande parie sur la tripartition du paysage politique, laquelle, face à la menace d’un nouveau 21 avril en 2017, obligerait à « l’unité » derrière le pouvoir en place et permettrait d’effacer le bilan du quinquennat. Mais, alors que les mouvements sociaux reviennent au premier plan, la nécessité d’une alternative de gauche aux politiques gouvernementales ne disparaît pas. C’est celle-ci qu’il faut construire pour permettre de redonner espoir à tou-tes celles et ceux qui aujourd’hui refusent de se résigner. L’année 2017 est une étape importante pour que se crée une dynamique de reconstruction d’un véritable front des forces militant pour une alternative de gauche. Le rassemblement auquel nous souhaitons contribuer suppose que nous menions avec détermination la lutte contre tous les racismes (racisme anti-rroms, islamophobie, racisme anti-noirs…) ainsi que l’antisémitisme et contre toutes les discriminations.
Ces questions sont d’autant plus vitales que les forces de droite et d’extrême droite sont aujourd’hui en position de force. Elles sont capables de polariser le débat politique, idéologique et culturel, en s’appuyant sur des mobilisations puissantes (Manif contre le mariage pour tous…). L’extrême droite menée par Marine Le Pen poursuit son enracinement et renforce sa position de « candidate au pouvoir ». La droite, traversée par de fortes divisions, réorganise ses forces, travaille à sélectionner son leadership, et pourra s’appuyer sur le bilan du quinquennat de Hollande pour poursuivre la mise en œuvre des contres réformes libérales et l’adaptation de la société française aux exigences du capital financier.
3) Les difficultés de l’alternative à gauche depuis 2012, trouver le chemin pour un rassembler toutes les énergies
Depuis 2012, face à la politique de Hollande, il a fallu du temps pour que le peuple de gauche sorte de la résignation, passe de la désorientation et de l’apathie à la résistance active. Les mobilisations et les résistances se sont retrouvées isolées et ont subi des défaites. Sur le terrain de l’alternative politique, malgré la réussite de plusieurs marches et manifestations massives (contre le Traité européen, l’austérité, la Vème République), malgré la présence de candidatures illustrant une opposition claire à la politique gouvernementale (législatives, cantonales, régionales, européennes), la dynamique du Front de gauche n’a pas été portée par un élan mobilisateur venant du mouvement social et il n’a pas réussi à élargir son rassemblement et à déboucher sur la constitution d’une nouvelle force à la hauteur du potentiel qui s’était exprimé et de l’espoir qu’il avait suscité.
L’épuisement du Front de gauche résulte essentiellement des contradictions entre ses partenaires, qui n’ont pas développé une stratégie cohérente pour sa construction. Le PCF revenant parfois à des alliances avec le PS aux municipales et n’envisageant pas l’émergence d’une nouvelle force politique, le PG s’aventurant vers des échappées unilatérales (M6R, « initiatives citoyennes » discutables…). Des logiques de rapports de force ont parfois dominé, et la tentation de rassembler autour de soi-même l’a souvent emporté sur la nécessité de créer un cadre et une dynamique collective permettant l’engagement citoyen. Enfin, le Front de gauche n’a pas réussi à apparaître porteur de l’espoir possible d’une autre société, ni d’alternatives crédibles à la politique gouvernementale. Pour sa part, Ensemble n’a pas réussi à peser suffisamment, à être une force de proposition pour permettre de trouver une issue à la crise du Front de gauche.
Le Front de Gauche, au niveau national, est actuellement fortement paralysé du fait de l’absence de stratégie commune pour la présidentielle. Pour autant, la discussion n’est pas close, dans le PCF comme dans le PG. Nous ne nous résignons pas à cette division du Front de gauche, à l’image des citoyen-nes et militant-es qui l’ont exprimé récemment, notamment celles et ceux qui avaient créé localement des assemblées ou des collectifs qui leur ont permis d’agir et de réfléchir ensemble. Il est essentiel de ne pas tirer un trait sur les acquis de ce qu’a représenté le Front de gauche, il constitue une expérience de convergence qu’il faut développer et élargir. L’ « Humain d’abord » reste une référence, qui reste à enrichir et à actualiser, en termes d’élaboration collective d’un programme alternatif à gauche. Il faut transformer le Front de gauche pour qu’il devienne l’acteur d’un rassemblement plus large, populaire et citoyen. Il faut partir de ce qui existe pour engager aujourd’hui une nouvelle forme de rassemblement ou d’alliance, en travaillant avec d’autres partenaires de la gauche d’alternative, tenant compte des erreurs passées, permettant l’implication citoyenne et portant une stratégie cohérente. Le rassemblement du Front de Gauche et d’EELV, de Nouvelle Donne, de forces citoyennes a constitué des points d’appui positifs lors des élections départementales et régionales.
L’enjeu reste aujourd’hui, et à partir d’un bilan critique du Front de Gauche, de donner corps à une nouvelle coalition porteuse d’espoir, un rassemblement, une coalition ou un front d’une gauche de transformation sociale, populaire et citoyen, combinant présence de forces politiques et sociales et engagements citoyens dans des collectifs prenant part aux décisions essentielles. L’actuel mouvement social avec ses formes de mobilisation nouvelles appelle à renouveler les pratiques dans toutes les constructions politiques envisagées si on souhaite poser les jalons d’une nouvelle gauche. L’objectif stratégique présent à la création du Front de Gauche n’était pas de reconstituer une politique de type « gauche plurielle », mais de rassembler une alternative sans concessions au libéralisme et contester l’hégémonie du PS dans la gauche et son électorat, et gagner une majorité. Cet objectif reste le notre et ne peut être mis en œuvre sans reprendre cette démarche.
4) 2017 : le rassemblement d’une alternative de gauche est possible !
Pour 2017, notre objectif est que toutes les forces de gauche (partis, courants, mouvements, collectifs citoyens, réseaux, en particulier liés à Nuit Debout…) opposées à la politique gouvernementale s’unissent et se rassemblent autour d’un projet et de candidat-es commun-nes à la présidentielle et aux législatives.
La force du mouvement social ouvre des possibilités nouvelles pour reposer la question d’une alternative politique. C’est une chance pour déjouer le piège du tripartisme entre la droite, le Front National et la gauche de Valls et Hollande. Nous voulons favoriser dans les mobilisations l’expression de leur potentiel politique. Ce mouvement a notamment reposé la question de l’initiative citoyenne et populaire et celle de la construction d’une réelle politique de gauche qui soit majoritaire dans la rue et dans les urnes. Ce qui est en jeu de manière encore plus urgente aujourd’hui, c’est l’élaboration d’une politique alternative qui batte durablement la droite et l’extrême droite et la politique gouvernementale. Cette alternative doit être portée par une dynamique large, unitaire et démocratique rassemblant les forces de la gauche de transformation sociale et écologique. Nous voulons rassembler le Front de Gauche, la France insoumise, EELV, les socialistes critiques, Nouvelle Donne, le NPA, les organisations et militants des mouvements sociaux, les forces citoyennes, dès maintenant dans les mobilisations comme en 2017, autour d’un programme et de candidatures de rupture.
Un rassemblement pour une alternative sociale, écologique et démocratique en développant les propositions suivantes (cf. document publié par Ensemble mesures d’urgence pour rassembler une alternative) :
- pour en finir avec l’austérité́ et contre la casse du Code du Travail,
- pour le partage du travail et des richesses,
- pour le développement de l’économie sociale et solidaire,
- pour développer de façon écologique des productions industrielles et agricoles qui assurent la préservation de notre environnement
- pour l’engagement de la transition énergétique et l’arrêt des grands projets inutiles,
- pour l’accès de tou-te-s aux droits fondamentaux (santé, logement…),
- pour un véritable pouvoir de décision des citoyen-nes dans une 6ème République,
- contre le racisme, le sexisme, l’homophobie et toutes les formes de discriminations,
- contre les replis nationalistes, la fermeture des frontières et les logiques de guerre,
- pour une autre Europe émancipée de la domination des marchés financiers, des banques et des multinationales, en rupture avec les traités qui l’organisent (Maastricht, Lisbonne, TAFTA…),
- pour l’accueil des réfugié-es, pour la paix dans la justice et le respect des droits des peuples, pour la coopération et la solidarité́ internationale.
Un rassemblement populaire et citoyen, ouvert et dynamique, qui soit porteur d’un nouvel espoir face à une gauche de droite, à une droite réactionnaire et libérale et à un Front National toujours plus menaçant. Un rassemblement dont le mouvement social en cours contre la loi travail renforce le besoin. En même temps qu’il le reconfigure avec l’émergence d’une nouvelle génération militante demandeuse d’innovation politique, de démocratie directe, d’horizontalité et d’auto-organisation. Et que s’y manifeste un désir de convergence des luttes et de jonction entre leurs différent-es animateurs-trices (syndicats, associations, assemblées Nuit Debout…) qui le nourrit et l’actualise.
Une volonté d’union pour une alternative à gauche s’affirme avec l’ « appel des 100 » initié avec des militant-es syndicalistes, associatifs-tives et politiques. Cela représente un point d’appui durable important pour avancer que nous travaillons à consolider et à amplifier pour contribuer à construire une base programmatique pour le changement politique par les luttes et les élections.
Ensemble ! mettra tout en œuvre pour que ce rassemblement se concrétise pour 2017 et les années qui suivront où le bilan de faillite du gouvernement Hollande Valls et l’extrémisation de la droite, après des décennies de néo-libéralisme, appelleront de profondes restructurations des forces qui combattent pour l’émancipation. Aussi, tous les choix engagés pour les élections de 2017 doivent partir de cette question : favorisent-ils cette reconstruction indispensable ?
Notre objectif est de créer un rassemblement d’un type nouveau, qui réponde aux aspirations qui se sont exprimées dans le mouvement social, profondément pluraliste, démocratique, horizontal, refusant la personnalisation des débats, et qui ne vise pas à se construire autour d’un seul courant ou d’une seule force politique. C’est un véritable mouvement populaire et citoyen qu’il nous faut viser.
Pour la Présidentielle, Ensemble défend une candidature de large rassemblement et ne se résigne pas à la dispersion des forces. Une proposition de candidature, critique du gouvernement, mais qui ne se situe pas dans une logique de rupture avec le libéralisme et de confrontation avec le patronat et la finance ne peut constituer une alternative.
Nous voulons que cette candidature résulte d’une construction collective impliquant toutes les forces concernées. Elle peut être celle de Jean Luc Mélenchon, seul candidat déclaré à ce jour, ou d’un-e autre candidat-e qui pourrait permettre de rassembler largement.
La proposition de candidature de Jean Luc Mélenchon a rencontré un large écho populaire et entraîne une dynamique militante. Mais le mouvement « La France insoumise » ne rassemble à ce jour qu’une partie des forces disponibles pour une alternative. Avec la mobilisation contre la loi travail, le mouvement des Nuits Debout, c’est un mouvement horizontal, pluraliste et démocratique, qui ne construise pas autour d’une seule force politique, dont il faut poser les bases.
Nous regrettons que cette candidature n’ait pas pu être discutée collectivement avec les formations du Front de Gauche, mais il existe un socle commun constitué par l’Humain D’abord.
Ensemble propose à Jean Luc Mélenchon et aux forces de la France insoumise d’engager des discussions sur les échéances présidentielles et législatives de 2017. Nous voulons débattre de la nature du rassemblement à construire, du programme à défendre et de voir comment sa candidature pourrait s’inscrire dans un cadre commun. Pour cela, Ensemble rencontrera dès juin 2016 Jean Luc Mélenchon et les forces de la France insoumise pour débattre de ces enjeux.
Dans le même temps, nous rencontrons toutes les forces concernées (Front de Gauche, EELV, Nouvelle Donne, NPA, socialistes en rupture avec le gouvernement, animateurs-trices du combat contre la loi travail…).
Pour les élections législatives, nous nous fixons comme objectif de réunir partout où c’est possible des candidatures communes de l’ensemble des forces de la gauche de transformation sociale. Il est possible de construire une plate-forme commune qui, sur cette base, permette d’engager le débat dans des circonscriptions et d’envisager des candidatures communes ou un soutien réciproque dans les circonscriptions et d’assurer l’élection de député-e-s vraiment à gauche. La division doit être évitée à tout prix pour éviter une nouvelle dégradation des rapports de force.
Nous proposons à tous d’organiser à la fin de l’année des assises de la transformation sociale et écologiste rassemblant toutes celles et tous ceux qui veulent affirmer leur opposition aux politiques austéritaires et sécuritaires menées alternativement par la droite et le Parti Socialiste.
Pour la présidentielle et les législatives, nous défendrons dans nos discussions avec ces partenaires :
- que des groupes de base citoyens jouissant d’une grande autonomie soient constitués pour mener la campagne,
- que des mécanismes démocratiques, à inventer en grande partie, soient mis en œuvre pour que ces groupes de base citoyens soient partie prenante de l’orientation et de l’organisation des campagnes présidentielle et législatives (réunions locales et nationales de ces groupes, modes de délégation),
- Qu’une méthode soit décidée pour constituer un socle commun programmatique
- que la campagne doit être nationalement et régionalement conduite par une équipe représentative des sensibilités politiques et des groupes de base citoyens ayant décidé́ de s’y associer, autour d’un porte-parolat collectif,
- avec des méthodes répondant aux exigences démocratiques telles qu’elles s’expriment aujourd’hui dans le mouvement social (Nuit Debout, etc…).
Un Collectif National les 1er et 2 octobre 2016 fera le bilan de ces objectifs et décidera des modalités de poursuite du débat dans Ensemble (aboutissement d’un consensus, nouvelle consultation des adhérent-es).
Texte adopté le 12 juin 2016 par l’Assemblée Générale d’Ensemble!
Nuit debout, citée à plusieurs reprises ici, est le lieu d’expression de la démocratie et de la convergence des luttes, bien au delà des élections et de Mélenchon. De plus, Nuit debout est présente avec les manifestants, les syndicalistes, les militants pour renforcer les actions proposées. Espérons plus de militants pour renforcer Nuit debout.