Autain. 5 décembre. Pourquoi et comment gouver­ner.

Gouver­ner pour quoi et comment

 

Le débat public devient aussi fou qu’Em­ma­nuel Macron. Alors que le gouver­ne­ment Barnier vient de tomber, la charge du chaos est inver­sée sur toutes les chaines, sur tous les tons. Comme si la faute n’était pas celle du Président. L’im­mo­ra­lité d’une grande partie des classes domi­nantes, prêtes à tout pour sauver les inté­rêts du capi­tal, est à son comble.

Le chaos, c’est Macron

La respon­sa­bi­lité de la situa­tion, elle revient au Président de la Répu­blique. En sept ans, Macron n’a cessé d’abi­mer le quoti­dien des Français.es qu’il méprise. Il a plongé les comptes publics dans le rouge vif pour satis­faire une poignée d’hy­per-riches et de grands groupes. Il a bruta­lisé la démo­cra­tie. Il a imposé une disso­lu­tion puis nommé un Premier ministre au profil contraire au vote des Français.es. Puis, avec Michel Barnier, Macron a quémandé de bout en bout le soutien de Marine Le Pen et de son groupe de dépu­tés, au mépris de la raison même de sa propre élec­tion. Par deux fois.

Depuis, les mensonges sont profé­rés sans complexe, susci­tant de la peur dans la popu­la­tion. Hier, une femme m’a inter­pel­lée dans le métro. Elle m’a demandé si elle devait reti­rer en liquide l’argent qu’elle a diffi­ci­le­ment épar­gné avec son mari, comme si la menace qu’on le lui prenne était sérieuse.

Si la situa­tion nous plonge pour une part dans l’in­connu, qu’elle angoisse parce qu’elle est instable, les méca­nismes insti­tu­tion­nels créent des sécu­ri­tés : non, les cartes vitales ne vont pas être désac­ti­vées et oui, les salaires des fonc­tion­naires seront bien versés. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, cela signi­fie­rait que le Parle­ment n’est offi­ciel­le­ment qu’une chambre d’en­re­gis­tre­ment. Car si un budget doit forcé­ment être adopté, sinon c’est le chaos absolu, à quoi bon le soumettre au vote de l’As­sem­blée ? Il suffi­rait alors de ne deman­der la rati­fi­ca­tion que des édito­ria­lis­tes…. Mais nous sommes encore en démo­cra­tie, fut-elle chaque jour plus bancale.

Nous voulons gouver­ner

Ce gouver­ne­ment était illé­gi­time. Ses soutiens ont empê­ché le vote de l’abro­ga­tion de la réforme des retraites puis la repré­sen­ta­tion natio­nale a été piéti­née avec un 49.3 sur le budget. Nous l’avons censuré. Très concrè­te­ment, cela signi­fie ne pas accep­ter les dérem­bour­se­ments de médi­ca­ments, les 5 milliards d’eu­ros en moins pour les collec­ti­vi­tés locales ou encore les 186.000 emplois qui seraient, de fait, suppri­més dans l’éco­no­mie sociale et soli­daire. Nous ne sommes pas des paillas­sons. Nous ne pouvons être les complices serviles de l’ob­ses­sion du Président des riches : empê­cher toute remise en cause de sa poli­tique au service de l’oli­gar­chie.

Ce que nous voulons, c’est que le résul­tat des élec­tions de juillet dernier soit respecté. Appe­lons Emma­nuel Macron à la raison : le NFP est la coali­tion arri­vée en tête en juillet dernier. Nous n’avons pas la majo­rité abso­lue mais personne ne l’a dans cette nouvelle Assem­blée. Nous avons en revanche la légi­ti­mité des urnes pour conduire le pays, en cher­chant texte par texte des majo­ri­tés. Dire que nous applique­rons tout notre programme si nous sommes appe­lés à gouver­ner est évidem­ment un mensonge. Cet état de fait ne peut pas chan­ger avant une nouvelle disso­lu­tion. Alors nous pouvons faire le choix, comme le RN, de refu­ser de gouver­ner. Mais je pense qu’au regard de la gravité du moment et du résul­tat des élec­tions de juillet, nous devons prendre nos respon­sa­bi­li­tés. D’où la seule ques­tion qui vaille à mon sens, au moment où les commen­taires se foca­lisent sur le qui : pour faire quoi et avec quelle méthode ?

Le groupe Écolo­giste et Social, dans lequel je siège après la rupture avec LFI suite aux purges, présente une spéci­fi­cité qui est une richesse dans le moment que nous traver­sons avec le NFP : sa diver­sité. Mon collègue Charles Four­nier et moi-même, en lien avec la prési­dente Cyrielle Chate­lain et l’en­semble des député.es, nous avons travaillé une feuille de route gouver­ne­men­tale. 11 propo­si­tions sont mises en avant. Elles repré­sentent autant des lignes rouges que de raisons de gouver­ner, à commen­cer par l’abro­ga­tion de la réforme des retraites, la Confé­rence pour l’aug­men­ta­tion des salaires, la fin des licen­cie­ments bour­siers assorti d’un Grenelle de l’In­dus­trie, une grande loi pour le climat ou une autre pour en finir avec la concen­tra­tion dans les médias. Mais l’une des plus impor­tantes propo­si­tions à mes yeux, c’est le chan­ge­ment d’ap­proche budgé­taire : cesser de compri­mer la dépense publique pour aller cher­cher de nouvelles recettes, en mettant à contri­bu­tion les hyper-riches et les grands groupes, notam­ment pour inves­tir dans les protec­tions sociales, les services publics et la bifur­ca­tion écolo­giste.

Dans le contexte insti­tu­tion­nel actuel, si l’on gouverne, il faudra trou­ver des majo­ri­tés. Cela ne signi­fie pas gouver­ner avec des respon­sables, des forces qui sont en désac­cord avec le cap poli­tique du NFP. Est-ce crédible et porteur de former un gouver­ne­ment avec ceux que nous combat­tions, et ferme­ment, hier encore ? De faire explo­ser le NFP ? Nous ne pouvons pas brico­ler des accords sur un coin de table sans cohé­rence idéo­lo­gique et brouiller plus encore les repères poli­tiques. Ce n’est ni notre mandat, ni crédible pour stabi­li­ser un gouver­ne­ment. Il est en revanche indis­pen­sable de chan­ger de méthode : en finir avec le 49.3. Et donc accep­ter de ne prendre comme lois, comme budget, que ce que la repré­sen­ta­tion natio­nale permet. Cela suppose de dialo­guer pour convaincre et de respec­ter la logique parle­men­taire.

En finir avec l’hy­per-prési­den­tia­lisme

C’est Macron, et lui seul, qui décide de la nomi­na­tion du Premier ministre. Ce pouvoir exor­bi­tant donné à un seul homme sous cette pous­sié­reuse Ve Répu­blique devrait conduire à tirer le seul ensei­gne­ment qui vaille : en finir avec l’hy­per-prési­den­tia­lisme.

Aurions-nous donc une meilleure solu­tion avec la démis­sion de Macron ? Comme la majo­rité des Français.es, je souhaite son départ. J’ai d’ailleurs signé la demande de desti­tu­tion propo­sée par la France Insou­mise. Mais cela ne doit pas empê­cher de penser dans ce moment de tempête. Et de s’in­ter­ro­ger. Sur une prési­den­tielle qui n’au­rait que 35 jours de campagne. Sur le présup­posé impli­cite : un homme provi­den­tiel pour­rait régler la situa­tion. Sur le problème qui demeu­re­rait : si nous chan­geons de Président, l’As­sem­blée natio­nale demeu­rera en l’état pendant au moins six mois – et si nous contes­tons la bruta­li­sa­tion du Parle­ment, le problème reste presque entier. Il faudrait aussi, face à la menace bien réelle d’une victoire de l’ex­trême droite, que nous nous mettions, à gauche, en meilleur ordre de marche pour la gagner…

Dans la tragé­die que nous subis­sons, une convic­tion ne bouge pas : sortir du chaos néces­site la mobi­li­sa­tion popu­laire. Au fond, le peuple est toujours la clé.

Clémen­tine Autain

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