Le mouvement Utopia vient de publier un petit ouvrage collectif qui fera date : Propriété et communs — idées reçues et propositions (jan. 2017, collection Controverses, 112 pages, 4 €).
Notice de l’éditeur :
Entre le privé et le public, nous assistons un peu partout dans le monde à une renaissance des communs. En réalité ils n’ont jamais disparu et on estime que près de deux milliards de personnes appliquent le principe de communs pour des biens et services de leur vie quotidienne. Le concept de commun, qui demande la coexistence d’une ressource définie, d’une communauté déterminée et d’un mode de gouvernance collectif, renvoie à la prise de conscience des limites d’une régulation par le marché ou par le public.
Cette renaissance des communs a été dynamisée par l’apparition des communs informationnels (logiciels libres, Wikipédia, licences Creative Commons, etc.) luttant contre les abus de la propriété intellectuelle, mais aussi grâce à la prise de conscience des dangers de la privatisation du monde et du vivant par les transnationales ou les plus riches, générant conflits, inégalités et destructions écologiques. Elle a aussi été dynamisée par les échecs du tout étatique, à la gestion souvent lourde et bureaucratique.
À travers dix idées reçues, ce livre interroge les communs et repose la question taboue de la propriété et de l’héritage, donc des rapports de pouvoir. Car toute extension du domaine des communs entraîne la remise en cause des pouvoirs donnés aux propriétaires, qu’ils soient privés ou publics.
Dans sa partie propositions, cet ouvrage, vulgarisateur et pédagogique, prône la priorité donnée à la valeur d’usage et la mise en place ou l’extension dans nombreux domaines d’une propriété communale, associée non à des individus mais à une collectivité.
Les communs, alternative à la société du tout marché, réponse à l’offensive néolibérale, dépassement du capitalisme et de l’étatisme, révolution du XXIe siècle ? Ce livre montre que c’est peut-être un peu tout cela.
La question des communs est éminemment d’actualité. Cette ouvrage traite du sujet dans sa relation à la propriété, cette approche est trop souvent éludée dans les prises de position et les textes sur les communs, ou encore le commun selon les auteurs. Ce retour, cette renaissance des communs pour reprendre le titre de l’ouvrage phare de David Bollier, intéresse de plus en plus de citoyens désireux de changer la vie et le cours des choses.
Dans son introduction, « Les communs, c’est déjà l’alternative en actes », Benjamin Coriat, un des initiateurs et des animateurs des économistes atterrés, affirme : « Le commun c’est déjà, en actes, un des éléments clés de l’alternative que depuis des décennies nous cherchons à construire. » Il donne trois raisons :
- le commun déplace l’opposition binaire marché/Etat vers la garantie ou non de l’égalité et de la pérennité de l’accès aux biens essentiels ;
- le commun devient l’instrument d’un droit de propriété inclusif et non plus privatif et exclusif, intégrant une variété de communauté et d’individus entre lesquels les différents attributs du droit de propriété sont alloués et distribués constituant un faisceau de droits ;
- le commun introduit de la délibération dans la gestion des ressources partagées et participe donc à la fois au progrès de la démocratie et à la préservation de la ressource contre son épuisement précoce.
L’introduction donne quelques explication sur ce retour des communs : l’apparition grâce au numérique des communs informationnels (logiciels libres, Wikipedia, etc.) ; les impasses ou faillites de la privatisation, et à l’inverse les échecs de l’extension du tout étatique, les impasses de la bureaucratisation ; la marchandisation du monde et l’accaparement des savoirs des terres, des sous-sols, du vivant. On y trouvera aussi évidemment une définition.
Qu’entend-on par « communs » ?
C’est un concept qui demande la coexistence de trois éléments fondamentaux:
- une ressource collective définie
- une communauté déterminée
- un mode de gouvernance collectif1
Cela signifie qu’un bien ou un service n’est pas commun par nature, mais par son usage. (…) La propriété de ce bien ou service peut être commune, c’est-à-dire appartenir à la communauté qui la gère, mais aussi publique ou privée. (…) Parmi les missions de gestion de ce bien ou service figure l’obligation de ne pas le dégrader afin de pouvoir le léguer aux communautés futures.
Les communs sont basés sur les principes de co-obligation (règles définies par la communauté et auxquelles se plie l’ensemble des membres), de co-décision (ces règles sont mises en place par l’ensemble de la communauté) et de co-activité (les communs doivent être entretenus et constamment réactivés par la communauté, il n’y a pas de bien qui serait « commun » par nature, il s’agit plutôt d’une construction collective d’un bien en « commun »).
D’une façon très pédagogique l’ouvrage se poursuit en traitant de dix idées reçues (y compris parfois dans nos rangs…) :
- « Les communs, ça ne marche pas »
- « Les communs, c’est le communisme ou le collectivisme »
- « Si les communs sont gratuits et accessibles à tous, ils seront moins bien gérés et donc moins bien utilisés que s’ils étaient privatisés »
- « La propriété privée est un droit naturel et imprescriptible »
- « La propriété c’est le vol »
- « La propriété, c’est la sécurité et la liberté »
- « L’envie d’appropriation et la cupidité font partie de la nature humaine »
- « Il est normal de pouvoir léguer ses biens à ses enfants »
- « C’est l’appât du gain personnel qui motive le désir d’entreprendre »
- « Tout le monde n’est pas apte à gérer un commun »
Ensuite, ce sont dix propositions qui sont avancées et proposées à la discussion :
- Remettre en question le droit sacré de la propriété au profit du droit d’usage.
- Il est temps de nous inspirer de la « modernité » des peuples traditionnels, notamment d’Amérique latine, pour repenser la propriété et dessiner les contours d’un nouveau paradigme du Buen Vivir.
- Faire de la nature et des communs des objets de droit et soutenir l’action du Tribunal international des droits de la nature.
- Considérer la terre comme un commun au service de l’autonomie alimentaire, de la ruralisation et de la biodiversité.
- Revoir les modalités d’héritage.
- Les biens et services associés à des besoins et droits fondamentaux doivent être organisés en communs.
- La finance et la monnaie doivent devenir des communs publics.
- Changer les règles de la propriété intellectuelle.
- Entre les sphères privée et publique, nous proposons l’extension des communs.
- Une architecture mondiale pour le développement des communs
En dépit de sa faible pagination, l’ouvrage comporte des encarts dont de nombreux exemples, et arrive avec un glossaire et une bibliographie très complète.