Article d’un camarade d’Ensemble sur le site ami, syndicollectif.fr , sur la situation avant le 12 septembre:
Répondant aux questions des journalistes, Philippe Martinez a précisé plusieurs aspects : sur d’autres étapes d’action, sur les convergences déjà actées avec d’autres syndicats, sur l’appel de la France Insoumise à mobiliser le 23 septembre.
« Le 12 n’est qu’une première étape », explique Philippe Martinez, « une autre est à réfléchir la semaine suivante ». Rappelons que dans une lettre récente aux salarié-es et équipes syndicales, l’Union syndicale Solidaires expliquait aussi que pour la suite du 12, « …nous proposons dès maintenant de mettre en débat la date du 20 septembre, jour où seront promulguées les ordonnances Macron ». Nous savons maintenant par la bouche de Jean-Claude Mailly que le bureau confédéral de FO, tout à son nouveau rôle d’interlocuteur « écouté » du gouvernement, n’appellera pas au 12. Mais nous avons appris à la conférence de presse CGT que des organisations de FO s’y joindraient, par exemple la fédération des transports FO, et plusieurs dizaines d’Unions départementales (UD). Par ailleurs, la Commission exécutive de FO se réunit le 4 septembre.
Nous avions déjà publié (voire sur www.syndicollectif.fr le 13 juillet 2017 : http://wp.me/p6Uf5o-1hj) des prises de positions d’UD FO pour agir contre les ordonnances : toutes affirmaient qu’elles étaient restées fidèles à la logique d’action « contre la loi Travail » de 2016, et qu’il n’y avait pas de raison d’en bouger. Une partie de FO a pris goût au syndicalisme de lutte dans l’unité. Reste à vérifier que ces structures seront réellement engagées le 12 « contre la loi travail XXL ». Si c’est le cas, l’appel au 12 comprendrait donc la CGT, Solidaires, l’UNEF, plus des structures de FO et aussi des syndicalistes de la CGC, laquelle est très critique, mais sans appeler à manifester. La FSU aurait aussi « déposé un préavis de grève et appelle aux initiatives ».
Le fait un peu nouveau est que la CFDT est mécontente des arbitrages gouvernementaux : elle conteste vigoureusement que dans les entreprises de moins de 50 salarié-es le patron puisse négocier directement avec des élu-es ou des salarié-es sans passer par un syndicat, et ensuite organiser à sa guise un référendum. Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT, déclare jeudi 31 sur France inter que le chef d’entreprise pourra ainsi faire totalement ce qu’il veut : sa loi s’appliquera ! Mais bien sûr, pas question pour autant de manifester dans la rue. Jean-Claude Mailly a réussi son pari : être l’interlocuteur privilégié du nouveau pouvoir. Après 2016, il fallait le faire !
Créer une dynamique de rassemblement
Philippe Martinez évoque aussi les conditions de préparation du 12 dans les entreprises. S’il souligne le « fort mécontentement » dans le pays, et la dégringolade dans les sondages de E. Macron, ce qui à l’évidence ne montre aucune adhésion à son projet, il ajoute aussi : « à nous de bosser pour mobiliser ». Et il souligne qu’à ce stade, « on ne globalise pas les problèmes ». Il donne l’exemple des fonctionnaires, largement absents des luttes de 2016, pour indiquer que leur entrée dans l’action ne se fera peut-être pas d’emblée sur le Code du travail, mais sur le blocage salarial annoncé et les menaces sur leur statut. Mais ce constat est valable aussi pour d’autres secteurs professionnels, car les préoccupations premières peuvent varier et le Code du travail reste un livre obscur tant qu’on n’y est pas directement confronté. Le débat sur les difficultés de la « convergence des luttes » existe donc dans la CGT, y compris sur le bilan de 2016 et du congrès de Marseille sur ce plan. En réalité, il existe dans tous les syndicats et singulièrement parmi ceux qui étaient dans l’action en 2016. Citons là encore la lettre aux salarié-es et aux équipes syndicales de Solidaires : « Les attaques sont de taille, donc. Et pourtant, nous ne voyons pas pour l’heure une ébullition dans les entreprises et les services. Nous savons que la lutte contre la première loi travail en 2016 pèse aujourd’hui : « à quoi bon faire grève, manifester ? », ce sont des questions que l’on entend autour de nous, et il faut y répondre ». Solidaires appelle à résister à la résignation. C’est pour cette raison qu’une première manifestation à l’initiative de Solidaires avait lieu mercredi 30 août devant l’Université d’été du MEDEF, action soutenue par l’UD CGT de Paris, Front social, Attac, d’autres associations. 1000 personnes se sont rassemblées à Jouy-en-Josas dans les Yvelines. Il est utile de mettre en évidence publique que le MEDEF a trouvé un gouvernement à sa convenance, vraiment « pro business » comme le dit le PDG d’AXA, Jacques de Peretti (Le Monde).
Mais le climat syndical reste confus et une vraie dynamique de rassemblement reste à installer. Il y a des atouts pour cela. L’Humanité du mardi 29 août publie, outre une interview de Philippe Martinez, un sondage Odoxa pour RTL indiquant que 63% de Français pensent que les ordonnances sont « une mauvaise idée », que 61% sont contre le plafonnement des indemnités en cas de licenciement frauduleux. Et 80% pensent qu’il peut y avoir « un mouvement social d’ampleur ». Mais la propagande sur le Code du travail réputé complexe et donc « frein à l’embauche » (dénoncée par Martinez comme un « mensonge d’Etat ») convainc quand même 56% des sondés.
Ce sondage révèle un état d’esprit politique qui reste « frondeur », au sortir d’une présidentielle où Macron a certes été élu, mais sans base politique forte. C’est pourquoi une des clefs de la construction des luttes reste de créer un climat de bonne intelligence entre le mouvement de résistance sociale et le soutien actif des forces politiques antilibérales et des intellectuels critiques (par exemple les économistes atterrés, ou le Groupe des juristes universitaires qui ont travaillé à un autre Code du travail protecteur et lisible). Cet alliage des diversités ne nuirait pas au syndicalisme pour peu qu’il soit coconstruit dans le respect des savoir-faire de chacun.
C’est aussi l’ambition du Collectif Pour nos droits sociaux, créé en juillet dernier à l’invitation de la fondation Copernic, et qui associe des structures CGT, Solidaires, Attac, associations féministes, le syndicat des avocats de France (SAF), et des forces et courants politiques de gauche (EELV, Ensemble, PCF, PG…). Une première initiative publique est en préparation à la Bourse du travail de Paris le samedi 9 septembre. Il est souhaitable que ce collectif essaime sur le territoire. Il peut aussi jouer un rôle de passerelle entre plusieurs façons d’agir. En son sein, le PG a annoncé la manifestation initiée par France Insoumise le samedi 23 septembre prochain. Interrogé sur ce point, Philippe Martinez a expliqué d’abord que la CGT participerait le 23 septembre à une « marche pour la paix » déjà prévue en compagnie d’autres organisations, dans le contexte mondial agité d’aujourd’hui. Il a ajouté : « Nous ne contestons à aucun parti le droit d’avoir ses positions et de contester, comme cela s’est déjà fait, mais nous avons notre calendrier et notre indépendance ».
Le calendrier gouvernemental ne se termine pas le jour où le conseil des ministres adopte les ordonnances le 20 septembre, mais se poursuit par une nouvelle phase parlementaire où elles devront être ratifiées dans les mois suivants. Le 12 septembre, le 20 septembre ou d’autres dates, un vrai plan d’action, le rôle du collectif Pour nos droits sociaux, la marche du 23 septembre, l’action des députés et des partis politiques, il est souhaitable que les dates puissent converger et se compléter plutôt que se concurrencer.
Jean-Claude Mamet, 31–8–2017