« Passe sanitaire, tests et confiance : la recette danoise du monde de demain »
30 juillet 2021 Par Rozenn Le Saint
Voici des extraits de cet article. Le Danemark a eu une gestion de cette crise qui est à analyser. Voir comment le tester-tracer-isoler peuvent être utilisé systématiquement. 100% des plus de 80 ans y sont vaccinés 80% des danois ont reçu au moins une première injection.
Concernant le passe vaccinale, faire la comparaison ne signifie pas appeler à copier en France l’orientation des danois. Il est cependant intéressant de voir comment un peuple pas plus soumis qu’un autre fait avec, et les avantages qui en furent attendus et ceux qui ont été obtenus. En France le pays est plus vaste et plus hétérogène, et surtout la façon dont Macron décrète des interdictions majeures sans délibération collective rend ce débat difficile et explosif. Débat qui ne doit pas conduire à nier cette épidémie, ses ravages bien sûr et qui doit nous amener à trouver les meilleurs moyens de parvenir à une vaccination généralisée, tout en améliorant aussi toutes les autres mesures nécessaires à mieux mettre en place.
PB, 30–7–2021
« Le Danemark, pionnier du passe sanitaire, a évité une troisième vague de Covid-19. Mais ça n’est pas la solution miracle : une puissante politique de tests gratuits et la confiance de la population
Copenhague (Danemark).– Voyager au Danemark aujourd’hui, c’est comme faire un bond dans le monde de demain. Au restaurant, au cinéma, au musée… Pas d’aller et retour du masque sur le nez en fonction de l’endroit où l’on met les pieds. C’est simple, les masques ont presque disparu du paysage danois. À la place, avant d’entrer, un passe sanitaire est exigé depuis avril déjà.
Alors que la France vit sa quatrième vague de Covid-19, le petit royaume nordique a pour l’heure échappé à la troisième. Depuis le début de la pandémie, il a dénombré 2 500 morts du Covid-19… Contre 111 725 en France, dont la population est seulement douze fois plus importante.
Aujourd’hui, 61 personnes sont hospitalisées à cause du Covid-19 au Danemark, dont 10 en soins intensifs. Ces sept derniers jours, Santé publique France a dénombré 2 718 nouvelles hospitalisations, dont 544 en soins intensifs.
Arpenter Copenhague, cependant, ce n’est pas retrouver le monde d’avant : les QR codes sont omniprésents dans ce pays hautement digitalisé. « Ici c’est Big brother, le paiement par téléphone, les banques, la sécurité sociale, le permis et maintenant le Coronapas… Tout est digitalisé et c’est bien accepté », assure Jan Pravsgaard Christensen, professeur d’immunologie des maladies infectieuses à la faculté de santé de l’université de Copenhague.
D’ailleurs, pour s’y rendre, il faut montrer patte blanche : une preuve de vaccination, un test négatif ou un certificat de rétablissement est requis à l’entrée de l’établissement. Le Danemark a été le premier pays d’Europe à instaurer le passe sanitaire le 6 avril, pour renouer petit à petit avec les libertés perdues pendant un long hiver, dans l’optique de limiter les dégâts de la deuxième vague… Et d’éviter la suivante.
La levée extrêmement progressive et étalée dans le temps des restrictions liées au Covid-19 a débuté en avril au Danemark, de pair avec le Coronapas.
Le Coronapas n’est plus demandé en terrasse et beau temps aidant, finalement, il est exigé dans peu de lieux de restauration. Le risque de contagion est bien moindre en extérieur et l’objectif premier du passe sanitaire à la danoise est bien de réduire la transmission du virus en contrôlant sa diffusion. C’est ce qui a guidé l’exécutif danois au printemps. Et non pas l’incitation à la vaccination par la privation de libertés recherchée par Emmanuel Macron cet été.
Quatre jeunes, la vingtaine, font une pause entre deux manèges. Trois d’entre eux sont entièrement vaccinés. « Avant, je faisais deux, trois tests antigéniques par semaine pour pouvoir aller où je voulais », témoigne Charly. Douloureux ? Chronophage ? « On s’y habitue et on a accès partout », dit-il simplement, lui qui a « eu la chance de se faire vacciner il y a deux mois. Je ne me suis pas posé la question, c’était synonyme de retour à la liberté ».
Emmanuel Macron a prévenu qu’à partir de l’automne, les tests dits « de confort » ne seront plus remboursés par la Sécurité sociale. « Ce n’est pas une bonne idée. Les gens vont moins se faire tester ou essayer de tricher en affichant le résultat d’un test qui n’est pas le leur, et on saura moins où le virus circule en France », juge Jan Pravsgaard Christensen. Il montre son application Coronapas sur son téléphone, qui indique clairement son nom, en même temps que l’heure qui défile.
Le but ? Éviter que des resquilleurs sans passe sanitaire ne présentent la capture d’écran d’un QR code qui n’est pas le leur au moment du contrôle.
Or, davantage que le passe sanitaire en soi, c’est la remontée des cas contacts grâce à une politique de tests massifs – PCR et antigéniques, moins fiables mais plus rapides – qui semble avoir préservé les Danois d’une troisième vague.
« Quand 3 % des habitants d’un quartier ou d’une ville sont testés positifs, nous refermons tout jusqu’à ce que le virus n’y circule plus : les écoles, les restaurants… C’est mieux que de bloquer tout dans tout le pays plus tard ! », considère-t-il.
Avec les déplacements estivaux des populations, est-ce tenable ? « Nous avons eu le cas d’un cluster dans le nord du pays dans un restaurant dont les clients vivaient pour la plupart à Copenhague. Ils ont rapidement été tracés, contactés, testés et les positifs se sont isolés le temps de l’infection, c’est tout », expose simplement Jan Pravsgaard Christensen.
Le Danemark fait partie des pays au monde où le Covid-19 a le moins fait de dégâts. Sa population se montre aussi particulièrement résiliente face aux contraintes instaurées pendant la pandémie. La recette danoise ? D’abord, de strictes mesures de restrictions des libertés décidées tôt, puis leur levée très progressive et étalée dans le temps, avec des jauges et des plages horaires augmentées au rythme de la décroissance de la circulation du virus et de l’arrivée des doses de vaccin. Ensuite, sa politique efficace de traçage des cas contacts.
« Les scientifiques qui conseillent le gouvernement font œuvre de pédagogie et sont écoutés par l’exécutif malgré la pression de l’opposition de droite qui pousse continuellement à rouvrir tout toujours plus vite dans un objectif économique et non sanitaire », complète le professeur Pravsgaard Christensen.
100 % des plus de 80 ans ont été vaccinés, contre 82 % en France : il s’agit pourtant de la population qui risque le plus de contracter une forme grave de Covid-19 et donc de déferler dans les hôpitaux.
Dans l’Hexagone, 5 millions de personnes vulnérables ne sont toujours pas vaccinées, selon l’assurance-maladie. Au Danemark, les anciens qui ne peuvent pas se rendre dans un centre de vaccination proche de chez eux comme Lotti reçoivent leur injection à domicile.
En tout, 80 % des Danois ont reçu au moins une injection, contre 62 % en France, et près de 59 % sont complètement vaccinés, contre 52 % dans l’Hexagone.
Avec cette progression de la vaccination et la maîtrise de la circulation du virus, le Danemark entre dans une nouvelle phase à compter du 1er août : celle de la levée progressive de l’obligation de présenter un passe sanitaire dans les cinémas, théâtres et musées.
« Au fur et à mesure, tous les Danois les plus vulnérables au Covid-19 ont été vaccinés, ce qui permet la levée progressive des restrictions. Néanmoins, le combat n’est pas terminé. Le virus saura trouver les personnes non vaccinées et même les plus jeunes ont à y perdre. Ils risquent notamment de souffrir d’un Covid long. Plus il y aura de personnes vaccinées, plus le Covid-19 pourra être appréhendé comme une grippe saisonnière », prévoit Lone Simonsen, chercheuse à l’université de Roskilde.
« Atteindre l’immunité collective estimée autour de 85 % sera difficile, à moins de vacciner aussi les enfants. Toutefois, ne serait-ce que le fait de s’en approcher réduit considérablement la circulation du virus », rappelle son collègue Viggo Andreasen. Dans cette optique, le gouvernement a prévu de lever le Coronapas le 1er octobre dans l’espoir d’ouvrir ainsi un autre chapitre, celui du monde d’après-demain.