Rapport des obser­va­toires des liber­tés publiques et des pratiques poli­cières. (extraits) SAINTE-SOLINE 24–26 mars 2023

Rapport des obser­va­toires des liber­tés publiques et des pratiques poli­cières
SAINTE-SOLINE 24–26 mars 2023
EMPÊCHER L’ACCÈS À LA BASSINE QUEL QU’EN SOIT LE COÛT HUMAIN

CONCLUSION
Dans un contexte de chan­ge­ment clima­tique et de séche­resses à répé­ti­tion, la ques­tion de la
bonne gestion des biens communs envi­ron­ne­men­taux se pose avec acuité. Face au risque, perçu
comme crois­sant, d’ac­ca­pa­re­ment de l’eau par des inté­rêts écono­miques soute­nus par les pouvoirs
publics, des mobi­li­sa­tions citoyennes diverses ont fleuri (et conti­nuent de naître) partout dans
l’hexa­gone pour impo­ser cette théma­tique dans le débat public.

Ainsi, de nombreuses personnes ont choisi d’user de leur liberté d’ex­pres­sion, d’as­so­cia­tion, du
droit de réunion paci­fique, en adop­tant tant des formes clas­siques de reven­di­ca­tions que des nouvelles
formes plus « pertur­ba­trices » se récla­mant entre autres de la déso­béis­sance civile afin de visi­bi­li­ser
cette reven­di­ca­tion poli­tique. Cela, afin d’exi­ger du Gouver­ne­ment et des acteur·i­ce·s écono­miques
qu’iels s’in­ves­tissent réso­lu­ment sur ces ques­tions.
Cepen­dant, les préoc­cu­pa­tions et reven­di­ca­tions de ces mili­tant·e·s se heurtent de plus en plus
à la crimi­na­li­sa­tion poli­tique de leur lutte et à la répres­sion de leurs mili­tant·e·s.
La mobi­li­sa­tion contre le projet de méga-bassine à Sainte-Soline est un exemple parlant
du conti­nuum répres­sif que le gouver­ne­ment applique de plus en plus à l’en­contre des
mobi­li­sa­tions écolo­gistes.
Cette mani­fes­ta­tion de mars 2023 a fait l’objet de 8 arrê­tés d’in­ter­dic­tion des mani­fes­ta­tions,
des attrou­pe­ments ou rassem­ble­ments reven­di­ca­tifs, sur un terri­toire parti­cu­liè­re­ment étendu (dans pas
moins de 17 communes durant tout le week-end).
Cette zone géogra­phique a été le théâtre d’un déploie­ment massif de moyens de
surveillance, compre­nant des mesures de rensei­gne­ments prises à l’en­contre de person­na­li­tés du
mouve­ment oppo­sées aux méga-bassines et de certain·e·s élu·e·s de la Répu­blique. Un grand
nombre de dispo­si­tifs de capta­tion d’images de surveillance et de contrôle a été constaté en amont,
pendant et après la mobi­li­sa­tion qui s’éten­dait sur trois jours.
Des contrôles routiers et d’iden­tité massifs, liés aux réqui­si­tions du procu­reur, ont été
déployés pendant un laps de temps et une zone géogra­phique dépas­sant large­ment ceux de la
mobi­li­sa­tion. Une grande marge d’ap­pré­cia­tion était lais­sée aux forces de l’ordre lors de ces
contrôles.

Taxé·e·s tour à tour d’éco-terro­risme, d’ac­ti­visme violent, de gauche radi­cale, quali­fié-es
d’ad­ver­saires, de milices d’ul­tra-gauche, par le pouvoir exécu­tif et les auto­ri­tés de police ainsi qu’une
partie des médias, les mani­fes­tant·e·s ont été crimi­na­li­sé·e·s, tant pour disqua­li­fier leur
reven­di­ca­tion poli­tique autour du partage de l’eau que pour justi­fier un emploi non néces­saire et
dispro­por­tionné de la force à leur encontre.
On ne peut que s’in­ter­ro­ger sur la volonté des auto­ri­tés au regard du nombre de gendarmes
mobi­li­sés et du choix des armes déployées. Plus de 3 200 gendarmes et poli­ciers ont été enga­gés du 24
au 26 mars dans le cadre de cette mobi­li­sa­tion, un pelo­ton moto­risé d’in­ter­ven­tion et d’in­ter­po­si­tion
(PM2I) monté sur quad, 9 héli­co­ptères, 4 blin­dés, 4 canons à eau, 4 pelo­tons héli­por­tables ont été
déployés. De nombreuses armes, rele­vant notam­ment du maté­riel de guerre, ont été vues et utili­sées à
Sainte-Soline : lanceurs Cougar, grenades lacry­mo­gènes, ASSD, GENL, GM2L, lanceur de balles de
défense, produits de marquage codé…

Comme évoqué, les hosti­li­tés autour du projet de méga-bassine ont été initiées par les forces de
l’ordre,
qui ont par la suite fait un usage déme­suré et invrai­sem­blable d’armes de guerre, mettant
grave­ment en danger l’en­semble des mani­fes­tant·e·s qui se trou­vaient aux alen­tours de la bassine. Bien
que le décompte de l’uti­li­sa­tion des armes puisse être mis en ques­tion, c’est a minima plus de 5 000
grenades qui ont été lancées, de manière indis­cri­mi­née, sur une période d’en­vi­ron deux heures.

Au-delà du nombre et de l’im­por­tant déploie­ment des armes, le carac­tère « spec­ta­cu­laire » du
main­tien de l’ordre réside dans la consti­tu­tion d’un « fortin » créé par l’ali­gne­ment des camions de
gendar­me­rie autour de la bassine entraî­nant de facto leur encer­cle­ment par les mani­fes­tant·e·s
déter­mi­né·e·s à y accé­der. Les manoeuvres possibles pour les forces de l’ordre se sont retrou­vées
dras­tique­ment réduites par cette confi­gu­ra­tion, offrant comme unique possi­bi­lité, pour obéir aux ordres,
de lais­ser passer les mani­fes­tant·e·s, ou de les repous­ser, quoi qu’il en coûte, afin qu’iels ne parviennent
pas à accé­der au chan­tier de méga-bassine (soit un trou dans la terre).
S’ajou­tant aux nombreuses bles­sures causées par l’usage dispro­por­tionné et à plusieurs reprises
non néces­saires des armes, la prio­rité donnée à des enjeux de main­tien de l’ordre sur toute autre
consi­dé­ra­tion a révélé son absur­dité lors des entraves aux secours.
La respon­sa­bi­lité des pouvoirs
publics et notam­ment de l’É­tat, est mani­fes­te­ment enga­gée du fait de l’ab­sence d’an­ti­ci­pa­tion ,
puis de la volonté déli­bé­rée de ne pas porter secours au plus vite, cela en plus des respon­sa­bi­li­tés
pénales liées aux consé­quences d’une possible non-assis­tance à personne en danger.

A la suite de la mani­fes­ta­tion, des décla­ra­tions hâtives du ministre de l’In­té­rieur ont parti­cipé à
la divul­ga­tion de fausses infor­ma­tions sur le déroulé de la mani­fes­ta­tion. Des rapports de la gendar­me­rie
et de la préfec­ture des Deux-Sèvres ont égale­ment avancé des éléments factuel­le­ment faux. Toute cette
commu­ni­ca­tion « offi­cielle » consti­tue une réécri­ture alar­mante des événe­ments.
Ainsi, la volonté poli­tique était claire ; la mani­fes­ta­tion de Sainte-Soline ne devait pas avoir
lieu, et toute personne qui bravait l’au­to­ri­sa­tion préfec­to­rale s’ex­po­sait à des risques pour son
inté­grité tant physique que morale.
Aucune place n’a été lais­sée pour permettre un dialogue
poli­tique lié aux reven­di­ca­tions des mani­fes­tant·e·s, l’en­semble de la commu­ni­ca­tion offi­cielle
portant sur le déroulé de la mani­fes­ta­tion, alimenté par une rhéto­rique guer­rière et falla­cieuse,
sous la houlette du minis­tère de l’In­té­rieur.
Enfin, il convient de rappe­ler que les événe­ments qui se sont dérou­lés à Sainte-Soline
s’ins­crivent dans un contexte plus géné­ral de répres­sion violente des mouve­ments sociaux et d’at­teinte
à la liberté de mani­fes­ter et d’ex­pres­sion.
Partout en France, que ce soient lors de rassem­ble­ments
écolo­gistes ou lors du mouve­ment natio­nal contre la réforme de retraite, on assiste à un nombre crois­sant
d’ar­rê­tés d’in­ter­dic­tion de mani­fes­ta­tion, à une répres­sion tant poli­cière que judi­ciaire des
mani­fes­tant·e·s et à de nombreux cas de bles­sé·e·s en mani­fes­ta­tion.
Ces atteintes sont telles que l’ONU s’en est alar­mée et a fait part de ses préoc­cu­pa­tions au
regard de la situa­tion en Fran­ce187, ainsi que le Conseil de l’Eu­ro­pe188. La Défen­seure des droits189,
la Contrô­leuse géné­rale des lieux de priva­tion de liber­tés190 ou la Commis­sion natio­nale
consul­ta­tive des droits de l’Hom­me191 ont égale­ment tiré la sonnette d’alarme.

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Concer­nant Serge D (en annexe du rapport)

B) Chro­no­lo­gie des événe­ments s’agis­sant de Serge D.
Cette annexe a voca­tion à docu­men­ter les faits rela­tifs à l’ab­sence de prise en charge d’un des
bles­sé·e·s lors de la mani­fes­ta­tion du 25 mars 2023. Dans cette partie, il a été décidé de publier des
extraits du minu­tier de l’équipe sur place afin de présen­ter notre métho­do­lo­gie d’ob­ser­va­tion.
Serge D. est blessé à 13h45. A 13h46, un groupe de mani­fes­tant·e·s le trans­porte pour l’éva­cuer de
la zone où il a été blessé. Il est déposé sur le sol puis est de nouveau trans­porté quelques instants après
sur la route qui est à proxi­mité. À 13h48, un premier appel est passé. À 13h54, un nouveau dépla­ce­ment
est effec­tué car le PM2I a tiré des grenades jusque dans la zone où le blessé est en train d’être pris en
charge par les médics.206
Le méde­cin J. en charge du back-office des soignant·e·s appelle le SAMU à 14h11 qui lui indique
ne pas pouvoir inter­ve­nir.
Entre 14h15 et 14h20, les trois avocat·e·s de l’in­ter-obser­va­toire sont aver­tis par le méde­cin J.,
qu’un des mani­fes­tant·e·s était en situa­tion d’ur­gence vitale. Il s’agit de Serge D..

En présence des trois avocat·e·s, J. appelle à nouveau le SAMU à 14h25 en rappe­lant qu’au regard
des symp­tômes décrits, il s’agit d’un trau­ma­tisme crânien et que la personne est en urgence vitale.
L’in­ter­lo­cu­teur du SAMU indique que les secours ne peuvent se dépla­cer tant que la zone n’est pas
sécu­ri­sée. J. précise alors que des personnes sur place lui ont précisé que la zone était calme.
À 14h33, le backof­fice de l’in­ter-obser­va­toires demande à une équipe d’ob­ser­va­teur·i­ce·s de se
rendre à proxi­mité du blessé.
À 14h45, Les obser­va­teur·i­ce·s, arri­vé·e·s sur les lieux, indiquent au backof­fice que la situa­tion est
calme, sans aucun risque de sécu­rité, et cela depuis 14h10.
En effet, il ressort de cet extrait du minu­tier de l’équipe Gironde-93 sur place que : (….)
À 14h50, l’équipe d’ob­ser­va­teur·i­ce·s assiste à un appel d’une méde­cin urgen­tiste, Agathe, présente
sur place et prenant en charge Serge D.. Lors de cet appel passé en haut-parleur, la méde­cin urgen­tiste
détaille la situa­tion, l’ur­gence vitale dans lequel se trouve le blessé, et l’ab­sence de maté­riel pour soigner.
Mais le SAMU refuse d’in­ter­ve­nir, invoquant des motifs de sécu­rité pour leur équipe :
À 14h55, le docteur J. appelle de nouveau les secours en présence des trois avocat·e·s. Cet appel a fait l’objet d’un enre­gis­tre­ment, depuis publié207, dont la retrans­crip­tion est la suivante :


Retrans­crip­tion
« DR J : Non Pas du tout je suis pas sur place je suis loin et je reçois des appels. J’ai essayé de
joindre le pôle PRV là, je n’ar­rive pas à les joindre. L’éva­lua­tion que … ouais ouais on voudrait en
tout cas un… ouais ouais ouais, F., je les ai appe­lés tout à l’heure déjà, merci.
[…]
POMPIER : Je viens d’avoir un repré­sen­tant du SAMU sur place qui dit qu’ils n’en­voient personne
sur place leur point de regrou­pe­ment des victimes est à l’église de Sainte-Soline une fois que ce sera
là-bas l’en­ga­ge­ment des moyens sera décidé.
DR J : Écou­tez, je pense que…. c’est pas oppor­tun comme déci­sion… je suis méde­cin, il y a des
obser­va­teurs de la LDH la ligue des droits de l’Homme qui sont sur place qui disent que c’est calme
depuis une demi heure donc en fait vous pouvez inter­ve­nir. Et moi mon évalua­tion à distance avec
des éléments parcel­laires que j’ai c’est que, il faut une évacua­tion immé­diate, c’est pas…
POMPIER : D’ac­cord. Je vais vous repas­ser le SAMU

[…]
SAMU : Le SAMU bonjour, la salle de crise
DR J : Oui bonjour Dr F à nouveau c’est vous que j’ai eu tout à l’heure au télé­phone ? Oui super
vous en êtes où de la plus grosse urgence abso­lue de ce que j’ai comme impres­sion moi de loin ?
SAMU : Alors déjà le problème c’est que vous n’êtes pas sur place donc c’est un peu compliqué.
DR J : Ouais mais en fait…
SAMU : On a eu un méde­cin sur place et on lui a expliqué la situa­tion c’est qu’on enverra pas
d’hé­lico ou de moyen SMUR sur place parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de
l’ordre, voilà
DR J : OK, est ce que… voilà alors moi je suis avec des obser­va­teurs de la ligue des droits de l’Homme
qui disent que leurs obser­va­teurs sur place disent que c’est calme depuis 30 minutes et que donc il
est possible d’in­ter­ve­nir
SAMU : Je suis d’ac­cord avec vous vous n’êtes pas le premier à nous le dire le problème c’est que
c’est à l’ap­pré­cia­tion des forces de l’ordre et qu’on est sous un comman­de­ment qui n’est pas nous et
donc pour l’ins­tant on a ordre de rassem­bler les victimes au niveau de l’église de Sainte-Soline c’est
ce qui est en train d’être fait avec des moyens pompiers qui se déplacent sur site pour prendre en
charge et rame­ner, mais pour l’ins­tant pas de moyen de SMUR ou d’hé­lico qui peuvent se poser sur
place
DR J : La LDH me dit qu’il y a des méde­cins mili­taires qui viennent d’ar­ri­ver sur place, est ce que
vous avez cette infor­ma­tion vous aussi ou pas ?
SAMU : Les méde­cins mili­taires ils sont là pour les forces de l’ordre
DR J : Ah ils sont là pour les forces de l’ordre, OK
SAMU : C’est leur service de méde­cine pour les forces de l’ordre, ce n’est pas urgences et SAMU
DR J : OK, alors, la ligue des droits de l’Homme me demande, est ce que vous avez un contact au
niveau du comman­de­ment à trans­mettre à la ligue des droits de l’Homme pour qu’on puisse
inter­ve­nir… ?
SAMU : Néga­tif, néga­tif
DR J : Est-ce que vous voulez que je vous passe la ligue des droits de l’Homme ? Comment est-ce
qu’on peut faire ?
SAMU : Non plus, ce n’est pas notre travail. Nous on gère les victimes pour l’ins­tant et les secours.
Je n’au­rais pas le temps de…OK, moi le SAMU… il faut qu’ils fassent le point dans ce cas-là ils
contactent la préfec­ture.
[…]
AVOCATE : Vous avez inter­dic­tion d’in­ter­ve­nir ? Vous confir­mez que vous avez inter­dic­tion
d’in­ter­ve­nir ?
SAMU : On n’a pas l’au­to­ri­sa­tion d’en­voyer des secours sur place car c’est consi­déré comme étant
dange­reux sur place
AVOCATE : OK – mais si ça ne l’est pas ce serait de la non-assis­tance à personne en danger
SAMU : Pas de problème mais on doit avoir nos secours en sécu­rité égale­ment, malheu­reu­se­ment
on n’a pas auto­ri­sa­tion de les envoyer comme ça,
AVOCATE : Vous n’avez pas auto­ri­sa­tion des forces de l’ordre, ou de votre analyse ?
SAMU : On n’a pas auto­ri­sa­tion de toutes les insti­tu­tions sur place, pour l’ins­tant on est sur
leur comman­de­ment

AVOCATE : Quelles insti­tu­tions du coup ?
On a besoin d’ana­ly­ser très clai­re­ment parce que là il y a quelqu’un qui peut décé­der donc…Pour
que leurs respon­sa­bi­li­tés soient établies on a besoin de savoir.
SAMU : On fait au mieux mais malheu­reu­se­ment il n’y a pas de possi­bi­lité d’en­voyer…
AVOCATE : Qui inter­dit l’ac­cès à cette personne en danger grave, vital ?
DR J : Vous confir­mez que c’est la préfec­ture qui inter­dit l’ac­cès, c’est ça ?
SAMU : Non ce n’est pas la préfec­ture qui inter­dit l’ac­cès, je vous dis que c’est le comman­de­ment
sur place
DR J : Comment on fait pour contac­ter le comman­de­ment sur place ?
SAMU : Eh ben il faut passer par la préfec­ture. On ne peut pas vous les donner direc­te­ment,
DR J : Est-ce qu’il faut faire le 17 pour avoir le comman­de­ment sur place ? Vous croyez ou pas ?
SAMU : Il faut passer par les forces de l’ordre effec­ti­ve­ment
AVOCATE : C’est quoi vous votre contact avec eux ?
SAMU : Nous malheu­reu­se­ment le SAMU on est juste là, on nous demande d’en­voyer les moyens
qu’on envoie à des points donnés on peut pas faire plus.
DR J : Ouais, ouais, mais on sait bien vos contraintes mais on essaie de vous permettre de travailler
parce que vous êtes empê­chés de travailler en fait.
SAMU : On mono­po­lise la ligne d’ur­gence ». (fin de l’ap­pel)
A 14h56, l’équipe d’ob­ser­va­teur·i­ce·s présente sur place voit arri­ver des méde­cins mili­taires
qui apportent les premiers soins à Serge D. :
À 15h05, une voiture du SAMU parvient fina­le­ment sur la zone. Les pompiers sont cepen­dant
toujours bloqués par les forces de l’ordre :

Le témoi­gnage d’un mili­tant de Bassine Non Merci vient complé­ter le contexte de l’ar­ri­vée de
l’am­bu­lance :
Mili­tant de Bassine Non Merci
« A un moment, il se dit que les SAMU ont enfin l’au­to­ri­sa­tion d’ar­ri­ver, et effec­ti­ve­ment peu
de temps après nous voyons une ambu­lance « offi­cielle » arri­ver sur l’autre route où se trouvent
d’autres bles­sés. Mais l’avan­cée jusqu’à nous n’est pas possible donc je traverse le champ en
courant pour les rejoindre. Je leur montre la posi­tion de S sur l’autre chemin, leur dit que ça
va être compliqué de passer par là (foule compacte à cet endroit et surtout passage le long de
la bassine bloqué avec les véhi­cules brûlés) et plus facile de faire le tour, mais que je peux les
y emme­ner. Je monte à l’ar­rière de l’am­bu­lance, qui fait demi-tour et tourne à droite pour
reprendre le chemin par lequel nous étions passés avec Benoît Jaunet et l’autre personne.
L’am­bu­lance arrive sans encombre et sans obstruc­tion jusqu’à S pour le prendre en charge.
Un trans­fert est opéré dans l’am­bu­lance, qui démarre puis s’éloigne de quelques dizaines de
mètres pour s’ar­rê­ter juste après le carre­four, où elle restera jusqu’à ce que je reparte du site
 »

À 15h14 la préfète des Deux-Sèvres tweete « La prise en charge des bles­sés est en cours. Les
évacua­tions ont commencé. Ne gênez pas la progres­sion des secours208 ».
208 https://twit­ter.com/Prefet79/status/1639631925194235906

Plusieurs mani­fes­tant·e·s expriment leur crainte d’être pris en charge par les pompiers au regard
des pour­suites judi­ciaire : (…)

Le témoi­gnage d’un mili­tant de Bassine Non Merci vient complé­ter le contexte de l’ar­ri­vée de
l’am­bu­lance :

Mili­tant de Bassine Non Merci
« A un moment, il se dit que les SAMU ont enfin l’au­to­ri­sa­tion d’ar­ri­ver, et effec­ti­ve­ment peu
de temps après nous voyons une ambu­lance « offi­cielle » arri­ver sur l’autre route où se trouvent
d’autres bles­sés. Mais l’avan­cée jusqu’à nous n’est pas possible donc je traverse le champ en
courant pour les rejoindre. Je leur montre la posi­tion de S sur l’autre chemin, leur dit que ça
va être compliqué de passer par là (foule compacte à cet endroit et surtout passage le long de
la bassine bloqué avec les véhi­cules brûlés) et plus facile de faire le tour, mais que je peux les
y emme­ner. Je monte à l’ar­rière de l’am­bu­lance, qui fait demi-tour et tourne à droite pour
reprendre le chemin par lequel nous étions passés avec Benoît Jaunet et l’autre personne.
L’am­bu­lance arrive sans encombre et sans obstruc­tion jusqu’à S pour le prendre en charge.
Un trans­fert est opéré dans l’am­bu­lance, qui démarre puis s’éloigne de quelques dizaines de
mètres pour s’ar­rê­ter juste après le carre­four, où elle restera jusqu’à ce que je reparte du site

Il faut attendre 16h02 pour que l’am­bu­lance emmène Serge D.


Commu­niqué et synthèse

Le samedi 25 mars 2023, en dépit d’in­ti­mi­da­tions de la part des auto­ri­tés publiques, 18 obser­va­teur·i­ce·s indé­pen­dant·e·s étaient présent·e·s à la mani­fes­ta­tion contre le projet de méga-bassine à Sainte-Soline.

Après un travail de plusieurs mois fondé sur des obser­va­tions de terrain, recou­pées à l’aide de témoi­gnages et d’élé­ments maté­riels, les obser­va­teur·i­ce·s versent au débat public un rapport minu­tieux rela­tif à la stra­té­gie de main­tien de l’ordre déployée ainsi que le récit précis du dérou­le­ment de la mani­fes­ta­tion.

Dès le 24 mars 2023, le ministre de l’In­té­rieur avait averti que l’on verrait «  […] des images extrê­me­ment dures, parce qu’il y a une très grande mobi­li­sa­tion de l’ex­trême gauche et de ceux qui veulent s’en prendre aux gendarmes et peut-être tuer des gendarmes et tuer les insti­tu­tions  ». Les auto­ri­tés publiques ont alors mis en scène un main­tien de l’ordre spec­ta­cu­laire d’une très grande violence. Derrière une muraille de camions, 3000 gendarmes armés étaient rassem­blés autour du chan­tier de la méga-bassine. Ces derniers ont attendu que les mani­fes­tant·e·s arrivent à proxi­mité du chan­tier trans­formé en fortin et ont alors déchaîné une violence immo­dé­rée, donnant lieu à des images brutales. Face à un ennemi de l’in­té­rieur “éco-terro­riste”, construit depuis plusieurs mois par les auto­ri­tés publiques, l’Etat devait réus­sir sa démons­tra­tion de force. En moins de deux heures, plus de 5000 grenades ont été tirées, occa­sion­nant au moins 200 bles­sé·e·s.

Inter­ro­gées sur cet usage indis­cri­miné et dispro­por­tionné de la force, les auto­ri­tés publiques ont persisté dans la confron­ta­tion et se sont livrées, de manière alar­mante, à une réécri­ture des événe­ments. DEUX RAPPORTS comman­dés par le minis­tère de l’In­té­rieur ont été rédi­gés et publiés à la hâte dès le 27 mars 2023, visant à accré­di­ter cette version offi­cielle.

Contrai­re­ment à ce qui a été affirmé, nos obser­va­tions de terrains démontrent que ce sont bien les gendarmes, montés sur les quads, qui ont effec­tué une sortie en se rendant en premier au contact des mani­fes­tant·e·s à 12h35 ; que les gendarmes ont bien attaqué les cortèges sans somma­tion ; que des bles­sé·e·s et les élu·e·s qui les proté­geaient ont bien été pris·e·s pour cibles par des tirs de grenades et que la trêve a bien commencé à 14h08, lais­sant place au calme durant une heure.

Empor­tées par leur récit guer­rier, les auto­ri­tés publiques ont choisi de ne pas secou­rir des bles­sé·e·s en détresse vitale. Ne pouvant igno­rer qu’un déploie­ment de forces aussi déme­suré et l’uti­li­sa­tion de maté­riels de guerre occa­sion­ne­raient immanqua­ble­ment des bles­sé·e·s, les auto­ri­tés ont entravé les secours au mépris de la vie humaine.

Pour Patrick Baudouin, président de la LDH : «  Depuis Sainte-Soline et malgré de nombreuses alertes, notam­ment des rappor­teurs spéciaux des Nations unies, le gouver­ne­ment persiste dans une logique liber­ti­cide et auto­ri­taire de crimi­na­li­sa­tion et de répres­sion des mobi­li­sa­tions sociales.  »

Paris, le 10 juillet 2023
https://www.ldh-france.org/empe­cher-lacces-a-la-bassine-quel-quen-soit-le-cout-humain-2/

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Synthèse rapport

Dans le cadre d’une mobi­li­sa­tion à l’ap­pel de plus de cent orga­ni­sa­tions, dont les collec­tifs Bassine Non Merci et Les Soulè­ve­ments de la Terre ainsi que la Confé­dé­ra­tion paysanne contre le projet de méga-bassine de Sainte-Soline, 22 membres des obser­va­toires des liber­tés publiques et des pratiques poli­cières du 93, de Gironde, de Paris, du Poitou-Charentes et de Toulouse étaient présent·e·s du 24 au 26 mars sur la zone de Melle et Sainte-Soline, afin d’ob­ser­ver les pratiques de main­tien de l’ordre, parti­cu­liè­re­ment lors de la mani­fes­ta­tion autour du chan­tier de méga-bassine qui se tenait le 25 mars.

Dès vendredi, jour d’ar­ri­vée des équipes d’ob­ser­va­tion, nous avons constaté le déploie­ment d’un dispo­si­tif ultra-sécu­ri­taire dans un péri­mètre très large autour de la zone de la mobi­li­sa­tion, et bien au-delà : des barrages routiers massifs assor­tis de contrôles d’iden­tité et de fouilles de véhi­cules géné­ra­li­sés – lais­sés en grande partie à l’ap­pré­cia­tion des forces de l’ordre – dont la léga­lité pour­rait être inter­ro­gée vu leur éten­due géogra­phique et tempo­relle, mais égale­ment la présence d’au moins un camion doté d’un dispo­si­tif de rensei­gne­ment et le survol perma­nent de la zone par au moins un héli­co­ptère de gendar­me­rie. Ces opéra­tions se sont pour­sui­vies jusqu’au dimanche.

Cinq équipes d’ob­ser­va­teur·i­ce·s étaient présentes le samedi 25 mars et ont suivi les trois cortèges (rose, jaune et bleu) qui compo­saient la mani­fes­ta­tion.

Les conclu­sions établies par le présent rapport, basées sur les obser­va­tions de terrain des diffé­rentes équipes, remettent large­ment en cause la version offi­cielle présen­tée par les auto­ri­tés, qui se sont livrées de manière alar­mante à une réécri­ture des événe­ments.

Avant même l’ar­ri­vée des mani­fes­tant·e·s aux abords du chan­tier de la méga-bassine de Sainte-Soline, des binômes de gendarmes armés et coif­fés de casques de moto, montés sur 20 quads sont venus au contact des cortèges.

Contrai­re­ment à ce qu’a­vancent les rapports de la gendar­me­rie et de la préfète des Deux-Sèvres, l’en­ga­ge­ment de la force a bien été décidé à l’en­contre des cortèges rose puis jaune, en l’ab­sence d’acte d’hos­ti­lité de leur part, et ce sans somma­tion. Si la venue des quads à quelques mètres du cortège bleu a été source de tensions et a entraîné quelques tirs de feux d’ar­ti­fice à distance de la part de certain·e·s mani­fes­tant·e·s, la réponse immé­diate (voir quasi-simul­ta­née) des forces de l’ordre, consis­tant à gazer de manière indis­cri­mi­née et abon­dante l’en­semble du cortège, est appa­rue, dès le début des « affron­te­ments », tota­le­ment dispro­por­tion­née et surtout géné­ra­trice de tensions. Le compor­te­ment de la gendar­me­rie lors de cette première rencontre avec les mani­fes­tant·e·s ne peut en aucun cas être assi­milé à une tenta­tive de déses­ca­lade.

Ensuite, lors de l’ar­ri­vée des cortèges sur le site de la bassine, les gendarmes ont tiré en continu sur l’en­semble des mani­fes­tant·e·s avec des armes rele­vant des maté­riels de guerre : tirs de grenades lacry­mo­gènes, grenades assour­dis­santes et explo­sives de type GM2L, ASSD et GENL, ainsi que des tirs de LBD 40.

Les obser­va­teur·i­ce·s remarquent que les tirs de grenades lacry­mo­gènes et explo­sives ont été massifs, indis­cri­mi­nés et parfois tendus sur l’en­semble des mani­fes­tant·e·s. Ces grenades ont notam­ment été envoyées très loin dans les cortèges, à l’aide de lanceurs et de dispo­si­tifs de propul­sion à retard. Que ce soient des jour­na­listes, des obser­va­teur·i­ce·s, des élu·e·s, des bles­sé·e·s, ou des mani­fes­tant·e·s à distance du chan­tier, l’en­semble les personnes présentes aux abords du chan­tier de méga-bassine ont été touchées, sans distinc­tion, par des tirs de grenades. Les déto­na­tions très rappro­chées de grenades explo­sives étaient très souvent suivies de cris d’ap­pel au secours pour assis­tance médi­cale.

Ce rapport revient égale­ment sur la partie du rapport de l’ins­pec­tion géné­rale de la gendar­me­rie natio­nale (IGGN) rela­tive aux tirs de LBD depuis les quads, démon­trant que la moti­va­tion rete­nue par les auto­ri­tés s’ap­puie sur des éléments factuel­le­ment faux, permet­tant large­ment de douter de l’ar­gu­ment invoqué par les gendarmes quant à leur situa­tion de « légi­time défense ».

Enfin, les obser­va­tions ont établi que la protec­tion des bles­sé·e·s a été mise en défaut plusieurs fois par les opéra­tions des forces de l’ordre. Notam­ment, lorsque les élu·e·s ont formé une chaîne humaine autour des bles­sé·e·s pour les proté­ger et permettre leur évacua­tion, des grenades lacry­mo­gènes ont été tirées dans leur direc­tion, les contrai­gnant à recu­ler et dépla­cer les bles­sé·e·s. Dès lors, en contra­dic­tion avec ce que prétend la préfète des Deux-Sèvres, rien ne justi­fiait l’uti­li­sa­tion de la force à l’en­contre de ces personnes.

Au surplus, il a pu être constaté des entraves aux secours pour les bles­sé·e·s les plus graves par les auto­ri­tés publiques : tant les pompiers sur place que le SAMU ont déclaré ne pas pouvoir s’ap­pro­cher des bles­sé·e·s dont un blessé grave pour le prendre en charge, en raison d’un défaut d’au­to­ri­sa­tion par le comman­de­ment qui invoquait des heurts dans la zone où se trou­vait le blessé. Pour­tant, l’en­semble des équipes d’ob­ser­va­tion ont constaté que dans le laps de temps en ques­tion, la zone était tota­le­ment calme et sans danger, éloi­gnée de plusieurs centaines de mètres des forces de l’ordre et des mani­fes­tant·e·s.

Ainsi, la respon­sa­bi­lité des pouvoirs publics et notam­ment de l’Etat est enga­gée.

Plus géné­ra­le­ment, la stra­té­gie de main­tien de l’ordre rete­nue par les auto­ri­tés, traduite par le posi­tion­ne­ment des gendarmes accu­lés au chan­tier de la bassine, a mis grave­ment en danger l’en­semble des personnes présentes sur place : cette opéra­tion de main­tien de l’ordre n’a semblé repo­ser que sur l’usage massif des armes.

En seule­ment deux heures ce sont plus de 5 000 grenades qui ont été utili­sées contre les mani­fes­tant·e·s, tirées de manière indis­cri­mi­née et conti­nue, témoi­gnant d’une inten­sité excep­tion­nelle et d’un usage immo­déré du recours à la force, occa­sion­nant de très nombreuses bles­sures, souvent graves, allant même jusqu’à plusieurs urgences abso­lues.

Cet usage dispro­por­tionné d’armes de guerre avait un objec­tif clair : empê­cher l’ac­cès à la bassine, quel qu’en soit le coût humain.

Ce choix stra­té­gique de main­tien de l’ordre fut ainsi lourd de consé­quences. Les obser­va­teur·i­ce·s ont constaté de très nombreuses bles­sures et appels de « médics » tout au long de la mani­fes­ta­tion. Nombre de bles­sé·e·s n’ont pas pu être pris·e·s en charge, car le manque d’in­dé­pen­dance des moyens de secours vis-à-vis du dispo­si­tif de police a conduit à une forme d’auto-orga­ni­sa­tion des mani­fes­tant·e·s pour le soin (contrainte notam­ment par les arrê­tés d’in­ter­dic­tion de circu­la­tion). Enfin, de nombreux·ses bles­sé·e·s ont renoncé aux soins, par peur de la répres­sion.

Les commu­ni­ca­tions des auto­ri­tés, en amont et en aval de la mani­fes­ta­tion, témoignent d’une volonté de crimi­na­li­ser les parti­ci­pant·e·s, afin de légi­ti­mer auprès du grand public un déploie­ment massif et incon­si­déré de la force à leur égard. Cette volonté de mani­pu­ler l’in­for­ma­tion du public s’est expri­mée tant dans les commu­ni­ca­tions du comman­de­ment de la gendar­me­rie, de la préfec­ture des Deux-Sèvres que du minis­tère de l’In­té­rieur.

Télé­char­ger le rapport : Rapport-final-10.07.23_DEF


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