5 décembre 2025

Media­part. 10 octobre. Olivier Mannoni. « Le fascisme commence par le langage »

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L’échap­pée. Olivier Mannoni : « Le fascisme commence par le langage »

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Traduc­teur de l’al­le­mand, Olivier Mannoni inter­roge, à partir du labo­ra­toire nazi, la bruta­li­sa­tion de la langue qui accom­pagne les fascismes. Il nous explique comment Trump parle comme Hitler, et Poutine comme un gang­ster.

Edwy Plenel

Olivier Mannoni a vécu près de dix ans avec les mots d’Adolf Hitler, en étant chargé d’une retra­duc­tion de Mein Kampf dans le cadre d’une édition critique, Histo­ri­ci­ser le mal, diri­gée par l’his­to­rien Florent Brayard, parue en 2021. Traduc­teur réputé, fonda­teur de l’École de traduc­tion litté­raire, il n’est pas sorti indemne de cette fréquen­ta­tion, alors même qu’il avait déjà souvent traduit des textes sur le IIIe Reich. C’est que ces mots d’hier, il les enten­dait aujourd’­hui.

« Nous assis­tons à la remon­tée des égouts de l’his­toire. Et nous nous y accou­tu­mons », écrit-il dans Traduire Hitler, paru en 2022, suivi en 2024 de Coulée brune, qui s’at­tache à montrer « comment le fascisme inonde notre langue ». « Parce qu’il permet le dialogue et la prise de déci­sion commune, le langage est la force de la démo­cra­tie, écrit-il. Que ce langage soit perverti, et c’est la démo­cra­tie elle-même qui se distord, s’atro­phie et perd sa raison d’être. »

Durant cette « échap­pée », Olivier Mannoni nous explique ainsi comment Donald Trump et son entou­rage parlent comme Adolf Hitler et les propa­gan­distes nazis. Cette « langue du même et de la racine » s’ac­com­pagne de méca­nismes langa­giers que partagent les médias de la haine : simpli­fi­ca­tion outran­cière de la réalité, petites phrases comme autant d’up­per­cuts, véri­tés alter­na­tives dans une inver­sion systé­ma­tique du sens.

Cette bruta­li­sa­tion va de pair avec une trans­gres­sion perma­nente dont le char­la­ta­nisme assumé et la gros­siè­reté illi­mi­tée sont autant d’armes langa­gières pour faire taire les oppo­sant·es, les para­ly­ser et les stupé­fier. Cette nouvelle langue des fascismes est aussi un « parler pègre » dont Vladi­mir Poutine est coutu­mier, évoqué par le récent essai de la philo­logue Barbara Cassin La Guerre des mots.

« On prend tout ça pour de la frime, on ne prend rien au sérieux et on sera bien éton­nés le jour où ce théâtre sera devenu une sanglante réalité » : cette conver­sa­tion avec Olivier Mannoni actua­lise l’an­cienne mise en garde de Victor Klem­pe­rer, célèbre auteur de LTI, la langue du IIIReich. Lequel ajou­tait ceci : « Les mots peuvent être comme de minus­cules doses d’ar­se­nic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’a­près quelque temps, l’ef­fet toxique se fait sentir. »

Face à cette extrême droite pour laquelle les mots sont des armes, nous devons mener cette bataille du langage. Telle est l’alerte d’Oli­vier Mannoni, qui écrit dans Coulée brune : « Nous sommes à ce carre­four. Si nous prenons le mauvais chemin, le pire est assuré et la novlangue d’Or­well ne sera qu’une plai­san­te­rie par rapport à ce que nous devrons subir. »

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