5 décembre 2025

Plenel. Pour l’in­ter­na­tio­na­lisme.

https://blogs.media­part.fr/edwy-plenel/blog/120922/en-defense-de-l-inter­na­tio­na­lisme

Plai­doyer pour l’in­ter­na­tio­na­lisme et contre l’in­dif­fé­rence, « L’Épreuve et La Contre-épreuve » (Stock) ques­tionne l’ab­sence, notam­ment à gauche, de soli­da­rité active avec le peuple ukrai­nien, comme hier avec le peuple syrien, face à l’agres­sion impé­ria­liste russe. En librai­rie le 14 septembre.

L’Ukraine aujourd’­hui, la Syrie hier : dans leur majo­rité, les gauches restent inac­tives face à l’im­pé­ria­lisme russe qui, après être venu au secours d’une des pires dicta­tures du monde arabe, a envahi un pays euro­péen dans le but d’an­nexer son terri­toire et d’as­ser­vir son peuple. Depuis bien­tôt sept mois que dure la guerre d’agres­sion russe, elles se distinguent par leur absten­tion et leur précau­tion, sans faire vivre la soli­da­rité inter­na­tio­nale par une mobi­li­sa­tion popu­laire ni donner la parole aux peuples concer­nés par l’ac­cueil de résis­tants ukrai­niens ou d’op­po­sants russes.

L’Épreuve et La Contre-épreuve, qui paraît mercredi 14 septembre chez Stock, inter­pelle cette déser­tion d’un champ d’ac­tion qui, pour­tant, fut aux origines du mouve­ment ouvrier : l’in­ter­na­tio­na­lisme. Si L’In­ter­na­tio­nale fut histo­rique­ment le chant de réfé­rence des luttes portées par les forces de gauche, partis et syndi­cats, c’est parce qu’elle exprime la convic­tion que l’éman­ci­pa­tion sociale et démo­cra­tique passe par la frater­nité des peuples contre les domi­na­tions poli­tiques et les oppres­sions écono­miques. Dès qu’elle aban­donne cette exigence, la gauche cède du terrain aux forces qu’elle prétend combattre, épou­sant des logiques étatiques de puis­sance et idéo­lo­giques d’iden­tité.

Illustration 1

L’Épreuve et La Contre-épreuve (Stock, 19,50 €)

C’est au nom de cet idéal que furent menés des combats fonda­teurs contre les impé­ria­lismes guer­riers et contre les puis­sances colo­ni­sa­trices, que fut défendu le droit des peuples à s’au­to­dé­ter­mi­ner et à se révol­ter, que furent orga­ni­sées les soli­da­ri­tés inter­na­tio­nales sans fron­tières pour venir à leur secours. C’est aussi cet idéal qui fonda, dans les combats anti­fas­cistes, le rejet des idéo­lo­gies natio­na­listes et iden­ti­taires, terreau fertile de la xéno­pho­bie et du racisme sur lequel prennent inévi­ta­ble­ment racine des poli­tiques crimi­nelles de néga­tion, voire d’ex­ter­mi­na­tion, de l’Autre, du diffé­rent, du dissem­blable, du dissi­dent, de l’étrange et de l’étran­ger.

« L’in­dif­fé­rence est le poids mort de l’his­toire », écri­vait Anto­nio Gram­sci, alors jeune socia­liste, au début du siècle dernier. D’où vient ce poison d’in­dif­fé­rence aux sursauts du monde et au sort des peuples qui téta­nise aujourd’­hui la plupart des gauches françaises ? Plai­doyer pour son anti­dote, l’in­ter­na­tio­na­lisme, L’Épreuve et La Contre-épreuve remonte aux sources, anciennes et récentes, de ce renon­ce­ment, du natio­nal-commu­nisme stali­nien au natio­nal-répu­bli­ca­nisme chevè­ne­men­tiste. Dans les deux cas, la gauche, en ses versions radi­cales ou réfor­mistes, a déserté la soli­da­rité spon­ta­née avec les peuples, leurs soulè­ve­ments, leurs luttes et leurs espoirs, au profit d’un repli sur un quant-à-soi natio­nal où la poli­tique inter­na­tio­nale est réduite au jeu des puis­sances et des inté­rêts.

Réqui­si­toire contre l’ali­gne­ment sous toutes ses formes, cet essai plaide pour des soli­da­ri­tés inter­na­tio­na­listes qui ne soient l’otage d’au­cun camp. Être soli­daire sans condi­tions ni réserves de la résis­tance du peuple ukrai­nien à l’in­va­sion russe n’em­pêche pas de combattre les désastres dont sont respon­sables les puis­sances qui soutiennent mili­tai­re­ment l’Ukraine, les États-Unis au premier chef. Mais jamais ces désastres ne sauraient justi­fier que l’on aban­donne aujourd’­hui le peuple ukrai­nien au joug de la Russie pouti­nienne comme l’on a aban­donné le peuple syrien sous la botte de la dicta­ture des Assad.

L’in­ter­na­tio­na­lisme est l’ap­pren­tis­sage d’une poli­tique sensible qui, loin des idéo­lo­gies froides et des raisons étatiques, fait vivre en pratique le précepte de Terence, dont Marx, cofon­da­teur de la Première Inter­na­tio­nale, disait que c’était sa maxime préfé­rée : « Rien de ce qui est humain ne m’est étran­ger » [Homo sum ; humani nihil a me alie­num puto]. Oui rien. Ni le peuple pales­ti­nien auquel Israël dénie toujours le droit à vivre souve­rai­ne­ment. Ni le peuple ouïghour victime de crimes contre l’hu­ma­nité commis par la Chine. Ni le peuple ukrai­nien… Etc. Il s’agit en somme de tenir tous les bouts.

Ce fut l’en­sei­gne­ment de ce moment drey­fu­siste du commu­nisme que fut l’Op­po­si­tion de gauche au stali­nisme, autour de Léon Trotsky et de son Odys­sée alors qu’il était minuit dans le siècle précé­dent, face au fascisme et au nazisme dont l’avè­ne­ment fut préci­pité par le stali­nisme, son aveu­gle­ment et ses crimes. Passant outre ses cari­ca­tures et ses secta­rismes L’Épreuve et La Contre-épreuve veut en réha­bi­li­ter l’hé­ri­tage à l’at­ten­tion des nouvelles géné­ra­tions, en rappe­lant combien ce combat à contre-courant a sauvé des prin­cipes dans le désastre, porteurs à la fois de radi­ca­lité démo­cra­tique et de soli­da­rité inter­na­tio­na­liste.

Il serait temps que les gauches françaises refusent clai­re­ment cette poli­tique hémi­plé­gique ou borgne qui, justi­fiant de ne pas agir au prétexte d’un « deux poids, deux mesures », aban­donne les soli­da­ri­tés élémen­taires où s’in­ventent et se construisent les alter­na­tives aux désordres impé­ria­listes du monde. C’est l’alarme que docu­mente L’Épreuve et La Contre-épreuve en tirant un fil qui va de la guerre ukrai­nienne aux guerres yougo­slaves des années 1990 : plus le camp de l’éman­ci­pa­tion déserte l’in­ter­na­tio­na­lisme, plus il laisse la voie libre à son ennemi de toujours, le camp de l’iné­ga­lité et de l’iden­tité, sous l’alibi du natio­nal et de l’im­pé­rial.

Car il n’y aura pas de combat vainqueur contre l’ex­trême droite ici sans victoire là-bas contre la puis­sance qui porte l’éten­dard de ces néofas­cismes, la Russie de Vladi­mir Poutine. Il n’y aura pas de libé­ra­tion du peuple russe de l’op­pres­sion qu’il subit sans défaite de l’im­pé­ria­lisme pouti­nien. Il n’y aura pas d’avè­ne­ment d’un monde meilleur, déli­vré des haines et des guerres, sans expé­rience humaine, concrète et pratique, des soli­da­ri­tés élémen­taires avec les hommes, les femmes et les enfants qui en sont, aujourd’­hui, les victimes.

> Actua­li­sa­tion le 3 octobre avec ces vidéos d’en­tre­tiens ou de confé­rences autour du livre (et aussi cet entre­tien sur le site du « Point ») :

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