Israël / Pales­tine : Le post de Hanna Pere­khoda, mili­tante de la gauche ukrai­nienne (Sotsialny Ruh, ou Mouve­ment social)

Nous publions cet article parvenu par le biais du Réseau euro­péen de soli­da­rité avec
l’Ukraine (RESU).

Imagi­nons l’his­toire suivante. Un pays est occupé, son peuple est systé­ma­tique­ment opprimé. Les colons viennent sur leurs terres. La poli­tique de l’État occu­pant encou­rage l’ins­tal­la­tion de nouveaux colons. La lutte pour l’éman­ci­pa­tion de ce peuple opprimé reçoit un soutien insuf­fi­sant de la part des forces progres­sistes à l’ex­té­rieur du pays, et est margi­na­li­sée et igno­rée par les grands États du monde. Les forces réac­tion­naires prennent la cause de la libé­ra­tion natio­nale et recrutent auprès de la popu­la­tion qui subit l’injus­tice quoti­dienne. Leurs méthodes impliquent de plus en plus des actes terro­ristes. Ils sont bruta­le­ment répri­més et de plus en plus radi­ca­li­sés, deve­nant une orga­ni­sa­tion ultra droite, ultra réac­tion­naire.
À un moment donné, l’équi­libre inter­na­tio­nal des pouvoirs commence à chan­ger : les forces impé­ria­listes ultra-réac­tion­naires émer­gentes gagnent en pouvoir, les démo­cra­ties bour­geoises se retrouvent de plus en plus affai­blies, discré­di­tées et perdent leur posi­tion d’hé­gé­mo­nie abso­lue, notam­ment en raison de crises poli­tiques internes. Les impé­ria­listes émer­gents apportent un soutien à cette orga­ni­sa­tion qui prétend repré­sen­ter le mouve­ment natio­nal d’éman­ci­pa­tion, mais qui est deve­nue porteur de l’idéo­lo­gie de la haine. A un moment donné, sous l’im­pul­sion des acteurs exté­rieurs et sous le poids de l’op­pres­sion interne qui ne faisait que croître d’an­née en année, l’or­ga­ni­sa­tion mono­po­li­sant la cause natio­nale inten­si­fie les actes de violence contre la popu­la­tion civile de la nation oppri­mante : prise d’otages, viol, meurtre. Dans l’his­toire de l’Ukraine, nous avons déjà eu une histoire qui ressemble forte­ment à ce scéna­rio. C’était quand l’OUN, notre propre Hamas, a massa­cré des villages entiers de Polo­nais en Volhy­nie.
Je donne déli­bé­ré­ment une descrip­tion simpli­fiée et géné­ra­li­sée, car j’es­saie de voir les struc­tures qui permettent non pas d’exo­ti­ser la Pales­tine, mais de la rendre poten­tiel­le­ment compa­rable à d’autres situa­tions d’op­pres­sion colo­niale et de résis­tance légi­time menées néan­moins par des orga­ni­sa­tions ultra-droite et ultra-réac­tion­naires. Cela ne veut pas dire que le Hamas et l’OUN sont la même chose, mais je pense que la compa­rai­son a une place et nous aide à comprendre la dyna­mique systé­mique sous-jacente aux conflits de ce genre.
Aujourd’­hui, rester silen­cieux sur l’apar­theid et la violence systé­mique contre les Pales­ti­niens et se ranger du côté du régime de Neta­nyahu, qui veut anéan­tir 2 millions de la popu­la­tion de Gaza, est inac­cep­table. Dire que le meurtre de civils par le Hamas est en quelque sorte justi­fiable, ou prétendre que le Hamas repré­sente actuel­le­ment la lutte du peuple pales­ti­nien pour la liberté, est tout aussi inac­cep­table. Le Hamas et Neta­nyahu ne sont pas seule­ment deux forces réac­tion­naires, ils déclarent ouver­te­ment que leur but est l’an­ni­hi­la­tion physique de la popu­la­tion civile de l’ad­ver­saire.
Dans cette situa­tion, la seule chose raison­nable serait de soute­nir ce qui reste du mouve­ment d’éman­ci­pa­tion pales­ti­nien, qui est capable de lutter sans tomber dans le délire fasciste. Soute­nez égale­ment les Israé­liens qui s’op­posent acti­ve­ment à leur régime et soutiennent le droit des Pales­ti­niens à l’au­to­dé­ter­mi­na­tion. Mais où sont-ils après plus d’un demi-siècle d’hor­reur sans fin ? Le fait qu’ils soient si faibles est aussi de notre faute. Nous n’avons pas fait assez pour les soute­nir et les rendre forts face aux forces obscu­ran­tistes. Nous les avons trahis, pensant qu’ex­pri­mer la soli­da­rité est la même chose que aider concrè­te­ment la résis­tance des oppri­més. Non, ça ne l’est pas.
Et si nous conti­nuons comme ça, si notre acti­visme poli­tique aujourd’­hui se limite à poster des drapeaux sur les réseaux sociaux ou à écrire des commen­taires inter­mi­nables sur Face­book – nous allons avoir la deuxième Pales­tine avec son Hamas, sauf qu’elle sera au milieu de l’Eu­rope et prendre en otage plus de 30 millions d’ha­bi­tants. Oui, c’est très probable ce qui arri­vera si nous trahis­sons les Ukrai­niens et lais­sons leur pays être cloi­sonné au nom de la « paix ». Le pire, c’est que c’est exac­te­ment le genre de scéna­rio que certains mili­tants de gauche auraient préféré. Si l’Ukraine avait été occu­pée et soumise, il serait telle­ment plus confor­table d’ex­pri­mer sa soli­da­rité avec les Ukrai­niens. Et oui, j’ai entendu ce raison­ne­ment avec mes propres oreilles.
Contrai­re­ment au Hamas, Azov n’est pas au pouvoir (encore) et ne massacre pas des familles entières de civils russes. L’Ukraine défend toujours le projet démo­cra­tique et il y a encore de nombreuses forces qui luttent contre l’oc­cu­pant, mais défendent le projet d’une Ukraine laïque, ouverte, sociale et juste. Mais il semble que cela ne suffit pas pour soute­nir la lutte d’un peuple qui accepte les armes améri­caines. D’un autre côté, soute­nir le Hamas alors qu’il prend les armes des Iraniens n’a jamais été un problème pour certains « gauche occi­den­tale ».
Je suis choqué par la réac­tion de beau­coup d’ac­ti­vistes de gauche. Les gens célèbrent ce qui se passe comme si c’était « une ouver­ture » à quelque chose de bien, à la libé­ra­tion et à l’éman­ci­pa­tion des oppri­més. Pour moi ce qui se passe est un échec de l’hu­ma­nité et surtout de tous ceux qui s’iden­ti­fient aux forces de la gauche. Ce qui se passe aujourd’­hui est une recon­nais­sance de l’im­puis­sance de toutes les forces progres­sistes, qui n’ont pas fait assez pour soute­nir la cause des oppri­més. Ni en Pales­tine, ni en Iran, ni en Syrie, ni ailleurs. Agiter des drapeaux pales­ti­niens était cool pour la bonne conscience des mili­tants anti-mains­tream, mais ce n’était pas suffi­sant. Les vrais Pales­ti­niens étaient encore seuls face à l’hor­reur de l’oc­cu­pa­tion.
Nous devons le réali­ser et recon­naître notre échec le plus tôt possible. Nous devons arrê­ter de nous trom­per et enfin commen­cer à réflé­chir sérieu­se­ment à ce que nous pouvons faire CONCRÈTEMENT aujourd’­hui pour nous oppo­ser au fascisme qui se propage comme un virus, et pour VRAIMENT aider ceux qui se battent pour leur éman­ci­pa­tion avant qu’ils ne tombent dans le cycle du déses­poir et de la haine insur­mon­table.

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