Grande région : Alain Rousset défend le modèle aquitain
Un homme de gauche soucieux du bien-être des entreprises ? Alain Rousset n’y voit aucun paradoxe. Le président de l’actuelle Aquitaine, fervent défenseur d’un renforcement du pouvoir des régions, entre en campagne en avançant son bilan, avant tout économique.
Quel est, à l’instant T, l’état d’avancement des travaux de rapprochement des trois régions ?
C’est une démarche partenariale et rapide. Lors des prochaines plénières, nous soumettrons aux élus six dossiers communs sur la formation, les structures d’aide aux entreprises, le très haut débit, ainsi que sur les modalités pratiques de nos rapprochements (nous avons déjà commencé par le biais d’au moins une visio-conférence hebdomadaire). Nous préparons également un service de transports à l’échelle de la grande région. Ensuite, il s’agira d’harmoniser nos politiques. Bien sûr au début il y aura encore trois budgets, chacun étant pour l’heure imprégné des contextes locaux et de la démarche politique propre à chaque exécutif actuellement en place…
Combien de temps faudra-t-il avant que la fusion soit totale ?
Sans doute un mandat. Peut-être moins. Plus je me rends sur le terrain, plus je sens une aspiration vers quelque chose de plus rapide que prévu.
Les entreprises semblent le cœur de votre campagne et de vos discours. Pourquoi ?
Parce que ce sont elles, en particulier les PME et les TPE, qui créent de l’emploi, donc de la vie. Et que l’économie doit être la compétence-clé des grandes régions. Je rencontre actuellement beaucoup de chefs d’entreprises. Je leur explique ce qu’est le modèle aquitain. Comment nous avons sécurisé des territoires en déprise. Comment nous avons suscité – c’est l’Insee qui le dit- un retournement industriel spectaculaire de l’Aquitaine.
Mais ce modèle aquitain, qui est la substance de votre bilan, est-il transposable au Limousin ?
Oui. le tissu industriel du Limousin et du Poitou-Charentes offre de grandes possibilités. Il y a Legrand, les start-ups du numérique… Et en Creuse, il est largement possible de mettre en place une ingénierie de retournement territorial. La plupart des entreprises que j’inaugure en Aquitaine sont à la campagne.
À l’inverse, les Aquitains pourront vous rétorquer que l’arrivée du Limousin et du Poitou-Charentes tireront leur région vers le bas…
C’est faux. On sent en Aquitaine une forme d’envie. Tous les pôles de compétitivité ont d’ailleurs pris contact avec les clusters* limousins et picto-charentais.
Qui doit financer les pôles de compétitivité ? L’État ? Les régions ?
Leur financement doit passer aux régions. Plus généralement, il ne faut plus que le financement des PME soit décidé depuis Paris.
Y aura-t-il assez d’argent ?
Oui, si l’on cesse les doublons. Il est donc tout aussi indispensable de régionaliser le service public de l’emploi. Le patron des politiques de l’emploi devra être la région. Et l’État pourra alors se concentrer à nouveau sur ses compétences régaliennes.
La répartition des compétences entre les collectivités n’est pas encore claire. Le Sénat, très départementalise, est-il un frein sérieux à la mise en place de la réforme ?
Ces débats m’insupportent. Ils bloquent la modernisation de la France. Je ne suis pas pour la disparition des départements. Simplement, à eux la solidarité, et aux régions l’économie. Mais en France, on a aussi un vrai problème, un vrai clivage entre Jacobins et Girondins. Pour ma part, je suis certes un homme de gauche, mais je ne veux pas adopter une démarche qui consiste à se dissimuler derrière une idéologie pour aller à l’encontre du développement des territoires, donc de l’entreprise.
Tous les pouvoirs décisionnaires doivent-ils être concentrés à Bordeaux ? Quid des personnels ?
Si les grandes directions sont disséminées un peu partout, ce sera difficile à piloter. Mais il est indispensable de maintenir les services généraux sur Limoges et Poitiers. La mobilité ne devrait concerner que quelques dizaines de fonctionnaires.
Et la fusion possible des académies de Limoges et Poitiers ?
Ce n’est pas l’hypothèse préférable. Il faut maintenir un rectorat à Limoges et un à Poitiers, même s’il faut une coordination à Bordeaux ne serait-ce que pour la carte des formations par exemple.
La LGV Limoges-Poitiers fait-elle partie des projets de grande vitesse que vous soutenez ?
Oui, et plus généralement nous attendons l’État sur ses compétences ferroviaires. Car il faut aussi penser aux trains du quotidien, y-compris au POLT. Aujourd’hui, ce sont les régions qui financent indirectement l’État pour que l’État finance les TET (ndlr. trains d’équilibre du territoire). C’est absurde. Par ailleurs, il est indispensable de raccourcir les distances. Nos services et l’Etat travaillent actuellement au rapprochement de Limoges et Bordeaux.
La nouvelle région devra se trouver… un nouveau nom.
(sourire). Oui. Je ne peux pas le décréter, il faut que tout le monde se l’approprie. Nous allons ouvrir un site internet où chacun pourra apporter son idée. A un moment, il faudra bien organiser une consultation. Bien sûr, j’ai mon idée. Je pense à l’Aquitaine d’Aliénor… Oui, à l’évidence, pour moi, ce serait “La Nouvelle Aquitaine”. Ce qui ne signifie pas que le Limousin disparaîtra. Regardez le Pays Basque, ou encore la Saintonge… Une grande région se doit de respecter, et de cultiver, ses identités territoriales multiples.
*groupements d’entreprises d’un même secteur d’activité
Les rédactions du Limousin